Motocultor Festival 2025 @ Carhaix-Plouguer - 14 août 2025

Motocultor Festival 2025 @ Carhaix-Plouguer - 14 août 2025

Pierre Sopor 25 août 2025 Maxine & Pierre Sopor

Et c'est reparti pour un tour : avec une affluence en hausse et une affiche toujours plus ambitieuse et variée, le Motocultor continue de grandir. Se déroulant pour la troisième année consécutive à Carhaix, sur le terrain des Vieilles Charrues, le célèbres festival metal (mais pas que) s'ouvrait sous un soleil de plomb annonciateur d'une vague de chaleur rare pour la région en cette période de l'année.

Au rang des nouveautés, on note que le site a légèrement bougé de quelque mètres et s'est un peu réorganisé. La Bruce Dickinscène à l'entrée n'est plus couverte, son chapiteau ayant été endommagé trop peu de temps avant le début des festivités pour être réparé à temps (il sera de retour l'an prochain), la Massey Ferguscène est un peu plus isolée alors que les deux scènes principales, la Supo et la Dave Mustage, siègent côte à côté au fond du site comme l'an passé. Si se rendre ou quitter la Massey est parfois casse-tête, surtout de nuit, et que l'espace manque un peu vers les Main Stages en raison de la place prise par la zone VIP, on doit bien reconnaître que c'est plutôt bien foutu : l'essentiel des festivaliers est regroupée au même endroit, les flux sont bien cassés et dirigés, les trois scènes en plein air sont légèrement en contrebas permettant de bien y voir même de loin... Le Motoc' affine son organisation.

D'ailleurs, c'est souvent à ce sujet que se trouvent les points de crispation. Le festival a sa réputation d'événement un peu roots, bordélique même. Quand une chose s'améliore, une autre se détériore. "On n'est pas au Hellfest ici!" beuglent toujours quelques puristes qui semblent faire une fierté des conditions parfois un peu bizarres du Motocultor. Pourtant, cette année, pas grand chose à redire au niveau des points d'eau et des toilettes avec des attentes raisonnables (hormis une pénurie de PQ au moment de Gutalax, évidemment), les machines à bière allègent les files aux bars (même si on a entendu parler de bugs qui font que les dites machines débitent bien votre compte mais oublient de faire débit de boissons !), tout se passe plutôt bien au niveau des parkings et de l'accès au site (une petite pensée quand même pour ce confrère, paniqué en découvrant le premier jour que les accès médias et VIP sont mélangés et qu'il y a peu de chance qu'il arrive à temps pour son interview de 15h avec une ouverture des portes à partir de 14h !)...

On est en revanche un peu plus sceptique au sujet du sol en pierre à certains endroits du camping (pas terrible, ni pour planter sa tente, ni pour dormir - certes, on a bien compris qu'on ne va pas au camping pour dormir mais quand même !), on regrette comme souvent un cruel manque d'espaces ombragés qui s'est bien fait sentir avec des températures supérieures à 30 degrés... et la sécurité du festival nous a paru régulièrement débordée, avec plusieurs moments de flottement et de tension un peu étranges voire inquiétants. On y reviendra, mais les effectifs ont semblé sous-évalués, ou pas assez formés pour ce genre de situations. On aurait aussi apprécié quelques solutions (un arrosage du sol plus fréquent, copeaux) pour éviter que la poussière ne rendent les lieux irrespirables après chaque concert mouvementé. Enfin, on n'aurait pas non plus dit non à un petit supplément d'éclairage ici ou là, certains recoins étant vraiment sombres la nuit (vous aussi, vous vous prenez à chaque fois les pieds dans les piquets qui tiennent le chapiteau de la Massey ?).

Néanmoins, comme d'habitude, certaines choses se sont améliorées au fur et à mesure du festival (quand c'était possible), laissant une drôle de double impression : à la fois, le Motoc' fait preuve d'une réactivité certaine grâce à un staff souvent au top et semble à l'écoute des retours (on pense à l'eau en bouteille, gratuite à partir de samedi en raison de la chaleur)... tout en semblant, après tant d'années, toujours être dans une semi-improvisation. Cela ne l'empêche en tout cas pas de gagner en popularité, son affiche et ses dimensions humaines restant ses meilleurs arguments et il est vrai qu'on avait parfois l'impression que ça se "Hellfestisait" un tantinet : on recense bien plus de gens très costumés qu'auparavant et, innovation majeure, le festival commence même à soigner sa déco avec une drôle de structure métallique à l'entrée du site agrémentée d'une mini-exposition d'artworks. C'est sommaire mais peut-être le début d'un look plus soigné ! On sent en tout cas que le festival continue d'apprendre de ses erreurs, de s'inspirer de ce qui se fait ailleurs et de se remettre en question pour améliorer son accueil et son confort.

DOGMA

Et si on se mettait à parler concerts ? Nos premiers pas dans cette édition 2025 avaient des airs carnavalesques. On a tout d'abord été communier avec Dogma et son mélange heavy / power aux quelques accents pop et gothiques imposés par une direction artistique difficile à ignorer : des nonnes qui grimacent sur scène, on n'en voit pas tous les jours ! Si le délire nunsploitation est rigolo, on est plus séduits par les parties atmosphériques et les touches cinématographiques (elles entrent sur scène au son de Lux Aeterna, le thème principal de Requiem for a Dream composé par Clint Mansell) que par les morceaux en eux-mêmes, démonstratifs sans pour autant être mémorables et dans un registre loin de nos bouderies habituelles. C'est cependant divertissant et efficace, la bassiste Nixie est un spectacle tout en mimiques monstrueuses absolument réjouissant et entendre une reprise de Like A Prayer de Madonna si tôt dans la journée fait son petit effet. 

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VERSATILE

Carnaval toujours avec Versatile et sa parade monstrueuse black metal electro / indus. Les Suisses ont pris de l'ampleur, chacun fait le show à l'aise avec son personnage. Du théâtral, du grotesque, une forme de poésie macabre et diforme : en festival, ils savent comment se faire remarquer. et envoient des jets de flamme tout en distribuant des masques pour que chacun puisse dissimuler sa laideur. Versatile a le sens du spectacle mais n'en oublie pas la puissance, c'est à la fois noir et méchant, festif quand l'électronique prend le dessus ou fédérateur quand arrive les slogans scandés d'Alter Ego. On regrette juste l'horaire car le grand soleil de milieu de journée ne rendait pas hommage à cette Cour des Miracles déviante et putride. Croisons les doigts : les créneaux en soirée finiront bien par arriver ! Versatile a ce qu'il faut pour imposer sa marque et le nombre de festivaliers qui portaient ensuite leur masque pendant le reste du festival en est un bon indicateur : ils vont continuer à faire parler d'eux !

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HELLDEBERT

Ne nous demandez pas ce qu'on a été faire dans cet Enfer de bonnes vibrations. 16h45, direction Helldebert et un set aussi long qu'une tête d'affiche (on ne l'imagine cependant pas jouer à un autre moment qu'à l'heure du goûter). Helldebert, c'est quand Guillaume Aldebert il est en colère et laisse son jumeau maléfique faire le metal, comme les grands. Le show a pour titre "Enfantillages 666", les chansons s'appellent Seum 51, Les Super-pouvoirs Pourris, ou Pour Louper l’École. Le genre de trucs pour dire qu'on va pas ranger sa chambre, qu'on va manger tous les bonbecs, prendre deux desserts, faire semblant de se brosser les dents et regarder des dessins animés toute la nuit jusqu'à au moins 22h ! Les paroles sont drôles et tendres, Helldebert maîtrise très bien ce ton de la révolte innocente et enfantine, sans oublier d'y glisser des messages plus sérieux et salvateurs. Les marmots sont nombreux dans le public et il se dégage un certaine poésie de cette douce folie : dans le genre rigolo, c'est plus attendrissant qu'Ultra Vomit. Le clou du spectacle arrive avec Le Cartel des Cartables quand Max Cavalera se pointe sur scène en maillot de foot brésilien pour lancer une charge contre le harcèlement à l'école. Il jouera plus tard avec Nailbomb mais en attendant, on sent qu'Aldebert est comme un gosse face à une de ses icônes (même s'ils ont presque le même age, mais chut, faut pas l'dire). Nous aussi, d'ailleurs. C'est beaucoup trop positif, joyeux, innocent, gentil et mignon pour être supportable, mais à part ça, c'est très sympa.

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GUTALAX

De paroles de parents entendues sur place : "pour les 8-10 ans, Gutalax c'est parfait aussi, ils ont une thématique que cette tranche d'âge assimile facilement". La thématique de Gutalax, c'est le caca. Et un peu les prouts. On sent au nombre de personnes équipées de brosses à chiottes qu'un truc se prépare au Motoc'. Plus aucun rouleau de papier toilette n'est trouvable sur le festival, tout a été dévalisé pour être balancé sur la scène ou servir de corde à sauter. Dans le public, on croise un siège de toilette porté fièrement. Un gars a une ventouse collée sur la tête. Une fille slam dans une poubelle dont le contenu se déverse sur les agents de sécurité et les photographes, ravis. Les "shitbusters" tchèques font le show dans leurs traditionnelles tenues de laveurs de toilettes mais ne sont, finalement, pas aussi rigolos que le tas de débiles qui s'en donne à cœur joie face à eux. La musique ressemble à une partouze de grizzlis, les morceaux sont séparés par des flatulences, le chant est une succession de "bruits marrons" sortis d'un épisode de South Park. Vaut mieux pas manger avant d'aller les voir. C'était complètement crétin, mais d'une débilité finalement inoffensive et, malgré l'aspect plus extrême de leur gore / grindcore simiesque, on note une certaine continuité avec Helldebert. Comme si on avait un peu trop abusé de sucreries au goûter et que l'indigestion s'ajoutait à la surexcitation. Le Motoc' tenait la une belle parenthèse "pour moins de 12 ans".

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YEAR OF NO LIGHT

Le contraste est radical en approchant des ombres de la Massey Ferguscène où joue en même temps Year of No Light. Au plaisir primitif, simple et immédiat de jouer avec son caca, le groupe bordelais oppose la satisfaction des durées qui s'allongent pour nous immerger dans un univers poétique, cathartique et mystique. Avec Year of no Light, les choses prennent du temps, aussi bien en studio (de nombreuses années séparent leurs albums) que sur scène, où chaque titre approche de la dizaine de minutes (le simple fait de jouer les deux parties de Persefone occupe déjà la moitié du set). Il n'en faut pas moins et l'audience est récompensée par une expérience intense et intimiste où se superposent les textures et les humeurs, comme autant de couches d'une narration mystérieuse. On les a connus moins communicatifs, notamment quand ils jouaient de dos. Là, malgré la lumière du jour qui filtre sous le chapiteau, les émotions contenues atteignent leur cible. Éclaircies post-rock, dense brouillard entre dark-ambient et black metal, ombres psychédéliques, lourdeur doom opaque : c'est à la fois onirique et d'une classe folle. On était juste peut-être naïfs d'espérer avoir droit à un set consacré à Les Maîtres Fous, leur bande-son du documentaire de Jean Rouch sortie récemment en vinyle et qui avait été jouée deux fois par le passé, mais cela aurait demandé un tout autre dispositif !

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ME AND THAT MAN

Pour nous extirper de l'agréable torpeur dans laquelle Year of no Light nous a plongés, il est temps de se diriger vers quelque chose de plus solaire. Nergal, monsieur Behemoth, est venu jouer au cowboy avec Me and that Man, son projet blues / country / folk dans lequel il s'amuse à taper dans les mains et rappeler parfois qu'il a "un autre groupe". Sur scène, Me and that Man est bien obligé de se réinventer puisque depuis le second album chaque morceau compte sur la présence d'au moins un invité différent, donnant son sens au nom du projet. Si l'on perd en prestige en n'ayant pas droit à un casting de blockbuster du metal, on y gagne en cohérence et en uniformité. L'artiste polonais Sviniarski se greffe au line-up pour ajouter une voix supplémentaire, Nergal mentionne la chaleur étouffante (c'est bien un truc de Polonais, ça : officiellement, il ne fait même pas encore 30 degrés à Carhaix et la fraîcheur du soir commence à nous envelopper de ses bras bienveillants !).

Bien que moins théâtral qu'avec Behemoth, il garde toujours un bon mot vaguement blasphématoire pour nous amuser : "on est comme à l'église ici... sauf que l'église est NOIRE" et hop, My Church is Black et c'est reparti pour taper dans les mains en rythme. Pas mal, ce petit gospel. Aux irrésistibles hymnes que sont Burning Churches ou On the Road, Me and That Man ajoute un rappel des origines de son leader avec une reprise de Black Metal de Venom, rend un inévitable hommage à Ozzy en s'appropriant Paranoid de Black Sabbath et nous présente un nouveau titre. Oui, c'est too-much, parfois kitsch dans son surjeu des gimmicks... Mais c'est aussi très divertissant et absolument approprié sous ce soleil de fin d'après-midi, dans la poussière de l'Ouest breton !

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NAILBOMB

Les occasions de voir Nailbomb en France sont rares. En fait, les occasions de voir Nailbomb sont rares, tout court. Le groupe de thrash metal / indus que lançait Max Cavalera et Alex Newport en 1994 ne devait sortir qu'un album pour ne pas finir par s'auto-parodier. Ils ont tourné à l'époque et ont disparu. Trente ans plus tard, Nailbomb est de retour sur scène, Alex Newport a laissé sa place à Igor Amadeus Cavalera, et un line-up s'est reconstruit autour du duo père-fils. Le groupe apparaissait à Toulouse et au Motocultor en 2025, des premières françaises en plus de trente ans. Impossible de rater ça, même si ça impliquait de sacrifier Ne Obliviscaris. On a bien fait : c'était fou ! Avec ses messages explicites contre le fascisme et la violence de sa musique, Nailbomb est une essoreuse radicale et jouissive dont le thème d'Orange Mécanique re-torturé teasait déjà la saveur cauchemardesque et dystopique.

Igor Cavalera, frontman écorché, y confère une intensité fiévreuse et incarne toute la rage de ces morceaux vieux de trente ans que l'on ne pensait plus jamais entendre sur scène pendant que son paternel, légèrement en retrait, semble bien s'amuser. On est surtout épatés par l'énergie d'Alex Cha de Pig Destroyer derrière ses machines, avec son tee-shirt Author & Punisher, qui semble possédé. D'ailleurs, quand un type en tee-shirt orange réussit à monter sur scène pour faire des cœurs avec ses doigts, face à l'absence de réaction de la sécurité, c'est lui qui finit par se charger de le dégager de là. Insolite mais un brin inquiétant aussi. Pour le reste, il y a un peu de la sauvagerie de Slayer, un peu de la rugosité impitoyable de Godflesh, un peu d'aliénation mécanique de Ministry et des rythmiques tribales à la Sepultura, le tout enflammé d'une rage hardcore : ça envoyait à mort et on ne peut pas résister au groove industriel de Religious Cancer ou aux explosions hargneuses de Coakroaches et World of Shit. Il est 21h, on a pris une patate de forain monumentale, on va aller se boire une menthe à l'eau en cherchant nos dents par terre, parce que sans elles on aura du mal à mordre la poussière, déjà épaisse.

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MOGWAI

Ça tombe bien, la suite de la soirée sera plus calme. Peut-être un peu trop dans un premier temps, avec Mogwai. Après trente ans de carrière et une discographie aussi massive que variée, les Écossais ont de la matière à proposer au public. Selon les affinités, on se perd un peu ici ou là avant de s'y retrouver plus tard. Éloïse, une petite fille non loin dit "c'est pas mal comme musique, mais bon, est-ce qu'ils voudraient pas plutôt faire un festival pour eux, avec que ce genre de musique, et comme ça on pourrait retourner slammer pendant ce temps ?". Même pas dix ans, mais déjà puriste à la critique acérée ! On sera néanmoins moins intransigeants : les morceaux les plus solaires, comme les titres post-rock de l'album Hardcore Will Never Die but You Will ou la récente Hi Chaos glissent sur nous sans laisser la moindre marque mais on se laisse plus facilement captiver par les boucles hypnotiques de I'm Jim Morrison, I'm Dead ou de We're No Here tout comme, on apprécie le supplément d'incarnation qu'apporte la voix sur Ritchie Sacramento. Question de sensibilités, on en ressort mitigés : c'était très beau, très élégant, mais un brin trop distant (les visages froids des musiciens, dans la retenue et l'introspection, n'aident pas à perdre prise) pour totalement nous embarquer.

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MAGMA

D'ordinaire, les consignes photos nous autorisent à photographier "pendant les trois premiers morceaux", à affiner selon le nombre de photographes présents. Quand Magma se lance dans Mekanïk destruktïw kömmandöh, leur mythique album de 1973, on sait qu'on part pour au moins une grosse demi-heure sans interruption et on comprend mieux qu'on nous ait plutôt dit "vous avez 15 minutes" ! Magma au Motocultor, c'est une histoire qui a commencé en 2019 et le groupe aurait dû y rejouer l'an dernier. Le batteur et patron Christian Vander s'étant fracturé le coude, la partie fut remise. On le retrouve là, derrière les fûts et souvent caché par la fumée, ses deux coudes en pleine forme, menant ses troupes à la baguette. Enfin, aux baguettes. On craignait de trouver ça long, on est surpris par la puissance qui se dégage de ce début de concert auquel la répétition rythmique donne une solennité rituelle et une touche mystique. Les chœurs apportent un supplément de théâtralité, les différents instruments commencent à se répondre, entre jazz, rock progressif, néoclassique et délires hallucinés. Le Zeuhl, comme dit Vander : une musique totale aux consonances sacrées. La performance est épique et étourdissante et tombait probablement à l'heure idéale pour être facilement emporté. Plus tôt, on n'aurait pas été assez fatigués. Plus tard, on aurait été trop fatigués.

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Commence alors une parenthèse d'errances nocturnes. La plupart des gens vont voir I Prevail qui assure un show bien rôdé mais dont le metalcore balisé nous paraît bien trop générique. Ce n'est finalement que lors du medley de reprises de My Own Summer (Deftones), Them Bones (Alice in Chains) et Chop Suey (System of a Down) que l'on tend l'oreille. Il y avait aussi "un autre truc connu qu'on a déjà entendu", c'était du Taylor Swift qu'on nous glisse à l'oreille. On a surtout retenu notre souffle quand une fille venue du public a escaladé les dispositifs crachant d'énormes jets de flamme pour grimper sur scène, risquant de finir en barbecue si la pyro avait choisi ce moment pour jaillir. Petite pause dans le concert, sueurs froides : après Nailbomb, ça fait quand même deux loupés bizarres de la sécu sur les grandes scènes le même soir, c'est pas fou. Pour le reste, on confondra I Prevail avec tous les autres trucs très efficaces du même genre. On en profite pour vous partager une petite galerie de choses en vrac, avec des scènes de vie sur place.

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DIIV

Du coup, un peu au hasard, on a été découvrir DIIV, avec de sérieux doutes : est-ce qu'après Mogwai et Magma, un autre truc un peu cérébral et introspectif n'allait pas nous achever ? On est alors agréablement surpris par le show mis en place par DIIV, qui joue devant un écran assurant les transitions entre les morceaux et installe un univers à la fois esthétique et mordant : ces fausses pubs distillent un certain malaise, une ironie rétro-futuriste où les LED cyberpunks se mélangent à une dénonciation du sur-consumérisme. La nervosité des racines post-punk vient tendre la douceur mélancolique de leur shoegaze. Il y a du tourment dans ces contemplations, une tension bienvenue (Under the Sun, Blankenship, Doused), parfois même une lourdeur qui semble rôder et ne demande qu'à exploser (Taker, aux frontières d'un grunge un peu doom sorti tout droit d'une dépression des années 90). 

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SAMAEL

Arrive alors LE crève-cœur de la journée : DOOL ou Samael ? Les deux groupes n'ayant pas grand chose à voir musicalement, les retrouver sur le même créneau fait sens. Néanmoins, pour nous, c'est un déchirement. La délégation de VerdamMnis Inc. se sépare alors en deux équipes de un et se lance dans une séance de sprint entre les scènes pour voir les deux autant que possible ! Côté Supositor Stage, Samael semble avoir eu des balances un poil short et commence un brin en retard. On connaît leur show, rôdé : c'est imposant, majestueux, fédérateur, parfois grandiloquent (Slavocracy). L'électronique se mélange aux riffs impitoyables, Vorph scande avec sa théâtralité et son charisme habituel alors que le groupe parcourt sa discographie, de la rugosité obscure des morceaux de Ceremony of Opposites à ses œuvres les plus récentes. En toute logique, l'album Passage qui avait droit à une sortie live l'an dernier, est le plus représenté. Un peu comme Alex Cha pendant Nailbomb ou Nixie pendant Dogma, le guitariste Drop vole la vedette : si l'on a connu Samael parfois plus possédé sur scène, lui reste un ouragan que seul un câble taquin qui traînait en début de concert semble pouvoir entraver ! Samael, c'est un peu le concert-doudou, ce rituel auquel on se plie toujours avec plaisir, quitte à ne plus être vraiment surpris : le dernier album date de bientôt dix ans. Il se murmure que son successeur pourrait voir le jour l'an prochain... on a hâte !

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DOOL

Sous la tente de la Massey Ferguscène, c'est une toute autre sorte de communion qui se déroule dans la pénombre. Le groupe de dark rock DOOL y sue ses tripes avec la même intensité que d'habitude, sublimant en live des morceaux qui, déjà, nous remuent sacrément les entrailles en studio. La fougue de Raven, menant l'opération poing levé avec une implication qui jamais ne faiblit, les chevelures de plus en plus trempées qui se secouent dans la pénombre... On a déjà vu DOOL de nombreuses fois, mais encore jamais comme ça, à minuit passé, dans l'obscurité. On découvre alors une caractéristique de la Massey qui va finir par devenir un gag récurrent : le soir, on n'y voit pas grand chose ! Quelque part, cela donne à la performance de DOOL une puissance nouvelle, réduisant le groupe à des silhouettes que l'on devine dans la fumée ou entre deux rares assauts des stroboscopes, comme autant de résurgences des images de leur premier clip, Oweynagat.

Le set est essentiellement consacré à l'album The Shape of Fluidity et l'intensité atteint son apothéose lors d'un Hermagorgon cathartique et du désormais traditionnel final sur Oweynagat, histoire de finir sur le morceau avec lequel l'aventure a commencé. Entre temps, House of Thousand Dreams offre une respiration poétique mystérieuse bienvenue, mais on est surtout ravis du retour dans le set de l'incantatoire The Alpha qui, à une heure aussi tardive, résonne avec une toute-puissance inédite. DOOL est décidément une formation à part, un tourbillon d'émotions irrésistible dont les rengaines captivent et restent en nous longtemps encore après le concert. Une conclusion parfaite pour un premier jour riche en émotions avec des nonnes, du caca, des cowboys, des trucs bourrins et des trucs un peu plus subtils. On n'en est qu'au premier jour, mais ce Motocultor 2025 impose déjà le respect en terme de proposition musicale.

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Nos tops 3 :
Maxine : Nailbomb, Versatile, Me and that Man
Pierre : DOOL, Nailbomb, Versatile

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe