Rétrospective 2020

Pierre Sopor 25 janvier 2021

On ne va pas y aller par quatre chemins : 2020 n'est pas l'année la plus populaire de l'histoire des réseaux sociaux. Cela fait quelques années que la mode est à dire "telle année est horrible", en fonction du nombre d'icônes de la pop-culture disparues par exemple, mais les douze derniers mois ont mis pas mal de monde d'accord : c'était plutôt merdique. Retirons donc les films, les bouquins et la musique et confinons-nous avec nos insupportables marmots (pour les malheureux qui en ont), ou juste notre odieux reflet dans le miroir (pour les inconscients qui en ont)... On verra vite si la culture n'est pas "essentielle". Bref.

Par conséquent, plutôt que vous étouffer sous de nombreuses rétrospectives qui répéteront toutes que les concerts nous manquent, notre équipe vous propose un bon gros article dans lequel chacun s'y exprime un peu comme il veut. On espère encore une fois avoir fait découvrir quelques belles choses à une personne ici ou là, et pour ceux qui n'ont pas suivi mais ont envie de lire la suite, on récapitule donc ce que l'on retient de 2020 sur VRDA, au-delà des chansons sur le confinement, des reprises homemades pour passer le temps et des lives en streaming parfois miséreux. Et puis, en bonus, vous pouvez retrouver une playlist spotify dans laquelle, en vrac, on vous a mis un peu tout ce dont on a parlé à un moment ou à un autre. C'est aussi cohérent que notre ligne éditoriale, on vous invite à parcourir ça en mode aléatoire et on vous souhaite d'y piocher de belles choses qui vous auraient échappées.

Pierre

Etouffés, les artistes avaient-ils envie de sortir leurs albums sans les défendre ensuite sur scène ? Et nous, avions-nous la même soif, sans pouvoir vivre quotidiennement tout cela, comme "avant" ? Bof. Mi-blasé, mi-endormi, j'ai traversé 2020 sans m'extasier autant que d'habitude sur les différentes sorties, y compris au cinéma (merci au trop chouette Petit Vampire de l'irremplaçable Joann Sfar ou à la folie de Dupontel et son Adieu les Cons, quand même).

J'ai surtout été marqué par DOOL et son merveilleux Summerland, la découverte de BLACK MAGNET, prometteur projet de metal industriel bien noir et méchant, ROME moins minimaliste que d'habitude mais au top de sa forme, Maxime Taccardi très prolifique dans ses différents projets (K.F.R., GRIIIM, KYŪKETSUKI) et dont l'art radical et viscéral est d'une puissance cauchemardesque rare, RÏCÏNN plus magique que le dernier IGORRR et enfin les ambiances plus feutrées de KING DUDE et HEXVESSEL. Comme on a eu droit à deux mois de concerts, il y a quand même eu 3TEETH et MOAAN EXIS qui ont tout cassé en février, ou le retour express de MY OWN PRIVATE ALASKA qui faisait bougrement plaisir. Mais s'il y a bien un artiste qui a survolé mon année 2020 avec toute sa générosité, sa folie, sa bonne humeur et sa rage, c'est Matt Howden : non seulement SIEBEN a fourni la bande-son parfaite à cette année avec 2020 Vision, mais le violoniste a bien été le seul a réussir à proposer des streamings qui fonctionnent vraiment, immanquables rendez-vous créant un espace chaleureux, agréable, rassurant et amusant, répétés depuis plusieurs mois (tous les vendredis soirs depuis mars). Merci à lui !

Je vous laisse avec une playlist spotify (oui, je sais, le grand Satan, tout ça. Vous commandez sur Amazon, vous ?), sorte de "best-of" d'une quarantaine de titres, à écouter en vrac, sorte de résumé de la playlist version longue partagée plus haut. Il y manque des choses, forcément, entre les oublis et les artistes qui ont fait le noble choix de ne pas figurer sur cette plateforme, mais l'essentiel y est.

TOP 10 ALBUMS 2020

DOOL - Summerland
ROME - The Lone Furrow
BLACK MAGNET - Hallucination Scene
RÏCÏNN - Nereïd
HEXVESSEL - Kindred
KING DUDE - Full Virgo Moon
MOAAN EXIS - Necessary Violences
PIG - Pain is God
K.F.R. - Nihilist
TRAÎTRE CALIN - XIII Ex-Votos

Julien

Souhaite-t-on vraiment revenir sur 2020 ? Amputés de la culture "non essentielle" et confinés à la maison, il faut avouer que le coeur n'était pas là pour apprécier à leur juste valeur les nouveautés d'artistes qui se sont quand même résignés à sortir quelque chose malgré le contexte bien difficile. Par respect pour eux et pour le travail fourni, et parce que ces albums ont quand même apporté un peu de lumière à ces temps embrumés, voici un modeste top 6 de mes albums préférés sortis en 2020 et un rapide débrief.

MYRKUR qui a abandonné son black metal pour un album folk a été la plus grosse surprise de ce début d'année, et sans doute l'expérience qui m'a le plus marquée. De son côté, en reprenant en acoustique ses plus grand succès, IAMX a tapé dans le mille en offrant une oeuvre mélancolique pleine d'émotion qui sublime sa voix si particulière. Fait étonnant, n'ayant jamais été un grand fan de MARILYN MANSON, j'ai été plus qu'agréablement surpris par son dernier album malgré un côté plus pop mais qui semblait bien plus sincère et moins provocateur pour deux sous que ces précédents opus. Concernant IGORRR, je reconnais avoir été un peu déçu lors de ma première écoute, mais sûrement parce que je m'attendais à la même chose que Savage Sinusoid : malgré tout, après plusieurs écoutes, j'ai fini par apprécier l'album qui regorge de qualité et de bons moments. ENSIFERUM sortait cette année Thalassic et propose désormais des passages en chant clair plus qu'appréciés qui ajoutent encore au côté épique de leur musique. Pour finir, le second album de DOOL a fini de me convaincre que ce groupe est excellent, surtout avec le morceau Sulphur & Starlight qui a tourné en boucle pas mal de temps cette année.

TOP 6 ALBUMS 2020

MYRKUR - Leaves of Yggdrasil
IAMX - Echo Echo
MARILYN MANSON - We Are Chaos
IGORRR - Spirituality and Distorsion
ENSIFERUM
- Thalassic
DOOL - Summerland

Spoon

Une année atypique à bien des égards mais relativement riche au niveau musical. De nombreux bons albums ont vu le jour en 2020 et, malheureusement, aucun n'est passé sous ma plume virtuelle pour une chronique. Bref, le début de l'année a été particulièrement prolifique du côté de la synthwave avec notamment les excellents Apocalypse Prophecy de POLYBIUS et son côté retro-gaming sans forcer dans la chiptune ; ou encore Eskhaton de CHAOS VECTOR, plus en finesse, qui insuffle une ambiance post-apocalyptique ; sans oublier Everflame de DAV DALLEON et son lot de synthés couplés à un moteur V8.

C'est notamment en fin d'année que j'ai pu renouer avec le Metal, que j'avais délaissé depuis quelques temps déjà. Pourtant, c'était plutôt mal parti avec le dernier BENIGHTED qui ne m'a pas apporté cette petite hystérie de groupie quand j'ai écouté Obscene Repressed, hormis ce magnifique pig squeal quand on ouvre la pochette cd. A cela, le retour tant attendu de ...AND OCEANS qui ne m'a pas séduit, sans doute la faute des précédents opus qui avaient mis la barre tellement haute. J'ai notamment retenu deux albums du style qui continuent de tourner inlassablement aujourd'hui et, pour cette année, je me contenterai d'un simple TOP 3.

[3] INGESTED - Where Only Gods May Tread (Brutal Death Metal)
Rien d'extraordinaire, ni de novateur, mais une volée de parpaings dès les premières secondes. Un véritable rouleau compresseur qui ne s'arrête qu'à la panne d'essence. On ressent ce côté puissant, faste et brutal sur tous les instruments (même si j'aurai apprécié une basse plus mise en avant). A cela, on a également un panel vocal très large et l'on retrouve la recette gagnante d'un bon groupe de brutal death metal. Il n'en demeure pas moins une grosse influence progressive que l'on ne peut nier lors des soli de Dead Seraphic Forms, ni de l'inspiration deathcore de la scène américaine, notamment sur Follow The Deceiver, dont ils sont très friands depuis plusieurs années déjà.

[2] HELL:ON - Scythian Stramm (Death Metal)
J'ai beaucoup apprécié ce petit mais discret côté oriental avec des instruments folkloriques sur The Denial of Death ou encore des chants diphoniques de The Architect's Temple apportant un aspect chamanique. Je trouve qu'il y a un léger côté THE MONOLITH DEATHCULT avec une batterie rapide et nerveuse en contraste avec une ambiance générale plutôt stagnante, particulièrement flagrant sur Whispers Of The Past Yet To Come. Je regrette juste un timbre vocal assez monocorde mais heureusement supplanté par une instrumentale solide et variée. Il suffit de s'écouter ce monstre de puissance qu'est Movements Of Godless qui pose une lourde et massive ambiance dès l'intro, où tu sens que tout va exploser d'un moment à l'autre, pour ensuite faire pleuvoir des parpaings.

[1] ESA - Burial 10 (Powernoise)
Avec That Beast en 2018, Jamie Blacker avait déjà mis la barre très haute sur la qualité et renforçait d'autant plus sa position parmi les plus grands de la musique industrielle. Mais avec Burial 10, il assoit avec ESA sa position de patron et nous délivre la Constitution de la powernoise. Sans aucun doute l'album de sa consécration et déjà une référence dans le milieu. Il sera difficile de faire mieux, ne serait-ce que d'égaliser ce concentré de grosses basses, rythmiques énergiques et mélodies accrocheuses ; le tout dans une fluidité sans précédents où s'enchaînent les différentes scansions sans temps mort. Définitivement l'album de l'année pour moi que j'aurai aimé couvrir à sa sortie.

Tanz Mitth'Laibach

Pour ma part, j'attendais deux choses avec impatience de cette année : la sortie du nouvel album de DIE FORM et le concert de COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA initialement prévu en février dernier. Las ! La pandémie en a décidé autrement, et voilà l'album de DIE FORM remis au 29 janvier prochain tandis que l'on attend toujours que les concerts puissent se tenir. Fort heureusement, tout n'a pas été raté cette année grâce à une excellente surprise : l'album Revisited de LAIBACH, version remaniée de titres datant des débuts de la formation slovène. Et là, c'est la baffe : je n'ai jamais oublié la stupéfiante version live de Smrt za Smrt par laquelle le groupe attaquait ses concerts en 2016, et tout l'album est ici du même acabit, à compter parmi les perles que LAIBACH nous a fourni depuis plus de quarante ans !

Le reste de l'année m'aura aussi fourni un nouvel album aussi surprenant que réussi de SELOFAN. Le retour de LINEA ASPERA, en revanche, n'aura pas été aussi marquant que prévu, bien qu'intéressant. Je retiens l'apparition de quelques groupes prometteurs : les Français de RETROSECT, à qui un EP aura suffi pour capter mon attention, idem pour les Slovènes de KREDA, ainsi qu'un redoutable projet de metal industriel, BLACK MAGNET. Le confinement a par ailleurs eu du bon sur au moins un point : il m'a permis de réaliser un projet qui me tenait à cœur, mon éditorial sur les unions entre classique et musiques sombres ! Espérons à présent que les artistes et tous ceux et celles qui vivent des concerts puissent reprendre la scène, et surtout que les choses changent pour qu'une telle situation ne soit plus possible à l'avenir, car la culture et la vie sociale ne sont pas un luxe mais la base des sociétés humaines.

Je termine par un petit top des disques, en toute subjectivité :

TOP 9 ALBUMS 2020

LAIBACH
- Revisited (Industriel, Slovénie)
SELOFAN - Partners in Hell (Darkwave, Grèce)
LINEA ASPERA - LP II (Darkwave, Royaume-Uni)
LEBANON HANOVER - Sci-Fi Sky (Darkwave, Suisse / Royaume-Uni)
BLACK MAGNET - Hallucination Scene (Metal industriel, États-Unis)
THE DEVIL & THE UNIVERSE - Thank GOAT, it's Christmas ! (Darkwave, Autriche)
RETROSECT - Le Désir et l'Ennui (Electro-indus, France)
KREDA - Crest (Pop expérimentale, Slovénie)
THE BREATH OF LIFE - Sparks Around Us (Darkwave, Belgique)

Erīck Wīhr

Jamais nos attirances musicales n'auront sonné plus contemporaines que l'année passée. Et autant le dire : quand ça devient populaire, c'est moins rebelle, c'est moins amusant ! Certains fantasmes ne sont pas faits pour être vécus et partagés ; ils sont bien là où ils sont, dans nos petits esprits créatifs et émerveillés par la profondeur des abysses. S'il fallait tirer quelque chose de cette année, c'est bien que dans ces périodes de remise en question et d'incertitude, l'art au sens large s'est avéré plus vital que ça n'était admis. L'ambiance aurait été plus morose sans ces supports audio/visuels faisant l'écho à nos propres sons au fond de nos grottes. Et si l'inspiration de certains artistes s'est vue stimulée par la situation, d'autres ont manqué cette opportunité de marquer l'histoire avec un titre spécial COVID 2K19 ou un petit skeud que les gens auraient pris le temps d'écouter. Tout commençait pourtant bien, je venais de réserver une place pour la dernière tournée d'un de mes premiers groupes de coeur THE OLD DEAD TREE. Puis les rues se sont vidées, je pensais que l'occasion permettrait de réaliser de grands films apocalyptiques. Puis le néant... l'essentiel de nos vies réduit à la consommation de nouilles et de PQ...

TOP 5 des sorties COVID19 inspired

ADRIAN GRIMES - Coronian Rhapsody (QUEEN cover) 
ALICE COOPER - Don't Give Up
TENACIOUS D - 5 Needs
LINDEMANN & GARRETT - Alle Tage ist Kein Sonntag
GOJIRA - Another World

Heureusement qu'ils étaient là ! Merci à eux.

La période a aussi remis en avant de grandes et moyennes pointures musicales dont le budget et le moral étaient moins brisés par cette année sans tournée, sans bar, sans vente de merchandising. La consommation de musique s'est vue limitée à l'impalpable, à l'appropriation solitaire d'oeuvres diffusées exclusivement (ou presque) en streaming. Une frustration encore inconnue s'est ressentie dans nos pensées aussi contraintes que le tissu recouvrant nos chairs engraissées comme de la volaille en batterie. Probablement exacerbées par l'introversion, les haines et les luttes se sont répandues avec violence dans les rues et sur la toile en ces temps appelant plutôt à la solidarité. Cette maladie là n'est pas prête de trouver son vaccin, nous sommes tous victimes de notre nature propre (ou plutôt sale). Espérant ne pas avoir à écrire ce genre de lignes en 2021, voici quelques albums ayant brillamment relevé la saveur de cette année nauséabonde :

TOP 10 ALBUMS 2020

IHSAHN - Pharos EP
MARILYN MANSON - We Are Chaos
TAU CROSS - Messengers of Deception
DEFTONES - Ohms
PARADISE LOST - Obsidians
ZEAL & ARDOR - Wake of A Nation
STATIC-X - Project Regeneration vol 1
IGORRR - Spirituality & Distortion
REGARDE LES HOMMES TOMBER - Ascension
DEVILDRIVER - Dealing With Demons I

Sorties notables hors-classement 

SKYND - Columbine
DAVID GARRETT
 - Alive: My Soundtrack
POPPY - I Disagree
BILLIE EILISH - Therefore I Am
Mr BUNGLE - The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo
SYSTEM OF A DOWN - Protect The Land & Genocidal Humanoidz
BODYCOUNT - Carnivore
CHELSEA WOLFE - Crazy Train (OZZY cover)
ESKIMO CALLBOY - MMXX EP 

Pour finir, une rétrospective en musique particulièrement saisissante !