HOCICO - retour sur la carrière des sombres héros de l’electro dark

Sterben 18 septembre 2019

Un bon tip pour les asociaux : à la question "t'écoutes quoi comme musique ?", répondre "de l'aggrotech mexicaine". La conversation en restera là dans la plupart des cas !

C'est pourtant de cela dont il va être question ici, à travers une exploration de l'œuvre des deux cousins connus sous le nom d'HOCICO (prononcer "o'siko"). Ou comment Racso Agroyam (renversement de son vrai nom Oscar Mayorga) et Erk Aicrag (Erik Garcia) se sont hissés en un quart de siècle parmi les chefs de file d'un style aux frontières changeantes, appelé selon les lieux et les époques "electro-indus", "industrial dance", "dark electro", "terror EBM", "hellektro" ou encore "aggrotech"...

Ados passionnés de musique, Erk et Racso décortiquaient les albums de SKINNY PUPPY entre deux virées dans les rues de Mexico. Une correspondante américaine leur envoyait aussi des K7 de Chicago, les initiant aux sorties du cultissime label indus Wax Trax ! C'est influencés par tout cela que les cousins commencèrent à bidouiller avec les moyens du bord, pour fonder à la fin des années 80 leur premier projet :  NINERA DEGENERADA. Ils se rebaptisèrent rapidement HOCICO DE PERRO (gueule de chien), puis simplement HOCICO, un mot qui renvoie à de nombreuses expressions belliqueuses en argot latino.

De démos remarquées en concerts explosifs dans leur ville, l'ambition du binôme ne fit alors que croitre. Dans une vieille interview à la télévision mexicaine, ils confessent que l'objectif était dès le début de rivaliser avec les géants européens et nord-américains de l'electro-industriel. Le choix d'une araignée venimeuse comme logo - un petit animal capable d'en terrasser de beaucoup plus gros - n'était pas innocent.

Même sous-équipé, Racso Agroyam fit vite preuve d'un instinct très sûr pour les arrangements musclés, les ambiances noires et anxiogènes servies par une programmation inventive. La musique d'HOCICO réussit ce petit miracle d'être à la fois très mélodique et très agressive. Elle jouit aussi d'une relative complexité. Là où le talent d'un Johan Van Roy (SUICIDE COMMANDO) réside dans le dépouillement de ses hymnes macabres, Racso est capable d'une écriture plus riche. Les titres du groupe sont bardés de détails et font souvent preuve d'une belle musicalité pour le genre.

De son coté, Erk Aicrag scande, chuchote ou vocifère d’une voix plus ou moins écorchée par la distorsion. Ses lyrics sont avant tout fonctionnels et ne vont pas chercher loin (pas aidés par un anglais approximatif durant les débuts !). Mais le bonhomme est d'abord un excellent frontman. En concert, il arpente le stage comme un fauve en cage, se martèle le crâne avec son micro, et n'hésite à partager de généreuses rasades de tequila avec les premiers rangs. Dans un courant musical où le jeu "live" est marginal voire inexistant, il est clair qu'une telle présence scénique a bien aidé le groupe à se faire un nom. 

C'est surement cette alchimie entre les deux cousins, chacun expert dans sa partie, qui explique le succès et la longévité du projet. Racso est un stakhanoviste de studio, mais se contente de faire de la figuration sur scène derrière un ou deux synthés. Erk lui, n'intervient que superficiellement sur la compo instrumentale, mais transforme les performances du groupe en moments de communion pleins d'adrénaline, mi-raves gothiques, mi-concerts punk. 

Hocico @  Dark Castle Festival - Abbaye Royale du Moncel (2012)

Outre sa profondeur émotionnelle, ce qui distingue l'aggrotech d'HOCICO est son climat mystérieux, voire mystique. De par sa riche histoire, la culture mexicaine est pleine de syncrétisme religieux. Le culte chrétien s'y amalgame volontiers à la sorcellerie et des restes de croyances aztèques. Quelque chose de tout ça filtre dans la musique du duo. Leurs morceaux sont remplis de claviers nocturnes, d'événements sonores étranges qui induisent un sentiment de perturbation paranormale, comme si la musique avait un pied dans le monde des esprits (ce n'est pas pour rien que des morceaux sont titrés Poltergeist, Entity, ou The Other Side of Reality). 

L'imagerie crypto-satanique et les textes blasphématoires relèvent bien sûr d'un folklore vu et revu dans les musiques dites "dark". Mais dans le cas d'HOCICO, on peut aussi y voir une revanche sur l'évangélisation à marche forcée du peuple mexicain durant la conquête espagnole (un titre de DULCE LIQUIDO, projet parallèle de Racso, s'appelle même Anticristianos). Surinterprétation ? Pas sûr, vu les efforts du groupe pour célébrer les cultures préhispaniques, que ce soit dans ses visuels ou certains concerts. 

Mais loin d'un cours d'histoire à la sauce des "Mystérieuses cités d'or", la discographie du tandem est d'abord remplie de tubes pour les clubs. Du moins, ceux où l'on s'habille en noir façon rivetheads et lolitas post-apocalyptiques... Ce qui n’empêche pas les cousins d’observer ce qui se passe hors du microcosme indus-goth. Au fil des sorties, HOCICO n'a eu de cesse de s'inspirer d'autres courants pour enrichir son univers : black metal, new wave, punk, psytrance, gabber, lDM, ou plus récemment drum n'bass... tout est bon pour alimenter la machine infernale. Ainsi le son du groupe a su se réactualiser pendant bientôt trois décennies, perdant du monde en route, mais ralliant sans cesse de nouveaux fans.

A noter que pour garder la flamme, les deux cousins se sont autorisés chacun un side-project. Au sein de RABIA SORDA, Erk mélange sonorités électriques et électroniques pour satisfaire ses penchants plus rock. Quant à DULCE LIQUIDO, c'est la créature, pour l'instant en stase, de Racso. Bien qu'assez proche d'HOCICO, le projet flirte de façon plus intime avec la techno, et surtout le rhythmic noise tel qu'il se pratique sur des labels comme Ant-Zen ou Hands. Au passage, peu de gens savent que Racso eut au milieu des années 90 un projet techno-trance (brièvement actif sur la scène rave mexicaine) du nom de QUAZAR ZERO.  

En 2019, le groupe à l'araignée compte parmi les leaders incontestés de sa niche musicale, de ceux qui font les tendances et engendrent des légions de copycats. Leur nouvel album sorti cet été est l'occasion de se replonger dans leur riche discographie (demo tapes, albums et EPs). Un retour sur plus de 25 ans de carrière, dont l'évolution raconte en creux celle de tout le courant dark electro. 

Bienvenido al infierno !

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