Chronique | Dool - Summerland

Pierre Sopor 1 avril 2020

Il n'aura fallu qu'un seul album aux Néerlandais de DOOL pour nous jeter un charme qui, trois ans après Here Now, There Then perdure encore. Fondé sur les cendres de THE DEVIL'S BLOOD, DOOL propose un rock sombre, hypnotique, moderne, psychédélique et mystérieux aux influences gothiques, grunge, doom et même pop qui s'accroche aux tympans pour ne plus jamais nous abandonner.

All those who wander are DOOL : tous ceux qui errent sont DOOL. Et les errances du groupe nous emmènent cette fois jusqu'au Summerland, mystérieuse vision de l'Au-delà inspirée aussi bien par Richard Matheson que la mythologie grecque et le mythe d'Orphée. La tâche est immense : rester à la hauteur de l'album précédent, voire faire mieux. DOOL a grandi et a affirmé son identité au fil des dates, arpentant l'Europe et ses festivals au cours des dernières années, prenant le temps de laisser mûrir sa musique pour mieux la définir. Summerland est, par conséquent, un album plus cohérent que son illustre ainé sur lequel le groupe semblait encore tâtonner et s'essayait à plusieurs choses.

On est pourtant déstabilisé à la première écoute. Le premier single Sulphur & Starlight ouvre l'album sur un tempo relativement élevé, alors que l'on avait encore en tête les boucles hypnotiques et déprimées de The Alpha ou Vantablack. Pourtant, il ne faut qu'une poignée de minutes, la durée du morceau exactement, pour être conquis. Le son de guitare est identifiable entre mille, et le chant androgyne de Ryanne Von Dorst irrésistible, à la fois autoritaire, charmeur et menaçant : le refrain finit par nous cueillir grâce à se savoir-faire inégalable quand il s'agit de pondre un hit qui ne nous lâche plus. Et ce n'est pas Wolf Moon qui nous fera mentir.

Chez DOOL, tout est équilibre. Summerland est un album moins sombre que son prédécesseur, moins anxiogène. On y respire et la lumière y filtre plus régulièrement, instaurant un climat doux-amer propice au thème de l'ensemble, ce réconfort et cette incertitude que l'on peut ressentir tout en plongeant vers l'inconnu et en laissant ses vies passées derrière soi (Ode to the Future, notamment, bien que chaque titre réussit à synthétiser tout cela avec élégance). Certaines lignes mélodiques se retrouvent d'un morceau à l'autre (Summerland et Dust & Shadow par exemple), accentuant la cohérence de l'ensemble, alors que DOOL nous engourdit et nous charme avec quelques accords répétés en boucle. Il n'a jamais été question de démonstration technique mais plus de créer de l'émotion, nous saisir aux tripes avec des morceaux accessibles immédiatement mais toujours riches et d'une beauté à se damner. On ne s'y répète d'ailleurs jamais : influences orientales plus présentes (God Particle), spoken words de Farida Lemouchi (THE DEVIL'S BLOOD) et Okoi Jones (BÖLZER) sur The Well's Run Dry et son ambiance menaçante apocalyptique, les riffs plus tranchants et presque martiaux de Be Your Sins... Avec Dust & Shadow, Summerland s'achève comme Here Now, There Then commençait : sur un long morceau magnifique au rythme hypnotique, ici sublimé par des violons qui confèrent à ce final une intensité dramatique et une mélancolie poignante.

Summerland est une œuvre poétique et romantique fascinante. La musique de DOOL a une puissance universelle, s'adressant à nos âmes de manière directe, sans artifice ni snobisme. Passée une courte période d'adaptation, le temps d'apprécier ce son plus aéré et moins plombant, on découvre un album d'une grâce rare. Non, décidément, DOOL n'a pas fini de nous obséder.