Chronique | Hexvessel - Kindred

Pierre Sopor 22 avril 2020

On n'avait pas eu le temps d'oublier HEXVESSEL : avec un précédent album paru un an plus tôt (All Tree) et un rythme de parution plutôt soutenu, Mat McNerney n'est jamais bien loin. Si l'on ajoute à ça son travail avec l'excellent groupe de dark-rock / post-punk GRAVE PLEASURES ou ses featurings (CARPENTER BRUT ou, très récemment, ME AND THAT MAN), les occasions de l'entendre ne manquent pas. Pourtant, on n'y peut rien, malgré ça, HEXVESSEL nous avait manqué. D'autant plus qu'on restait, avec All Tree, sur un excellent album et un retour à un son plus sombre et mystérieux qui rappelait les deux premiers albums, époque où le groupe était signé chez Svart Records. Kindred, lui, marque d'ailleurs le retour chez ce label : il y a des signes qui ne trompent pas.

Le mélange psychédélique entre rock et folk sombre d'HEXVESSEL est propice à l'introspection et doit s'écouter dans le noir et un silence quasi-religieux. Kindred ne fera pas exception. Il se dégage une singulière beauté et un réel mystère de la guitare qui lance Billion Years Old Being avant que la voix de McNerney ne nous entraîne avec lui dans ses histoires. Guitariste et chanteur, il est aussi conteur et passeur vers un monde parallèle inspiré des folklores anglais, irlandais et scandinave. HEXVESSEL ne se réinvente peut-être pas mais continue de s'aventurer plus loin dans les forêts hantées et les rituels magiques, quelque part entre KING CRIMSON, SWANS, DEAD CAN DANCE et FIELDS OF THE NEPHILIM avec une touche cinématographique, Kindred agit comme un sort, hypnotique et mélancolique, où de discrets effets électroniques lient les différents instruments (guitare, trompette, piano, violon...).

On passe d'une reprise mystique de COIL (Fire of the Mind) aux cuivres bluesy hallucinés de Bog Bodies et son spleen minimaliste avant une parenthèse perchée et quasi cacophonique où les tendances prog / psyché de HEXVESSEL reprennent le dessus mais où les sons, très organiques, gardent une texture magique propre à donner la chaire de poule (Sic Luceat Lux). Avec ses lentes percussions et ses lointaines trompettes, Phaedra est le cœur sombre de l'album, ce moment hors du monde et du temps qui évoque la bande-son composée par Thom Yorke pour le remake de Suspiria, comme quoi les rituels et les sorcières ne sont jamais loin. Plus minimaliste, la dernière partie de l'album n'en est pas moins hantée : on se damnerait volontiers pour ce final sur Joy of Sacrifice.

Kindred est l'apogée de la musique d'HEXVESSEL, une œuvre où les composantes folk, psychédéliques, mystiques, blues et rock se mélangent de façon harmonieuse sans que l'une ne phagocyte l'autre et surtout sans ne jamais perdre de vue la musicalité de l'ensemble, qui reste accessible et facilement séduisant. Au rythme auquel les choses vont du côté de Mat McNerney, on espère se répéter l'an prochain.