Chronique | Shaârghot - Break Your Body

Pierre Sopor 2 novembre 2017

Est-ce qu'on exagère si on dit qu'en un peu plus de deux ans, SHAÂRGHOT a réveillé une scène metal indus française qui connaît un second souffle plus que bienvenue ces derniers temps ? Certainement pas : avec son univers cohérent et très visuel, ses concerts de plus en plus énormes et spectaculaires et surtout sa musique de sauvage super accrocheuse, la petite bande peinturlurée emporte tout sur son passage et ne peut laisser indifférent. Au point que ce nouvel EP est autant attendu qu'un album puisqu'il marque le retour de SHAÂRGHOT en studio depuis leur premier album...

Premier constat : SHAÂRGHOT ne s'est pas foutu de nous : l'EP dure une vingtaine de minutes et propose quatre nouveaux titres, cinq en comptant la transition Into the Deep. Bref, on a quand même de la matière à se mettre sous la dent, et pas seulement un pauvre single avec un remix vite fait. On sait Etienne Bianchi, le cerveau malade derrière le projet, très attaché au visuel et à l'objet : Break Your Body existe également sous forme physique, ce qui est devenu assez rare avec ce format pour être souligné. Après l'excellent Vol. 1, on pouvait cependant légitimement se demander comment SHAÂRGHOT allait gérer la suite, si l'énergie folle serait toujours intacte et si le groupe n'allait pas tomber dans le piège de la redite, voire de la surenchère facile. Personnes de peu de foi que nous étions, dès le début de Doom's Day on a notre réponse, aussi évidente qu'un coup de batte en pleine gueule : non seulement le miracle se produit AGAIIIN (ceux qui savent comprendront), mais en plus le groupe a sacrément progressé.

Comme pour mettre les choses au clair et prouver que SHAÂRGHOT n'a pas forcément besoin d'accélérer le rythme comme des malades pour tout démolir, Doom's Day est un morceau particulièrement lourd, gras et crade, à la prod monumentale. Le titre nous prévenait : l'ambiance est encore plus apocalyptique, et le Shaârghot a l'air plus méchant que jamais. Sérieusement secoué du bocal, il répète dans un mélange anglais / allemand que "your god is tot" (ton dieu est mort), amenant de manière logique le morceau suivant, Kill Your God. Joué en live depuis quelques temps, le titre démarre sur des sirènes qui prolongent l'ambiance de fin du monde et de guerre civile dans laquelle évolue désormais SHAÂRGHOT avant de partir dans la frénésie la plus totale et rappelant les influences dark-electro du projet. Extrême violence et chaos toujours avec le morceau-titre, Break Your Body (en même temps, vu le titre on se doutait bien que c'était pas un slow) sur lequel Clem, la bassiste du groupe depuis un peu plus de six mois, apporte sa douce (ahem) voix en backing. Ça déménage sévère, le refrain est simple à retenir et à beugler, bref : Break Your Body est la piste idéale pour coller des coups de pieds dans plein de trucs fragiles en lançant des machins moins fragile sur d'autres bidules fragiles pour le simple plaisir d'en foutre partout et faire plein de bruit. C'est tellement bourrin et viscéralement jouissif qu'on en péterait bien la gueule à des vieilles dames qui n'ont rien demandé juste pour exprimer notre bien-être. Toujours facétieux, le Shaârghot nous fait croire que le morceau s'arrête pour ne reprendre que plus violemment dans sa conclusion. Pour clore cet EP, SHAÂRGHOT refroidit à nouveau l'ambiance avec Bucolikiller, morceau initialement de HeYs. Plus une reprise qu'un remix, on en retrouve juste les parties chantées par l'impayable Loki Lonestar et sa voix totalement dingue (MICROPOINT, TRICKSTERLAND) sur une instru totalement recomposée, plus lente et glauque qui confère au titre un aspect cauchemardesque, industriel et démoniaque monumental et dément.

Toujours aussi théâtral et fou, le metal industriel de SHAÂRGHOT n'a rien perdu de son efficacité. Mieux, l'univers entrevu depuis l'EP Mad Party continue d'évoluer alors que l'horizon s'assombrit pour notre plus grand plaisir. On peut d'ailleurs saluer l'artwork de Lyan sur cet EP, qui prolonge cet univers science-fictionnel à la fois violent et décalé dans un style très BD. Le son est plus ample, plus riche, plus impressionnant encore. L'avenir s'annonce noir, et c'est tant mieux : SHAÂRGHOT a tout cassé, AGAIIIIIIN !

PS : Il y a quelques semaines, on vous proposait une interview de SHAÂRGHOT, avec une petite preview de l'EP. Si vous ne faites pas partie de nos très nombreux et fidèles lecteurs, vous êtes peut-être passé à côté. Séance de rattrapage par ici, pour approfondir un peu sur ce qui se passe dans l'univers de la créature : https://www.verdammnis.com/interviews-157-shaarghot-2017-09-22