Chronique | Selofan - Partners in Hell

Tanz Mitth'Laibach 18 novembre 2020

Vous ressentez vide, égarement, solitude, doute, en cette période de confinement ou en général ? Rassurez-vous, SELOFAN est là pour vous. Le duo darkwave grec tombe à pic avec un album intitulé Partners in Hell, orné de sa plus belle couverture à ce jour ! Voilà qui annonce le meilleur : en huit ans, Dimitris et Joanna ont su imposer leur style mélancolique et angoissant, leur imagerie empruntant au cinéma expressionniste et leur label Fabrika Records avec leurs confrères de LEBANON HANOVER, SHE PAST AWAY ou autrefois KÆLAN MIKLA ; l'album Vitrioli de 2018 était une petite perle dont on ne s'est toujours pas lassé depuis !

C'est donc avec plaisir que l'on retrouve l'univers de SELOFAN pour ce nouvel album : synthétiseurs froids, boîte à rythmes obsédante, chant désespéré de Joanna, rien n'y manque. Partners in Hell s'avère cependant moins dansant et moins martial que Vitrioli : les rythmes sont moins rapides et relégués à l'arrière-plan, Joanna s'abandonne davantage, comme si elle n'avait plus la force de lutter ; les morceaux font la part belle aux nappes de synthétiseurs, longues et graves, et à la détresse blasée de Joanna. Les quelques boucles de sonorités cristallines qui surgissent ici et là ne font que renforcer notre mélancolie. Cela rend Partners in Hell plus difficile à appréhender à la première écoute que Vitrioli ou ΣΤΟ ΣΚΟΤΑΔΙ ; il est pourtant tout aussi intéressant, chaque écoute nous permet de mieux nous imprégner de sa richesse sonore et de son atmosphère anxiogène. C'est que les sonorités sont originales et s’entrelacent sans nous lasser ; qui plus est, la mastérisation par Doruk Öztürkcan (SHE PAST AWAY) confère une finesse particulière au son.

SELOFAN nous entraîne ainsi dans son enfer. N'y cherchez pas la chaleur des flammes : Partners in Hell est un album froid, qui fait penser avant tout à la coldwave, à JOY DIVISION et THE CURE en plus dansant ; s'il y a un feu ici, c'est un feu qui n'émet ni lumière ni chaleur comme on en trouve dans la demeure du Seigneur des Ténèbres Ajrarn d'après les romans de Tanith Lee. Tout au long de l'album, qui brille une fois de fois plus par son unité, on se perd dans les atmosphères brumeuses des nappes de synthétiseurs tandis que le rythme insistant et mécanique de la boîte à rythmes en arrière-plan nous presse d'agir et que la voix de Joanna nous entraîne vers l'abîme, chantant ses paroles de solitude et de perdition comme un appel sans espoir. Bel enfer en vérité, où nous sommes heureux de suivre le duo !

On réécoute ainsi avec un plaisir croissant The Grey Garden qui semble rester figé dans une recherche sans fin, la douce mélancolie de Zusammen dont la recherche sonore nous laisse pantois, la glaciale Happy Consumers ou encore Metallic Isolation qui est le titre le plus dansant de l'album, renouant avec l'EBM de Vitrioli le temps que Joanna crie son tourment dans un univers mécanique. Tout au plus peut-on trouver que 4am n'apporte pas grand chose à l'album, mais même celui-là s'écoute avec plaisir. On regrette aussi qu'il n'y ait cette fois pas de titre en grec, SELOFAN se limitant sur ce disque à l'anglais et à l'allemand, mais on ne leur en tient pas rigueur.

C'est donc un excellent disque que nous offre une fois de plus le duo. Il ne plaira évidemment pas à tout le monde : il faut apprécier son angoisse glacée, aimer un album où l'on sombre davantage que l'on ne danse. Can you hear the voice of desperation ?