Motocultor Festival 2025 @ Carhaix-Plouguer - Jour 3 - 16 août 2025

Motocultor Festival 2025 @ Carhaix-Plouguer - Jour 3 - 16 août 2025

Pierre Sopor 2 septembre 2025 Maxine & Pierre Sopor

Y'a des jours comme ça... Après avoir fait la fiesta avec Carpenter Brut la veille, il faut de sacrés arguments pour remettre en marche nos carcasses fatiguées. Coup de chance, pour nous, le samedi était la journée la plus calme avec surtout une sélection de groupes à aller "picorer" pour mourir moins bête mais assez peu d'incontournables... et surtout, un début de journée au rythme très, très tranquille. Des arguments costauds pour nous tirer du lit pour 14h, All for Metal en a. Des arguments très, très costauds, même.

ALL FOR METAL

Mettons tout de suite fin au suspense : non, All For Metal et ses tubes heavy metal conquérants n'est pas spécialement un groupe dont la musique est en osmose avec notre ligne éditoriale. Oui, on y allait surtout pour rigoler. Il n'y a qu'en festival qu'on se risquerait à aller voir pareille chose. Des muscles ! Des looks sortis tout droit d'une convention de fans de Conan le Barbare, des chansons sur la guerre, la mythologie nordique et... le metal, bien sûr ! Comme le dit leur morceau éponyme en ouverture de concert : "c'est tout pour le metal, et le metal pour tous". Sur scène, tout le monde fait le show : on aime beaucoup le bassiste Florian Toma et son drôle de masque mais les regards se posent surtout sur les deux chanteurs, Tim "Tetzel" Schmidt et Antonia Calanna. L'un est allemand, l'autre est italien. Celui qui a les plus gros muscles chante avec une grosse voix, celui qui a les plus petits muscles chante avec une petite voix (et n'a même pas droit à un micro qui marche dans les premiers instants du concert). Les deux s'amusent comme des petits fous.

On se demande un peu ce que l'on fait là, on espère que personne ne nous a reconnus en situation aussi compromettante... Mais il faut bien admettre qu'All For Metal a cette efficacité typique des groupes allemands pour enchaîner les hymnes qui divertissent un public conquis. L'ambiance est bonne, Tetzel multiplie les poses de Monsieur Muscle et invite d'ailleurs le Motocultor à montrer ses muscles avec lui. A l’issue de cette séance de "Motoculturisme", le verdict tombe : "verrry strrrong, Motocultoorrrrr !". On est ravis, nos muscles sont validés... et on se dit que ce sacré gaillard devait être ravi de jouer dans un truc qui rime avec "Thor". Actif seulement depuis 2022, All For Metal a tout ce qu'il faut pour devenir une étape obligatoire en festival, entre deux trucs plus sérieux. On en ressort un peu plus neuneu, mais vachement plus balaise.

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NI

En parlant de trucs plus sérieux, après avoir vu les espèces de chevaliers-vikings costauds d'All For Metal, on a été voir Ni. L'un est-il la conséquence de l'autre ? Si on avait demandé aux chevaliers qu'aller voir ensuite, nous auraient-ils dit "Ni" ? Ni nie d'ailleurs toute affiliation avec les dits chevaliers-vikings culturistes. Ni, ça s'écrit aussi "ni", "", "ni! ni! ni!" voire "niiii". Ni une ni deux, on opte pour Ni. Le groupe originaire de Bourg-en Bresse brouille les pistes avec son espèce de noise-math-rock zinzin aux rythmiques incompréhensibles, aux ombres jazz et aux touches électroniques plus discrètes. Leur dernier album, Fol Naïs, est un dédale ludique et halluciné.

On s'attendait à un concert un brin chiant avec des mecs habillés proprement qui font un truc cérébral. Que nenni (NI ! - et d'ailleurs, ils ne sont pas nés Ni, ils sont nés fous, c'est le titre de leur dernier album), la Massey n'est pas un petit nid (NI !) douillet et se transforme en terrain de jeu chaotique pour le groupe qui évoque inévitablement les accès de folie de Mr Bungle quand Patton n'en fait pas un groupe de thrash metal, ou une version intello et allégée d'Igorrr. Le bassiste Benoît Lecomte incarne toutes les dissonances et bizarreries de la musique avec ses mimiques ultra-expressives, les cheveux du guitariste François Mignot font preuve d'un enthousiasme psychédélique... l'autre guitariste, Anthony Béard, a l'air plus studieux et n'a pas de cheveux foufous, mais il porte un tee-shirt Cannibal Corpse rouge pétant, ce qui suffit à apporter une bonne dose de chaos. On pensait aller voir Ni en coup de vent et se dire qu'en festival, avec la fatigue et la foule, ça ne ferait pas effet. On s'est finalement bien amusés devant cette bande de zinzins qui réussit à incarner sur scène toute la folie de sa musique.

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RENDEZ VOUS

Allez, on vous épargne les jeux de mots trop faciles sur Rendez Vous. La formation post-punk déboule avec son habituelle nonchalance, à la limite de l'insolence frimeuse. Lunettes noires de rigueur, le look de ceux qui ont bien pris soin de donner l'impression d'en avoir rien à foutre du look (l'espérance de vie du t-shirt de Simon Dubourg est de 40 secondes environ mais on est surtout fascinés par le combo t-shirt Dark Funeral - pantalon de survêt' d'Elliot Berthault !). Rendez Vous n'est pas forcément un groupe que l'on apprécie le plus en plein jour, sur une scène immense... Mais il va falloir s'y faire, leur popularité grimpante multipliant inévitablement les dimensions des salles. Pourtant, ici, à l'ombre de la tente de la Massey Feruscène, le charme opère notamment grâce à la rage qui semble les animer. Le concert est hargneux et dansant, débordant d'une urgence et d'une énergie brûlante malgré la froideur des synthés. Un minimalisme viscéral, des influences 80's criantes (mais pas que : il y a un peu de shoegaze 90's, un peu d'industriel...), du fracas et de l'attitude : Rendez Vous se donne sans compter les coups. Le show atteint son paroxysme avec l'interprétation de Last Stop, apogée émotionnelle sublimée dans sa version live deux fois plus longue et un final instrumental atmosphérique à la fois introspectif et intense.

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POESIE ZERO

"Les Vieilles Charrues, vous êtes chauuuuuuds ?". Et c'est parti pour LE grand moment de chaos de la journée ! On sentait dès les premiers instants qu'un truc se passait du côté de la Bruce Dickinscène. Un public massif est venu brailler les refrains des titres de L'album Bleu. À moins que ça ne soit ceux de LALBUMBLEU, ALBUMBLEU, ALBUM BLEU 3 ou les récents ALBUM BLEU, Pt. 1 suivi d'ALBUM BLEU, Pt. 3. On s'en fout, c'est du punk de merrrrde, "nul mais mieux que tous", ce sont leurs mots. Ils annonçaient d'ailleurs la date de la façon suivante : "SAMEDI DE MERDE DANS UN CHAMPS POURRI EN BRETAGNE DE DAUBE". Comme le gueulent les gens un peu partout : "C'EST NOUS LES PUNKS, ON N'AIME RIEN À PART LE PUNK, ÇA ON AIME BIEN" (on a laissé les majuscules mais on vous épargne les chiffres du clavier en mode Verr. Maj à la place des caractères spéciaux !). Poesie Zero est un univers parallèle fait de danses folles (les fulgurances plus electro de TECHNOFLIC, marchent super bien), de pluie de membres humains et de punchlines hurlées par François-Xavier Josset entre les morceaux. Les Vieilles Charrues, c'est d'la merde, parce que y'a plein de métalleux ici et les métalleux, c'est que des débiles !

Des défouloirs comme ça, on en voit rarement. C'est profondément jouissif et cathartique mais aussi fédérateur. En emballant un fond sincère et premier degré sous une forme ultra-outrancière, Poesie Zero se savoure aussi bien au douzième degré qu'au premier, bas du front, rentre-dedans, pète les dents. Le discours s'adapte : évidemment que personne n'aime les fascistes, comme ils le disent, mais jouer au Motoc (pardon, aux Vieilles Charrues) est l'occasion de demander avant OLALA IL FAIT CHAUD si le réchauffement climatique est la faute "des festivals où chacun vient avec son véhicule personnel". Avec ses masques de rats, ses bains de foule, ses titres turbulents-régressifs (TU VAS QUITTER TON TAF, TRUCS DE SALES NAZIS DE MERDE...), Poesie Zero se la joue sale gosse mais, peut-être bien à ses dépens, dégage aussi une forme de tendresse bienveillante étrangement touchante dans sa fausse naïveté et son élan de vie complètement fou. Un grand moment de n'importe quoi, de bordel et de vie.

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Alors évidemment, Poesie Zero crispe et divise. C'est que c'est agaçant, les punks. Ça sert à rien, ça n'aime rien à part être punk. On entendra évidemment de nombreux "y'en a marre, les artistes ne devraient pas faire de politique". Pour nous, il faudrait déjà déterminer si Poesie Zero fait vraiment "de la politique", tant la démarche over-the-top suinte autant l'auto-dérision que l'honnêteté. Disons qu'ils font autant de la politique que de la musique. Il faudrait ensuite déterminer ce qui est "politique" à une époque où l'on considère à nouveau que le nazisme est une opinion politique... Pourtant, pour nous, interdire aux artistes "de faire de la politique" serait dangereux et inacceptable. Personne ne peut dire à un artiste ce qu'il doit faire ou ne pas faire. Une expression artistique vient d'une émotion personnelle, les artistes s'expriment sur ce qui les touche, ce qui les révolte... des sujets qui deviennent inévitablement politiques. Peu importe le bord politique, une censure de l'expression d'un artiste empêcherait ensuite tout débat, toute discussion, toute possibilité de se remettre en question et de progresser. Libre à chacun d'apprécier ou non le fond ou la forme, que ce soit via des vannes poids lourd ou de longs discours plus démagos. Critiquer, c'est sain. Empêcher de s'exprimer, c'est le propre des régimes malades et criminels.

De plus, cela permet d'ancrer un événement dans une époque. En 2022, on se souvient des nombreux drapeaux de l'Ukraine brandis en festival (avec une performance mémorable de Jinjer au Hellfest, avant que Ministry n'entre sur scène au son de l'hymne ukrainien, par exemple). Les manifestations culturelles ne sont pas séparées de l'histoire. Cette année, de nombreux drapeaux palestiniens étaient installés sur scène : le Motocultor 2025, comme son nom l'indique, a lieu en 2025 et est inévitablement marqué par l'actualité. Limiter les artistes à un rôle de "bouffon du roi" venus nous divertir de la manière la plus neutre et apolitique serait oublier le rôle, justement, des bouffons du roi. Dire que "c'était mieux avant, quand les artistes ne se sentaient pas obligés de faire de la politique" fera sûrement plaisir à Jean de La Fontaine, Victor Hugo, Georges Brassens ou Pablo Picasso ! Les artistes sont libres, ils font ce qu'ils veulent, quitte à ce qu'on leur tombe dessus après. Et tant pis si ça ne plaît pas à l'abruti qui a passé le concert de Kerry King à hurler "on n'est pas des pédés !" ou à un autre qui appréciait que "dans tel groupe, au moins, il n'y a que des blancs, ouais j'assume !" (quel courage, vraiment, admirable, ça a dû demander de sacrés risques...). C'était la parenthèse inévitable après la tempête déchaînée par Poesie Zero. Pour vous en faire passer le goût, voici une petite galerie de gens qui profitent du moment... parce qu'à Poesie Zero, finalement, le spectacle est presque plus dans le public que sur scène !

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PELICAN

On doit bien admettre qu'après Poesie Zero, on n'a plus trop les idées en place. La fatigue du festival, l'enchaînement des concerts, etc : Pelican tombe mal. Du groupe de post-metal, on ne se souvient pas de grand chose si ce n'est un goût pour la lourdeur qui fait plaisir quand les riffs les plus pesants viennent nous écraser le coin de la tête et que les pulsions doom des américains viennent groover sous les ombres de la Massey. Pelican assume plusieurs tendances, nous perd dans ses rêveries les plus légères avant de venir re-capter notre attention quand le son s'épaissit. C'est dans ces moments-là que le côté plus atmosphérique et l'aisance technique des musiciens volent en éclat pour nous laisser entrevoir une facette plus viscérale et personnelle sans laquelle on aurait continué notre route jusqu'à un coin à l'ombre pour souffler un coup.

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ENSLAVED

Enslaved, basé à Bergen. Les connaisseurs le savent : entre ses mignonnes bicoques peinturlurées, ses très belles promenades et son Église de Fantoft, Bergen est la capitale du black metal. Mais Enslaved a fait du chemin depuis le début des années 90 pour s'essayer à des choses plus progressives. Ce n'est donc pas "le groupe typique de black metal" qui prend place sur la scène de la Dave Mustage, ce que les larges sourires des musiciens, tous très expressifs, nous fait vite comprendre. Le guitariste Arve Isdal est un spectacle à lui tout seul, multipliant les mimiques et les postures. Enslaved, c'est fun. Si les puristes préfèreront probablement la saveur démoniaque de Jotunblod, nous, on savoure l'entrain très rock'n'roll de Heimdal ou les touches gothiques et sinistres de Heavenless et Isa. Ce n'est pas le concert le plus percutant du festival, mais on va voir Enslaved comme on retrouve un vieux copain : le plaisir de l'habitude, la familiarité immédiate avec un savoir-faire qui a fait ses preuves... et, surtout, une attitude charismatique et accueillante. Enslaved brise la glace et ne se prend pas plus au sérieux que ça, c'est un moment très sympa et suffisamment accessible pour que tout le monde puisse en profiter.

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MØL

Fini la rigolade. Le soleil commence à tomber doucement sur le festival et l'obscurité a repris ses droits à la Massey Ferguscène. En attendant Møl, un type au premier rang prévient : "attention, c'est le meilleur groupe du monde, il va falloir faire de belles photos". On a essayé, promis. Si vous n'avez jamais vu Møl sur scène, vous n'êtes pas prêts. Il y a tout d'abord le look du groupe, qu'on est absolument ravis de voir porter les mêmes chemises moches que sur leurs récentes photos promos, à mille lieux du dresscode "black metal". Ensuite, il y a Kim Song Sternkopf au chant, monté sur ressorts, tourbillon insaisissable et chaleureux qui ne tient pas en place et incarne avec son corps toutes les tempêtes que contient la musique. Møl se fiche d'obéir aux codes et nous trimballent dans tous les sen, associant une rage intime à des moments de rêveries poétiques. On peut les comparer avec Alcest, référence inévitable en matière de blackgaze / post-black metal, mais on apprécie chez les Danois un mordant, une hargne communicative et une fougue supplémentaire. Il en résulte des reliefs vertigineux, un grand huit musical ébouriffant et captivant hors des sentiers battus... mais, surtout, une implication totale sur scène. Une grosse claque, folle, libre, intime, possédée par une foule d'émotions.

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ENVY

Restons dans la poésie atypique et les tempêtes intérieures avec Envy. Quelques lumières bleues, beaucoup de fumée : l'ambiance onirique et irréelle plante le décor. On n'est pas là pour voir le monde réel mais plutôt pour se perdre en compagnie du groupe japonais dont la créativité continue d'étourdir. Planqué sous son inséparable casquette, Tetsuya Fukagawa est un maître de cérémonie aussi insaisissable qu'expressif (ses bras, perpétuellement en l'air, parlent pour lui). En toute logique, Envy consacre une bonne partie de son set à son dernier album, Eunoia. Hurlements déchirants, murmures ou spoken word introspectif, le chanteur vit le moment. On est toujours surpris par les contrastes chez Envy, entre accalmies réflectives lumineuses qui tendent vers le post-rock et explosions rageuses plus hardcore (la récente Lingering Echos, par exemple, a parfois des airs d'exorcisme fiévreux). Le public se laisse perdre dans la brume et savoure encore un peu l'ambiance bien particulière que la succession de Møl et d'Envy a su imposer à la Massey et ressort galvanisé par la beauté qui se dégageait de cette succession de concerts.

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SNOT

Trêve de poésie, Snot joue en même temps que Trivium. Voir Snot en 2025 est une curieuse expérience tant le groupe semble enfermé dans une capsule temporelle. On se souvient surtout de Snot pour son premier et unique vrai album sorti en 1997, Get Some, qui a tutoyé les grands de la vague neo metal des années 90... mais le décès du chanteur Lynn Strait en 1998 condamnait une carrière faite de reformations éphémères. On ne sait pas si la formule actuelle a pour objectif de durer dans le temps... mais on est surpris par la puissance que dégagent les Californiens en live ! Aidé par un nouveau chanteur, le très impliqué Andy Knap, Snot envoie avec une énergie punk qui vient s'ajouter à leur nu-metal testostéroné. Le groupe enchaîne les titres de son album qui ne semblent jamais datés et y ajoutent un hommage à Ozzy sous la forme d'une reprise de Children of the Grave de Black Sabbath. Le public, qui pensait probablement ne jamais avoir cette chance, s'éclate. C'est peut-être moins spectaculaire que Trivium mais également plus fun !

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TRIVIUM

Sur la grande scène de la Dave Mustage, le blockbuster de la soirée s'apprête à commencer. Il y a plein de pieds de micro sur scène mais ce n'est pas seulement pour que tous les musiciens puissent donner de la voix, non, c'est pour que Matt Kiichi Heafy puisse cavaler librement sur scène et toujours avoir un truc dans lequel crier, où qu'il soit ! Trivium est une valeur sûre, une machine à riffs, un rouleau-compresseur ultra-efficace qui semblait au top de sa forme avec son dernier album en date, In the Court of the DragonTrivium fêtait récemment les vingt ans de l'album Ascendancy, on est ravis de voir que la setlist du soir ne lui est pas consacrée au-delà des deux premiers titres : un peu de variété ne fera pas de mal !

N'avoir aucun titre d'In the Court of the Dragon, en revanche, est décevant : sorti en pleine pandémie, l'album n'a pas vraiment eu droit à une existence live digne de ce nom, du moins en Europe. Heafy court partout, tire la langue quand il ne chante pas, balance les tubes (Pull Harder on the Strings of your Martyr ou Catastrophist joués vers le début du set ou The Sin and the Sentence en conclusion assurent de faire une bonne première et dernière impression !). Entre temps, In Waves fait péter les plombs au public du Motoc', Trivium a bien sûr repris du Metallica (Master of Puppets) et présenté son dernier morceau en date, Bury with my Screams. Heafy, lui, peut-être inspiré par All For Metal plus tôt, montre ses muscles presque aussi souvent que sa langue. Avec ses lumières spectaculaires, son enthousiasme fédérateur et son enchaînement sans temps mort, Trivium a pleinement rempli son rôle de boss de fin du jour, laissant plusieurs festivaliers lessivés entamer le chemin du retour.

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BATUSHKA

Arrive alors un événement imprévu. A l'approche de minuit et demi, la délégation de Verdammnis Incorporated avait décidé de jeter un œil rapide à la cérémonie de Batushka sur la Supositor Stage avant d'aller voir Cult of Luna. Batushka s'accompagne de tout un folklore : guitares à huit cordes, immobilité quasi absolue, les musiciens sont anonymes, dissimulés par leur costume de scène, les morceaux de l'album ПАНИХИДА (Panihida, "Requiem") ont tous le même titre... Évidemment, on est obligés de mentionner ici le schisme dont a été victime le projet mené par Krzysztof "Derph" Drabikowski, quand ce dernier se faisait voler son concept par Bartłomiej Krysiuk qui a usurpé le nom de Batushka pendant des années jusqu'à ce qu'une décision du tribunal ne le lui interdise enfin. Le "faux" Batushka est devenu Patriarkh (et, ironie du sort, retrouvait un intérêt artistique qui lui faisait défaut) alors que le Batushka de Drabikowski pouvait de nouveau envisager l'avenir.

Ambiance de rituel, black metal liturgique inspiré par l’église orthodoxe, odeur d'encens, ombres de sépultures en fond de scène... Le décor proposé par Batushka en plein air, sous un ciel noir, en impose. Les silhouettes noires qui se détachent, statiques (comme le dit un copain sur place, "en même temps, s'ils se mettaient à courir partout, on les prendrait pour des jawas"), ajoutent une présence fantomatique à cette messe de minuit gothique. Une fois n'est pas coutume, le concert s'apprécie probablement plus d'une certaine distance pour en apprécier l'ampleur et la majesté, plutôt qu'aux premiers rangs. On se souvient alors des conditions photos compliquées sous la tente de la Massey Ferguscène, que l'on imagine, comme les soirs précédents, noyées sous la fumée et les lumières bleues... Alors, au risque de s'attirer les foudres des amateurs du légendaire groupe de post-metal, on décide de finalement faire une croix sur Cult of Luna, pour rester un peu plus longtemps prisonniers de la puissance solennelle qui se dégageait de Batushka.

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KAP BAMBINO

Il est 1h30 et le choix d'after proposé par le Motocultor a de quoi déstabiliser les métalleux pur jus : d'un côté, il y a le groupe de punk / rap Krav Boca et de l'autre le duo electro-punk / synthpunk / chiptune bordelais Kap Bambino. C'est avec ces derniers que l'on commence notre fin de soirée, en croisant quelques regards hagards en route qui se demandent un peu ce que c'est que ce bordel. Imaginez un peu la scène, là, en plein festival metal, la scène principale crache des boum-boum-tu-tu-tu surexcités alors que Caroline Martial court dans tous les sens en s'agitant comme une possédée et passe des morceaux entiers dans le public. Son binôme Orion Bouvier, lui, reste monolithique et effacé derrière ses machines.

On savoure les mélodies minimalistes qui lorgnent parfois du côté de la darkwave (Batcaves la bien nommée) et les rythmiques qui tabassent (No Domination, très punk dans son intensité) alors que les paroles crachées avec hargne nous donnent parfois l'impression qu'on s'est coincé les doigts dans une prise électrique. La foule a beau être plus éparse que pour les groupes plus connus qui ont joué sur la même scène plus tôt, Kap Bambino livre une performance possédée. Pour shaker son booty comme des dingues, c'était très bien. Moins identifié par le public metal que Carpenter Brut ou ne bénéficiant pas du même buzz crétin que Little Big, Kap Bambino a cependant du mal à attirer les foules. Certains vont râler, c'était effectivement un choix audacieux de programmation... mais nous, on s'est bien amusés !

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KRAV BOCA 

Pendant ce temps, il y a des fumigènes et une autre forme de chaos du côté de la Bruce Dickinscène. Krav Boca n'est pas seulement une déflagration de rage, c'est aussi un cirque de monstres que l'on adorerait rejoindre. Des cagoules maquillées, une mandoline, un numéro de cerceau aérien et les performances de Fafa (que vous avez peut-être croisé avec Punish Yourself à une époque), silhouette biscornue et masquée qui joue avec le feu et balance des jets d'étincelles à coup de disqueuse... Krav Boca en met plein les yeux et les oreilles.

Dès les premiers instants, avec l'Intro sinistre aux gros riffs de leur récent album Heretic, Krav Boca impose son ambiance de fin du monde, de liberté, de révolte. Leur dernier album insistait sur la lourdeur et lorgnait plus ouvertement du côté du metal et le show est à cette image : d'une rage brûlante, Krav Boca se déchaîne. C'est finalement bien plus énervé et méchant que tout ce qu'on a vu pendant le reste de la journée, malgré la mandoline, malgré la complicité avec le public et l'envie de faire la fête. Un freak show complètement barge, atypique et d'une générosité totale.

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Nos tops 3 :
Maxine : Batushka, Envy, Trivium
Pierre : Møl, Poesie Zero, Batushka

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe