Tandis que la plupart des autres groupes darkwave de leur génération s'engouffraient dans des musiques froides et mélancoliques, les Autrichiens de The Devil & The Universe ont suivi une voie différente depuis 2013, créant des musiques instrumentales inquiétantes et rythmées où l'électronique et les interventions ponctuelles de la guitare saturée suivent les percussions endiablées, sans jamais se départir d'une touche d'humour avec les masques de boucs dont s'affuble le trio. Leur goatwave est un concept difficile à cerner : suivant les albums, The Devil & The Universe emprunte plus ou moins au tribal-indus, à la théâtralité batcave et au metal, sans jamais perdre ses ambiances mystérieuses et envoûtantes. L'album GOATopia de 2022 et son EP GOATopian Landscapes, plus froids, témoignaient toutefois d'une évolution étonnante vers l'électro-indus. Cette année, The Devil & The Universe nous présente un album intitulé Occult Pleasures, ce qui semble mal s'accorder avec cette évolution ; quoi qu'il en soit, on est impatient de voir ce que le groupe caprin nous a concocté cette fois.
Comme on s'y attendait, Occult Pleasures marque le retour de The Devil & The Universe à des sons et des constructions plus habituelles pour lui : les sonorités électroniques froides sont en retrait même si on ne manque jamais de nappes de synthétiseur, on retrouve les samples de voix et de sons en tous genres (tintements, respiration...) créant une atmosphère de rituel nocturne, les rythmes obsédants des percussions mènent la danse au premier plan. L'album contient ainsi plusieurs morceaux instrumentaux que l'on apprécie, en particulier Sonic Gnostics où le mariage avec l'électronique est particulièrement réussi. Lovecraft écrivait dans sa nouvelle La Maison maudite que les prières d'un dénommé Paul Roulet n'étaient "ni dites à la bonne heure ni adressées à la bonne personne" : comme toujours, c'est l'impression que nous fait The Devil & The Universe !
Il y a cependant plus que cela sur Occult Pleasures. Contrairement à l'album :Endgame69: de 2019 qui s'inscrivait dans la même veine, The Devil & The Universe a décidé cette fois-ci de sortir abondamment de la musique instrumentale en faisant appel à la collaboration de plusieurs artistes pour le chant -bah oui, forcément, vous avez déjà entendu un bouc chanter, vous ? Le groupe l'avait déjà pratiqué quelquefois par le passé, on se rappelle notamment la collaboration avec Sieben de Noël (oui, oui) 2020 mais cette fois, ce sont pas moins de cinq morceaux qui sont concernés sur les neuf ! The Devil & The Universe a choisi pour cela ses titres les plus rapides et les plus lourds, à l'image du morceau-titre aux accents metal chantés par Alex Svenson de Then Comes Silence, très entraînant, et le résultat est encore plus réussi lorsque la musique du trio se marie aux voix de chanteuses darkwave : le duo avec Çağla Güleray de Ductape sur Shadow Projection et celui avec Aux Animaux sur Beelzebub Unchained sont des merveilles, tout à la fois hypnotiques, énergiques et aigre-doux. Et puis enfin, il y a le long morceau final Hadal Ritual avec l'artiste hongroise Zsüd qui sévit depuis peu en Europe centrale : cette fois, The Devil & The Universe prend le temps de porter au sommet son ambiance pesante avant de nous faire dévaler la pente dans les ténèbres en compagnie de la chanteuse ; c'est irrésistible !
Plus qu'un simple retour à son style habituel, Occult Pleasures est donc un album où The Devil & The Universe donne une nouvelle ampleur et une nouvelle variété à sa musique mystérieuse, ayant sélectionné avec soin les voix pour la porter. De plaisirs occultes on ne manquera effectivement pas sur ce disque !