Hexvessel, projet finlandais, formé en 2009 par le chanteur-guitariste anglais Mat McNerney (ancien chanteur principal du groupe de metal norvégien Dødheimsgard et chanteur actuel du groupe de post-punk psychédélique Grave Pleasures), sortira Nocturne, son nouvel album, le 13 juin 2025 sur le label Prophecy Productions. Hexvessel, qui puisait à l'origine ses racines dans l'essence mystérieuse du folk poétiquement onirique, se revêt au fil des œuvres et des années d'un souffle épais habité par un black metal de plus en plus marqué pour créer une ambiance unique mêlant folk, doom et black metal atmosphérique dans un juste équilibre entre beauté, force et fragilité.
C'est Benjamin König qui est une nouvelle fois à la création de la sublime pochette de Nocturne : un dessin qui se présente comme un négatif de la pochette du précédant Polar Veil; les couleurs pastels laissent placent au noir et blanc tandis que l'aura plutôt sereine de la scène se transforme cette fois en un rêve horrifique, toujours enneigé. Ce nouvel opus, inspiré par la création d'une œuvre jouée à l'occasion du Roadburn festival 2024 (intitulée initialement Music for Gloaming : A Nocturne), s'annonce ainsi dans la lignée du précédent, mais plus abouti, intense et plus sombre encore.
À ses prémices, Nocturne a donc été pensé comme une œuvre forte et unique formant un tout, d'abord faite pour le live. Elle fût ensuite retravaillée et améliorée pour une version studio plus complexe, grâce à l’intégration de temps plus calmes et ambiants, d'instruments à cordes, acoustiques, et d'un piano à queue qui n'auraient pas pu être envisagés en festival. Il reste néanmoins une unité très forte formant un conte à l'arc sombre mais cohérent, pour une assimilation en essence en une seule écoute avec ses péripéties, ses angoisses et ses temps de respirations contemplatives.
L'album est un rite de passage vers un autre monde, un monde miroir du notre dans lequel tout est plus acéré, froid et sombre, qu'il faudra apprivoiser pour renaitre d'une autre manière ou sous une autre forme. Dès Sapphire Zephyrs, le second morceau suivant une augurale ouverture au piano, un univers spectral prend vie sous nos yeux dans lequel chaque note semble contrebalancer la précédente lors d'une danse d'un juste équilibre entre rage et fragilité sur un fond épique magistral qui nous déstabilise autant qu'il nous rassure. Hexvessel casse les codes en insufflant une mélancolie glacée à de mystiques tourbillons de guitares tranchants vêtue d'autant de cris rauques que de chants clairs, parfois presque lyriques, qui nous déchirent le cœur. Les compositions qui se font plus complexes et variées (nous pouvons facilement danser sur les notes de Spirit Masked Wolf à la suite d'une profonde méditation sur les airs plus médiévaux de Inward Landscapes) sauront, si elles sont écoutées séparément, s'adapter à nos humeurs.
La nature, immense, est omniprésente dans ce spectre musical. Elle est d'abord un lieu de perdition hostile, puis le berceau qui nous recueille et avec qui nous ne faisons qu'un dans l'obscurité, pour un éveil spirituel sacré. Le chanteur semble à travers ses textes être le porte-parole de sa poésie naturelle et évidente, textes dans lesquels la mort qui ruisselle de chaque syllabe se reflète dans la lumière des étoiles de cette nuit si enveloppante. Nights Tender Reckoning est d'ailleurs inspirée d'une récente découverte en Chine de deux squelettes figés en une étreinte éternelle dans un tombeau vieux de plus de 1500 ans. Lequel est mort en premier ? Lequel s'est laissé mourir aux côté de son amour pour continuer cette étreinte à jamais dans l'au-delà? Alors que Mother Destroyer nous plonge dans le chagrin plus concret d'une catastrophe écologique et dans l'oubli du respect de notre terre qui sera bientôt notre sépulcre, cet album est l'un des voyages les plus poétiques de cette année. Dans les musiques proches du black metal la voix n'a jamais été aussi belle ni porteuse d'autant de mondes.
