Chronique | Hocico - Odio Bajo el Alma

Sterben 1 septembre 1997

Après des démos remarquées dans certains cercles undergrounds, ce premier vrai long format fut pour le groupe celui du pied dans la porte. La porte des Enfers bien sûr, mais aussi celle du marché mondial en termes de ventes. 

Enregistré pour la première fois dans un studio professionnel, Odio Bajo el Alma sortit à l’été 1997 sur le label alternatif local Opción Sonica, et sous licence du mastodonte allemand Out of Line. A ce stade, les deux cousins mexicains étaient d'ambitieux outsiders déterminés à montrer au monde leur plein potentiel. Et c'est ce qu'ils firent.

L'album commence par une des meilleures plages instrumentales jamais sortie des machines de Racso Agroyam. Solennelle et martiale, Cuando la Maldad Despierta plante un décor aussi sinistre que fastueux. 

Et ce n'est pas Odio en el Alma, cavalcade uptempo à travers des ténèbres electro(hispa)niques qui va faire retomber la pression. Là encore, on est en présence d'un des sommets de l'imposante discographie des deux cénobites. Pendant 6 minutes de pure magie noire, les statues de la Vierge pleurent du sang, le petit goth qui sommeille en nous aussi... 

Beings of Relief et Final Resource proposent une sorte de goa-trance occulte, gorgée de mystère et d'énergie. Les chupacabras rôdent sur Hell On Earth et son break maléfique, qui prouve une fois de plus que Racso aurait pu composer de solides musiques de film d'horreur dans les années 80. 

A noter aussi le fameux Sexo Bajo Testosterona, l'un des plus vieux morceaux d'HOCICO puisqu’il figurait déjà sur leur toute première démo Misuse, Abuse and Accident (1993, tirée seulement à 30 cassettes). Présenté ici dans une version retravaillée, il s'agit d'un titre rentre-dedans qui tire sa sombre énergie de ces stabs métalliques typiques des premières années du projet. On peut aussi mentionner le dérangeant Sad Scorn et son ambiance de saloon décadent, là encore rescapé d'une ancienne demo tape ; ou encore Temple of Lies, qui est aussi un des early classics du groupe.

Pas la peine de continuer le descriptif piste par piste, tout se tient et rien n’est à jeter : démons et merveilles à tous les étages. Par moments, on croirait entendre la transcription musicale d'un tableau de Jérôme Bosch.

L'album transmet aussi des émotions plus humaines, quoique toute aussi négatives (comme sur le superbe Face To Face). Erk crache de bout en bout son dégout rageur, sur les synthés méphitiques d'un jeune Racso débordant de créativité. 

Odio Bajo el Alma marque par ailleurs un réel progrès en termes de production, mais pâtit d’un mixage trop rock. On imagine bien qu’à l’époque, la musique électronique n’était pas encore entrée dans les mœurs des ingés-son mexicains...

Ayant fait parvenir une copie de l’album à leurs idoles SKINNY PUPPY, les deux cousins eurent la surprise de recevoir un courrier du groupe canadien, curieux quant à la provenance de certains sons. Encore plus improbable, ils furent contactés cette même année pour faire la première partie de MARILYN MANSON au Palacio de los Deportes, un stade de 20 000 personnes…On peut aussi entendre Cuando la Maldad Despierta dans le film multi-récompensé Le parfum des violettes, qui dépeint la vie d’adolescentes dans les quartiers chauds de Mexico.

Toute cette attention était méritée. Odio Bajo El Alma contient certaines des phases les plus originales d'un HOCICO qui, plutôt que de singer ses modèles des pays froids, assume ici pleinement sa "mexicanité". Mieux, il en fait l'argument central de compositions délicieusement ténébreuses. Même si leurs influences sont audibles, Erk et Racso parviennent à les transcender en y injectant un venin dont eux seuls ont la formule.