Le Motocultor a fait fort en programmant Machine Head pour clôturer cette édition. Le groupe de Robb Flynn, déjà très populaire, semble gagner une nouvelle aura dernièrement et se transformer en énorme tête d'affiche prête à prendre la place des groupes plus âgés. Cette quatrième journée est sold-out, les gens sont venus en masse voir Machinette à Carhaix (ah, oui, désormais on l'appellera Machinette, c'est comme ça, on trouve le surnom mignon). Cependant, le site reste relativement agréable malgré la foule, la circulation est toujours plutôt fluide... même si c'est vrai que les environs de la Dave Mustage vont être de moins en moins praticables au fur et à mesure que la soirée avance.
LUNAR TOMBFIELDS
Quatre jours de festival, c'est long. Même avec la meilleure volonté du monde et en ayant prévu douze réveils, on se traîne un peu plus que d'habitude sous le soleil de Carhaix et on arrive un brin en retard devant Lunar Tombfields. On le regrette amèrement tant, malgré un concert en plein air, en pleine lumière, le groupe de black metal atmosphérique nous happe immédiatement dans son univers tourmenté et mélancolique. En live, les morceaux gagnent en puissance et réussissent à nous perdre dans ces "champs de tombes lunaires" (rien que le nom du groupe est trop bien) alors que les mélodies donnent vie à des images poétiques et que le chant s'éclaircit pour plus facilement donner vie à cet univers nocturne et froid. De l'intensité, des douleurs bien humaines qui jaillissent de morceaux parfois épiques, une vraie force d'évocation... on ne s'attendait pas à être autant captivés de bon matin.
WYATT E
Des Belges avec un nom piqué à un chasseur de bison et officier américain mais qui nous plongent dans un univers mystique imprégné d'imaginaire babylonien ? Allez pourquoi pas, après tout, Carhaix c'est un peu le Grand Ouest français et le cumul de la poussière et du soleil pourrait bien nous plonger dans un univers fantasmé mélangeant les paysages arides du Far West à une Mésopotamie antique ! Une fois passé l'effet de découverte des costumes, on se dit que quand même, ces fausses barbes et ces toges n'aident pas vraiment à communiquer avec le public. Peu importe, Wyatt E. n'est pas là pour papoter mais pour nous faire voyager.
On se laisse alors bercer par cette proposition singulière, ce doom aux influences orientales hypnotique et fascinant qui a pour objet de nous faire explorer "l'ancienne Babylone avec une approche presque mythique à travers les yeux des captifs exilés de Jérusalem". La pesanteur fonctionne très bien pour lancer un sort au public de la Bruce Dickinscène, les compositions ont un vrai potentiel cinématographique, à la fois comme illustration de paysages oubliés et rêvés que comme accompagnement narratif... Si le groupe continue à l'avenir à inviter des chanteuses comme c'était le cas sur leur dernier album Zamāru ultu qereb ziqquratu, Part 1, on espère tout de même avoir l'occasion de les croiser sur scène pour apporter un supplément de vie et d'incarnation au rituel !
DOODSESKADER
On savait que le début de journée serait intense. On a déjà vu Doodseskader sur scène. Pourtant, nous n'étions pas prêts. Tim de Gieter et Sigfried Burroughs ne trichent pas, ne gardent rien en réserve et donnent tout à chaque performance. Celle-ci avait un parfum particulier dès ses premiers instants quand Tim, regard noir, se met à arpenter nerveusement la scène en fixant avec hostilité la foule devant lui. Il est venu en découdre avec lui-même et le concert vire au pugilat intime, un exorcisme physique : on sent qu'il cherche à extraire toute la noirceur qu'il trouve en lui pour la déballer, là, écorchant en direct son âme. Il porte un short, mais c'est comme s'il était à poil. Derrière, dans la fumée, son binôme et ami Sigfried cogne sur sa batterie pour apporter une ossature aux tripes étalées, chante ses parties qui donnent une touche grunge / shoegaze / rock alternatif à la tambouille de Doodseskader, faite de rap brûlant, d'industriel torturé et d'éclats hardcore / metal.
Les riffs partent de loin et cognent très fort, étourdissants. Bone Pipe, écrasante. FLF, habitée. Doodseskader enchaîne les parpaings, douloureux et cathartiques. Le concert n'est pas un spectacle, la performance transpire l'authenticité, la nécessité vitale, l'urgence, le désespoir, la rage. Comme d'habitude, Tim de Gieter profite des pauses entre les morceaux pour remercier abondamment et avec humilité son public, plaçant l'échange au cœur de cet instant unique, sauvage, vrai et profondément humain. A la fin du concert, dès la dernière note jouée, il quitte la scène en courant. Doodseskader n'est pas un projet anodin, c'est une bête faite de souffrance. On ne s'y frotte pas sans prendre quelques risques et c'était, pour nous, le concert le plus chargé en émotions du festival. Dans une position un peu voyeuriste et sadique, on trouve toute cette douleur communicative à la fois magnifique et salvatrice... mais on leur souhaite également un jour de trouver une forme de paix pour nous proposer le visage plus doux qu'ils nous promettent (ou menacent ?) d'arborer un jour, si leur thérapie musicale finit par payer !
Si vous souhaitez en lire plus, retrouvez ici notre interview avec le groupe réalisée après le concert.
MARGARITA WITCH CULT
Le concert de Margarita Witch Cult tombe à un moment ingrat : après la déflagration qu'était Doodseskader, impossible de s'immerger pleinement dans leur stoner / doom psychédélique aux influences flagrantes (ils sont de Brimingham, ça pose un héritage). On pourrait accuser le soleil, qui n'aide pas l'ambiance occulte et 70's du groupe, mais il n'est finalement pas si dérangeant, là, pour écouter des gros riffs joués par des mecs à l'attitude décontractée. On savoure cependant l'approche nostalgique qui s'impose d'elle-même, la tonalité sinistre qui rampe derrière la lourdeur de Lord of the Flies ou Crawl Home to Your Coffin et ses riffs mystiques entêtants tout en appréciant le groove rock'n'roll solaire de ce qui, finalement, est la meilleure mise en bouche avant Candlemass ce soir.
GOST
Après le soleil de la Bruce Dickinscène et les émotions du début de journée, on pensait aller se dandiner un peu à l'ombre de la Massey Ferguscène pour voir GosT. Le projet darksynth / black metal du Texan James Lollar divise. En studio, si l'on peut apprécier la folie chaotique et infernale de son mélange ainsi qu'une envie de se frotter à plusieurs choses (avec notamment un album goth / darkwave), on peut aussi reprocher une certaine tendance à l'empilement foutraque. En live, c'est pareil : GosT divisera.
On peut s'amuser à remuer comme des petits fous avec ses assauts dark electro ultra-agressifs au parfum de blasphème toujours divertissant... ou bien se demander où est l'intérêt : on n'y voit rien avec la fumée, mais il n'y a de toute façon pas grand chose à voir. Lollar a troqué le masque de squelette qu'il arborait l'an dernier pour une simple capuche et cagoule noire. Il lance ses séquences et remue de temps en temps derrière son bardas : quitte à ne pas réellement jouer en live, on aimerait peut-être le voir faire un peu plus le show, ou donner un peu de la voix comme c'est le cas sur certains titres studios. Heureusement, il y a son compère, le bassiste Cole Tucker qui apporte un visage humain et un peu de vie au show. On sait que GosT aimerait à l'avenir également se produire avec un batteur : on a hâte de le revoir dans une configuration qui donnera au live un supplément d'intérêt au-delà de juste nous faire saigner du nez avec des basses de l'espace !
C'est l'heure de faire un "point Machinette" : stupeur parmi les photographes ! Contrairement à ce qui avait été initialement prévu, il semblerait que finalement, aucune photo ne soit autorisée pendant Machinette ! "On ne sait pas trop, on vous tient au courant, on va essayer de négocier", qu'on nous dit. Certains soufflent, d'autres paniquent. Nous, on ne va pas se mentir : Machinette, c'est bien pour frimer mais dans le fond, si on ne peut pas vous rapporter de photo, on s'en fiche un peu (et, vu notre ligne éditoriale, il est possible que vous aussi).
FEAR FACTORY
Les mauvaises langues diront que l'on ne va pas voir Fear Factory pour entendre les titres récents. Les mauvaises langues auront raison. Le metal indus ayant été un peu oublié par la programmation cette année, on n'allait tout de même pas passer à côté de ces incontournables du genre ! Quand les Californiens se pointent sur scène, c'est pour nous jouer essentiellement l'album Demanufacture, qui fête ses trente ans cette année. Tant mieux ! Replica, New Breed et compagnie nous replongent alors à une époque où les clips étaient tous filmés avec de très grands angles et que le Vivelle Dop régnait sur chaque coupe de cheveux. Côté line-up, le taulier Dino Cazares à la guitare, seul membre présent à l'époque de Demanufacture à encore faire partie de l'aventure, fait office de patron. Tony Campos, souvent pris par Static-X, laissait sa place à Ricky Bonazza des Butcher Babies. Milo Silvestro, qui a remplacé Burton C. Bell au chant en 2021, avait beau n'avoir que sept ou huit ans en 1995, il s'est approprié le répertoire avec facilité et assure le show, assumant son rôle de frontman avec énergie.
Fear Factory dévie occasionnellement de Demanufacture le temps de l'incontournable Linchpin qui, elle, nous replonge à l'époque où tous les groupes mélangeaient electro-metal et neo-metal en faisant des clips qui ressemblent à Matrix. On a aussi droit à Shock ou Archetype qui, en étant sorti en 2004, est le morceau le plus récent ce jour-là. Il y a de la poussière, un gros wall of death, la machine nous ratatine sans interruption du début à la fin... et finalement, ouais, on n'est pas venus voir Fear Factory pour entendre des machins récents et c'est tant mieux, les anciens morceaux n'ont pas vieilli. Nous, par contre, si et nos corps nous le font bien comprendre.
GAUPA
En même temps que Fear Factory, la formation dark rock / stoner / doom Gaupa offrait à la Bruce Dickinscène une alternative moins mouvementée. On est rapidement surpris par l'implication de la chanteuse Emma Näslund, qui parcourt la scène pieds nus et avec énergie, danse, et distribue les sourires à son auditoire. On est aussi surpris par la tournure plus positive que prend la musique, là, à l'heure de l'apéro. Le dernier EP de Gaupa, FYR, est sorti il y a peu et nous laissait en effet un arrière-goût plus solaire, rythmée et psychédélique. Gaupa fait dans l'excentricité et l'imprévisible tout en proposant des morceaux accrocheurs teinté de mysticisme. C'est fort bien fait, loin des stéréotypes (y compris lors de passages un peu plus folk), la récente Lion's Claw par exemple retient le souffle de l'assemblée avec d'exploser avec intensité... mais voilà encore un groupe que l'on espère revoir en salle pour mieux apprécier les parties plus immersives des morceaux et la pénombre de rigueur pour être plus en phase avec ses touches plus mélancoliques !
PRIMORDIAL
Le problème avec les festivals, c'est que dans "festival", on entend quand même vachement le mot "fête". Un terme qui ne colle pas du tout, DU TOUT, à l'univers de Primordial. La musique de Primordial et son mélange entre doom, heavy et black metal infusé de touches folk est une musique pour courir à sa perte, se lancer dans une bataille avec comme seul espoir celui d'une défaite fatale, ce sont des hymnes pour enterrer les morts, un condensé de souffrance, de deuil, de lamentations au coin du feu, de causes désespérées, de corps oubliés pourrissants sous les nuages... mais avec une touche épique, un entrain qui galvanise nos carcasses desséchées sur la lande irlandaise. Une marche funèbre menée au pas de charge, en somme. Une cavalcade funèbre. "We are falling over the ends of the earth, So gather your children before you and tell them these are the final days of all" : les premiers mots chantés par Alan Averill en lançant le concert avec As Rome Burns plantent le décor.
Et puis, justement, il y a l'attitude d'Averill, alias Nemtheanga, frontman charismatique et facétieux qui tend son pied de micro au public avant, d'une moue pas convaincue, nous montrer comme nos tentatives de chanter avec lui sont dérisoires, vouées à l'échec. Showman communicatif trimballant son air sévère de bourreau avec un reste de corde au cou, il arpente la scène, un air menaçant plaqué sur le visage. Entre les contrastes offerts par la musique, à la fois stimulante et lugubre, et la performance live qui apporte aux ténèbres une touche de fun sans virer à la bouffonnerie, Primordial est toujours une valeur sûre incontournable sur scène. Entendre The Coffin Ships alors que le soleil amorce sa descente, c'était parfait pour couper sa bière avec les larmes de deuil glanées dans la terre piétinée.
20h approche. C'est l'heure du petit point Machinette : "bon alors, finalement peut-être qu'on pourra faire des photos, mais vous devrez peut-être tous passer en même temps pendant le premier morceau". Selon la police, nous étions une cinquantaine d'accrédités. Selon les organisateurs, plus de 80. Ou l'inverse. Bref, peu importe la source, ça fait beaucoup ! On se marche déjà sur les pieds quand on est 10/15, coincés entre la limite qu'impose les jets de pyrotechnie et l'indispensable cordon de sécu pour récupérer les slammeurs... Alors 50 à 80 personnes ? On se regarde, ceux qui paniquaient commencent à ventiler. Ceux qui soufflaient d'agacement lâchent des "j'en étais sûr, Robb Flynn, t'es chiant !". Nous, on commence à se dire que s'il faut empiler les photographes pour prendre en photo Machinette, on aimerait mieux être en dessous pour ne pas se faire cramer par un jet de flamme ou recevoir une bière en pleine gueule.
LANDMVRKS
Quelques instants avant le concert, un mec de la sécu qui commence comme tout le monde à sentir la fatigue après quatre jours de festival, demande "je connais pas ce groupe, ça va bouger ?". Le pauvre... En festival, on va souvent voir des trucs qu'on n'aurait probablement jamais été voir ailleurs. On se lance des défis, on se surprend, on sort de ses zones de confort. Que seraient quatre jours de festival sans au moins un détour du côté d'un groupe de metalcore moderne ? Et tant qu'à faire, autant aller voir Landmvrks, que l'on croise finalement chaque été avec plaisir... On se souvient d'ailleurs de leur passage au Motocultor deux ans plus tôt, sous une tente, dans l'après-midi. Depuis, les petits Marseillais ont fait un sacré chemin, passant par la case tremplin-super-boost d'une Main Stage au Hellfest à 22h en remplacement de Bad Omens, et Landmvrks est devenu un phénomène qui joue au Zenith.
Landmvrks, c'est tape à l’œil, souvent prévisible... Et pourtant suffisamment bien foutu aussi pour provoquer un respect sincère. On est régulièrement impressionnés par la polyvalence du chanteur Florent Salfati, qu'il beugle, rappe ou se lance dans ses parties en chant clair (Suffocate a droit à une première partie unplugged tout à fait maîtrisée). On s'amuse beaucoup du côté très clinquant du show, avec pyrotechnique, parenthèse graffiti qui participe au folklore "ici c'est Marseille" et nous amuse beaucoup, là, dans les champs bretons. Salfati demande à deux reprises au public de sauter "le plus haut possible" : mais alors, est-ce que la deuxième sert à prouver qu'on n'a pas fait de notre mieux lors de la première ou est-ce qu'elle semblera en demi-teinte ? Mince alors, quelle angoisse, vite, sautons le plus haut possible et mettons-y tout notre cœur !
C'est une pluie continue de slammeurs, on aperçoit même un gars surfer debout sur le corps allongé de son pote porté par la foule... au point où l'on se dit qu'à Landmvrks, malgré la pyro, malgré la bonne volonté qu'y met le groupe, ce qu'on préfère regarder reste le public ! Petite pensée alors pour le gars qui, quelques minutes plus tôt, s'échauffait les poignets en demandant s'il allait avoir du boulot. C'était le chaos et Landmvrks a rendu le Motocultor absolument irrespirable en raison des tonnes de poussière soulevées.
Non, on n'a pas été voir Harakiri for the Sky. On sait comme ce groupe est apprécié, alors nous en sommes désolés. Pour une fois, notre équipe a fait le choix de manger pendant le festival, la première en quatre jours, pour écouter de loin (vous verrez, on plante ici la graine d'un plot-twist qui germera plus tard). De toute façon, l'intérêt d'Harakiri for the Sky est plus dans la musique que le visuel, surtout sous la tente de la Massey où l'on n'y aurait rien vu de toute façon. On vous dit tout ça surtout pour vous dire qu'on n'a rien à dire dessus, mais qu'on voulait quand même bien dire qu'on savait qu'ils étaient là. Du coup, on refait un point Machinette : toujours pas de news, 22h approche et la grosse tête d'affiche du festival fait durer le suspense !
CANDLEMASS
Enfin, grosse tête d'affiche, grosse tête d'affiche, c'est vite dit... Pour nous, les big boss de la journée, les patrons du metal du week-end, c'était Candlemass. On a anticipé leur venue des heures plus tôt sur la même Bruce Dickinscène, que ce soit devant Margarita Witch Cult ou Gaupa... Voire Primordial sur la Supositor, héritiers de ce mélange entre épique et sinistre. Le moment est enfin venu ! Sous la nuit bretonne, la grande messe peut commencer et les légendes suédoises se pointent au son de leur Marche Funèbre revisitée. On frissonne : ça va être trop bien et, déjà, Leif Edling contrebalance la pesanteur de l'ambiance avec son humeur festive et invite le public à agiter ses bras en l'air. Un peu comme quand on entendait Ozzy brailler des "ohé, ohé, ohé ohéééé !" pendant que Black Sabbath jouait l'intro de War Pigs... bravo le metal, on se croirait à des funérailles mais dans un stade !
Et ça a été trop bien. Comment en être autrement ? Pas besoin d'avoir suivi assidûment Candlemass : tous les morceaux sont immédiatement familiers et tous les morceaux sont trop bien. C'est mystique, lourd, imposant, groovy, incarné, fun et épique. Bewitched fend la nuit. La voix de Johan Längqvist, de retour dans le groupe depuis 2018, est puissante et impeccable : entendez-le incanter Dark Are the Veils of Death avec théâtralité ! L'enthousiasme des pépés sorciers, menés par l’indéboulonnable bassiste Leif Edling, est communicatif. Plus tôt, on s'amusait de voir que tous les morceaux joués par Fear Factory dataient d'au moins vingt ans. Pff, les bébés ! A l'exception de Sweet Evil Sun, tous les titres joués par Candlemass datent d'après la chute du Mur de Berlin. Voilà qui explique peut-être aussi la cohérence du show et ce sentiment que chaque titre est un classique éternel ! Pendant les inflexions lugubres de Under the Oak, Crystal Ball ou Mirror Mirror, on regrette de n'avoir personne à sacrifier sous la main. On finit en enchaînant The Well of Souls et Solitude ce qui restera comme un des concerts les plus profondément satisfaisants de ce festival, un monument intemporel d'une justesse absolue, certes absolument prévisible mais tellement COOL.
23h. Bon, ça en est où Machinette ? "Bonne nouvelle : conditions normales, vous avez trois morceaux, comme tous les photographes du fest seront là on va faire un roulement avec pas mal de monde à la fois et pas trop de temps... Enfin, bon, il reste une heure avant que ça joue, alors attendez-vous à ce que ça change encore d'ici là !". Soupires de soulagement parmi les photographes, immédiatement remplacé par une nouvelle angoisse : mais alors, attends, si on veut être sûrs de passer sur Machinette, va falloir se placer méga en avance ! En donc bâcler Kanonenfieber ou les Bloody Beetroots le plus vite possible !
Cette édition du Motocultor a été riche en découvertes personnelles : on a été voir des trucs absolument kitsch dont on n'osera plus jamais reparler en public, on a essayé de faire une pause repas... Il nous reste alors deux réalisations intimes en réserve : premièrement, est-ce qu'on ne s'en foutrait pas un peu de Machinette, finalement ? Enfin, comprenez-nous, on dit ça avec le plus grand respect pour ce projet culte... mais pas forcément raccord avec les goûts de notre team, ni avec notre ligne éditoriale. Alors si en plus ça veut dire, au mieux, prendre des photos dans des conditions pénibles, avec le stress que ça engendre et les tensions exacerbées par la fatigue ? Ensuite, figurez-vous que faire une pause repas était finalement une idée toute pourrie : LA fois où on s'est posés a aussi été LA fois de l'intoxication alimentaire. Voilà qui règle la question : tant pis pour Machinette, on décide alors de finir avec des crampes d'estomac, certes, mais aussi avec un feu d'artifice.
KANONENFIEBER
Le feu d'artifice en question, c'est Kanonenfieber. Le groupe allemand de blackened death metal met le paquet sur le spectacle et, aux barbelés sur scène et décor de tranchées, s'ajoutent de (très) nombreux jets de flamme, des explosions, des étincelles, des changements de costume... Mais on n'y va pas que pour le show ! L'approche très rythmique de Kanonenfieber donne à sa musique une énergie sauvage et martiale en accord avec son thème. Kanonenfieber, c'est la Première Guerre Mondiale dans toute son horreur. Les musiciens sont anonymes, hommage aux soldats morts pendant cette boucherie. Les textes sont inspirés d'archives d'époques, de lettres, etc.
Le résultat est à la fois un spectacle total, avec parfois de longues pauses le temps de changer de costume ou un élément de décor, mais aussi un concert poignant où la violence sert à pointer du doigt les atrocités de la guerre. On pense par exemple à Der Fusilier, pour laquelle les lumières bleues et des flocons de neige imposent un décor froid et désespéré, les musiciens revenant sur scène en grelotant, frigorifiés. Noise, le chanteur et auteur du projet (en studio, Kanonenfieber est l’œuvre d'un seul homme) lit une lettre puis la déchire, ses morceaux se dispersant parmi les flocons de neige. Puis, il brandit un canon à neige qui vient rafraîchir le public dont la peau avait été préalablement roussie par la pyrotechnie. On en prend plein les yeux mais aussi plein les tripes alors que les chœurs mélancoliques du refrain jaillissent dans la nuit.
Il y a des lance-flammes, des masques tête de mort, un gros bateau. Kanonenfieber n'existe que depuis cinq ans mais a déjà un show ultra-ambitieux. Dans le public, on entend les inévitables comparaisons avec Sabaton ou les autres pyromanes teutons de Rammstein... Les riffs de Panzerhenker ont d'ailleurs de vagues airs d'hybride entre neo metal et metal indus des années 2000 ! Kanonenfieber dégage tout de même quelque chose de plus viscéral, avec sa musique plus violente mais néanmoins accessible. Félicitons le Motocultor pour les avoir programmés là où ils le méritent : sur une grande scène, à un créneau horaire idéal : comme les gens attendaient Machinette qui s'apprêtait à jouer sur la scène juste à côté, on était nombreux à constater que Kanonenfieber a tout à fait l'étoffe d'une tête d'affiche.
La claque était monumentale et nous conforte dans notre choix : restons-donc sur ce souvenir fou pour conclure ce Motocultor 2025 avec l'impression que le festival a réellement franchi un palier cette année. On le sentait ces derniers temps, avec un passage à quatre jours de festivités, un nouveau site et une affiche toujours plus ambitieuse... Mais ça y est, le Motoc' est devenu grand. Si ce n'est les petits soucis que l'on soulevait quand on vous parlait du premier jour (et dont la plupart - notamment la sécurité - se sont réglés au fur et à mesure du festival), jamais l'événement n'a semblé se dérouler de manière aussi fluide et agréable. La première annonce de groupes pour l'an prochain a néanmoins provoqué quelques haussements de sourcils, alors que le festival avait habilement su éviter les polémiques en tous genres (pour rester polis, nous dirons que nous sommes plus team Witch Club Satan que Slaughter to Prevail...). On souhaite désormais au Motocultor de réussir à continuer à construire sur les très bonnes bases de cette année. S'il arrive à conserver ses points forts (sa jauge, notamment !) et à peaufiner quelques points (les zones d'ombre, la gestion de la poussière), on n'aura bientôt plus rien à reprocher au Motocultor en terme d'organisation. On ne pourra alors plus s'engueuler et râler que sur le sujet qui nous intéresse le plus : la musique !
Nos tops 3 :
Maxine : Doodseskader, Lunar Tombfields, Kanonenfieber
Pierre : Doodseskader, Candlemass, Kanonenfieber