Chronique | Corpus Delicti - Liminal

Tanz Mitth'Laibach 17 décembre 2025

Lorsque nous écrivions il y a sept ans "CORPUS DELICTI fait partie, à l'instar de NEVA ou VIOLET STIGMATA, de ces groupes gothiques français originaux qui, hélas, n'ont pas fait long feu, nous laissant des albums imparables auxquels on aurait souhaité une plus longue descendance" dans une chronique soucieuse de faire redécouvrir l'album Sylphes, nous n'imaginions pas qu'un an et demi plus tard, la formation gothique niçoise se réunirait après plus de vingt ans de coupure, encouragée par l'ardeur d'une nouvelle génération de fans ! En cette année 2025, après de nombreux concerts et les singles Chaos puis A Fairy LieCorpus Delicti va jusqu'au bout du rêve en publiant un nouvel album. 

Il y a hélas une ombre au tableau : Roma, cofondatrice du groupe, n'a pas pu reprendre la batterie pour des raisons de santé. On en est d'autant plus triste que son jeu était l'un des éléments les plus marquants de la musique de Corpus Delicti dans les années quatre-vingt-dix. Le groupe a néanmoins pu aller jusqu'au bout de son retour, faisant appel comme batteur à Laurent Tamagno pendant sa tournée et l'enregistrement des singles puis à Fabrice Gouré pour ce nouvel album une fois Laurent Tamagno revenu à ses propres projets. Voici donc enfin cet album inespéré il y a quelques années, un disque de dix titres intitulé Liminal produit par le groupe en totale indépendance, orné de l'impressionnant dessin Génération X de l'artiste niçois Jean-Luc Verna. On se lèche les babines. Si tout se présente sous les meilleurs auspices, la nostalgie ne suffit pour autant pas à faire un disque : il nous reste donc à découvrir à quoi ressemble un album de Corpus Delicti parvenu au quart du XXIème siècle.

On a alors la surprise de découvrir un Corpus Delicti plus incisif et plus assuré qu'autrefois : bénéficiant d'un son impeccable, les dix morceaux de Liminal sonnent plus rock que par le passé, mettant en avant la lourde guitare de Franck Amendola derrière laquelle basse et batterie créent une atmosphère grave, l'électronique est en revanche moins présente ; le chant de Sébastien Pietrapiana a gagné en profondeur, grave et ferme, tout en délaissant les cris et les envolées aigües d'autrefois ; la structure des morceaux s'est elle aussi faite plus directe, articulant couplets et refrains d'une façon tendue et accrocheuse. On pense beaucoup au morceau Patient de l'album Sylphes ainsi qu'à la scène gothique américaine.

Cette nouvelle formule est diablement efficace. Les dix titres sont entraînants et fiévreux, nous emmenant suivre les errements des paroles dont les personnages semblent être sans cesse au bord d'une rupture. On est particulièrement envoûté par l'énergie noire de Room 36, qui bénéficie d'un rythme imparable et a fait l'objet d'un clip inquiétant. Avec un tempo plus lent mais un rythme tout aussi captivant, on éprouve aussi une fascination pour Out of Steam, chanson rescapée des années quatre-vingt-dix que l'on ne connaissait jusque-là que sous la forme d'une démo : le son de 2025 a enfin donné toute la portée qu'elle méritait à son effrayante ambiance glaciale. Et puis, à côté de ces morceaux orageux, Corpus Delicti fait aussi des pas de côté que l'on apprécie : c'est ainsi le cas d'Under His Eye où font irruption un piano et un trombone (respectivement Frédéric Allavena et Max Abrieu) au premier plan avec la basse de Christophe Baudrion, suivant une structure à laquelle on ne s'attendait guère – cette fois, on pense surtout au goût de l'expérimentation de Bauhaus ou de Peter Murphy en solo. Le plus calme Fate nous apporte quant à lui la touche douce-amère que l'on désirait avec sa mélodie où la tristesse côtoie le scintillement, belle et entêtante au possible ; le texte a en fait été écrit par Sébastien Piétrapiana en 1995, sur le sentiment de perdre ses émotions au moment où s'achève la jeunesse – il avait alors vingt-deux ans. Comme souvent avec Corpus Delicti, l'album finit sur un long morceau, l'éponyme Liminal, toutefois celui-ci relève davantage du brouillard post-punk que des incantations ténébreuses que l'on a jadis pu connaitre au groupe sur Lies Spoken et la magnifique Poisoned Dead Flowers

On le voit, Corpus Delicti est revenu fort, le cœur chargé de nouveaux hymnes de lutte ténébreuse à nous partager, contre la folie, le temps, l'emprisonnement de la vie. On les remercie pour ce nouvel album qui résonnera probablement encore longtemps en nous comme ses prédécesseurs.

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