Chronique | Moaan Exis - Necessary Violences

Pierre Sopor 13 novembre 2020

On n'arrête pas MOAAN EXIS. Le boulet de démolition lancé par Mathieu Caudron mutait un grand coup l'an dernier avec son second album, Postmodern Therapy et prenait toujours plus d'assurance en live. Désormais sans label depuis l'arrêt d'audiotrauma, le duo ne s'est pas découragé pour autant et revient déjà avec un troisième album, Necessary Violences, sorti spontanément en format numérique sans chichis promotionnels, quelques jours seulement après son annonce.

Quand on parle de MOAAN EXIS, il est facile de mettre en avant la puissance et l'intensité des morceaux, ce côté rentre-dedans auquel rien ne résiste... Pourtant, comme c'était d'ailleurs déjà le cas avec Postmodern Therapy, le duo lance Necessary Violences sur de mystérieuses nappes, presque mélancoliques, qui rappellent qu'il n'est pas question de feu, de bruit et de sueur. MOAAN EXIS sait aussi planter un décor presque cinématographique, on l'avait vu avec Lumenum'bra. Quand les percussions, lourdes mais retenues, font pencher Everyday is a Simulation vers les enfers industriels où l'humain se fait savamment broyer, on apprécie cette rage contenue qui fait monter la pression progressivement. Ça va exploser, on le sait, alors pourquoi se précipiter ?

De la retenue, il y en a déjà moins dans Alone Together, avec sa rythmique accrocheuse et ses paroles scandées avec hargne. Une des forces de la techno tribale et industrielle de MOAAN EXIS est son rendu organique, grâce notamment à la frappe de Xavier Guionie à la batterie : là encore, ça sent le bidon de metal sur lequel on cogne et ces machines si palpables tissent un univers cyberpunk comme on les aime, noir et furieux. Necessary Violences contient tout ce que l'on aime chez MOAAN EXIS : du boum-boum qui casse tout et va vite (Coercion et ses synthés dark electro ou la frénétique Love Witches avec ses chœurs samplés) et du boum-boum lourd et menaçant avec ambiances brumeuses et notes stridentes angoissantes (Blind).

Pourtant, on constate une réelle évolution vers quelque chose de toujours plus organique (Divine Automation et ses accents punks), plus méchant, plus mordant, comme si MOAAN EXIS avait revu ses ambitions : il n'est plus question ici de juste faire danser et transpirer jusqu'à la transe mystique mais bien de transmettre une rage que l'on sentait déjà sur le précédent album et que la voix, cette fois omniprésente, permet de libérer pleinement. Necessary Violences fait du bien par où il passe, sa durée ramassée décuplant son impact et, pourtant, laissant la place à quelques parties atmosphériques histoire de souffler et d'apporter d'associer l'âme au corps. Quand elle faut du bien comme ça, la violence est effectivement nécessaire.