Lacuna Coil + Nonpoint @ Elysée Montmartre - Paris (75) - 12 octobre 2025

Live Report | Lacuna Coil + Nonpoint @ Elysée Montmartre - Paris (75) - 12 octobre 2025

Pierre Sopor 14 octobre 2025

Lacuna Coil reste un paradoxe. Tout le monde les connait mais les Italiens semblent systématiquement oubliés dans un entre-deux étrange. La phrase que l'on entend le plus souvent à leur sujet ? "Ah ouais, c'était toute ma jeunesse !". Pourtant, avec une constance qui force le respect, Lacuna Coil continue de sortir des albums tout à fait honorables, faisant évoluer sa musique pour la maintenir pertinente, et le récent Sleepless Empire (chronique) était une nouvelle preuve de leur savoir-faire quand il est question d'enchaîner les tubes. Par conséquent, quand Lacuna Coil joue en festival, c'est souvent à un créneau qui ne leur rend pas tout à fait justice alors que tout le monde va les voir, ne serait-ce que par nostalgie... mais pour les croiser à Paris, il faut remonter à 2019, en première partie d'Eluveitie dans ce même Élysée Montmartre ! La dernière fois que Lacuna Coil jouait à la capitale en tête d'affiche remonte à... 2016, avec tout de même quelques apparitions en banlieue (Vauréal en 2017, Savigny-le-Temple en 2018).

Cette date à l’Élysée Montmartre, cette fois comme attraction principale, était donc un petit événement. En approchant des abords du Sacré Cœur, on espère néanmoins que la concurrence de Disturbed et Megadeth au Zénith au même moment ne portera pas préjudice à la soirée organisée par Veryshow. Tout va bien : une grosse demi-heure avant la première partie, il ne reste que six places au guichet !

NONPOINT

Au sujet de Nonpoint, on pourrait d'ailleurs paraphraser une partie de ce qui a été dit plus haut sur Lacuna Coil : la dernière (et seule ?) fois qu'on les a vus aux alentours de Paris, c'était à Vauréal il y a dix ans. Pourtant, avec une carrière de bientôt trente ans, Nonpoint a un petit statut de groupe culte. En discutant un peu dans la salle avant le concert, on constate vite que le public se divise entre ceux qui n'en ont jamais entendu parler... et ceux qui ont fait le déplacement pour les voir, enthousiastes ! Bref, on ne se paye pas notre tête : la première partie a de la gueule.

On parlait de nostalgie. Le son de Nonpoint nous renvoie directement dans cet espace-temps entre la fin des années 90 et le début des années 2000. Rien que leur look sent super fort les clips qui passaient sur MTV il y a une vingtaine d'années ! Des dreads, des baskets, des maillots de sport floqués à leur nom... Leur mélange entre neo metal et groove metal super accrocheur rappelle parfois Mudvayne, parfois Skindred, parfois une version plus ensoleillée de KoRn (Nonpoint vient de Floride). Conscient de ce que doivent se dire ceux qui découvrent le groupe sur scène ce soir, le chanteur Elias Soriano lance à un moment : "si jamais vous ne savez qui nous sommes et que vous n'arrivez pas à lire notre nom en gros sur l'écran derrière moi, on s'appelle KoRn !" pendant que retentit le riff d'intro de Blind.

Arrêtons la les comparaisons avec la bande de Bakersfield : la musique de Nonpoint est moins sombre et nous embarque dans un tourbillon d'énergie. Soriano, au chant impeccable notamment quand Nonpoint se lance dans des parties plus mélodiques, et Robb Rivera à la batterie, les deux vétérans présents depuis les débuts, occupent le centre de la scène... avec une batterie plus en avant que d'habitude, ne laissant à Soriano que peu d'espace. Autour d'eux, les guitaristes Rasheed Thomas et Jaysin Zeilstra font un concours de "qui a le plus une dégaine à jouer dans KoRn" et tourbillonnent furieusement dans tous les sens, assurant le spectacle. 

Nonpoint, c'est fun. Petit à petit, le public se laisse conquérir, que ce soit au son des classiques (Bullet with a Name, The Wreckoning, Alive and Kicking, What A Day, Rabia) ou des titres plus récents (A Million Watts, Ruthless). On est cependant surpris de ne pas entendre plus de titres récents du groupe (la lourdeur d'Underdog aurait fait plaisir !). Évidemment, quand ils reprennent In the Air de Phil Collins, les gens connaissent les paroles mais l'assemblée était déjà partante pour les activités proposées : taper dans les mains, parler en espagnol sur Rabia, faire un pistolet avec les doigts sur Bullet With a Name (aaah, ces Américains !). A la fin, tout le monde est content : ça groovait et ça envoyait bien, on a eu l'impression qu'on était à nouveau jeunes et que c'était encore la mode des pantalons trop larges dans lesquels on peut planquer la bouteille d'Eristoff black achetée en cachette !

Cliquez sur une photo pour la voir en haute définition

LACUNA COIL

Fini la fiesta, fini le soleil, fini les sportifs et la Floride. Après les spots clinquants de Nonpoint, Lacuna Coil impose une ambiance plus sombre à l’Élysée Montmartre alors que le batteur Richard Meiz arrive le premier et prend la pose, une baguette en bouche, pour saluer le public. Puis Andrea Ferro arrive au pas de course, toujours aussi généreux en grimaces, et nous grogne ses parties de Layers of Time. Christina Scabbia se planque sous sa capuche le temps que ce soit son tour de chanter. Le p'tit nouveau à la guitare, Daniele Salomone, lui n'a pas le droit d'enlever sa capuche : on risquerait de le confondre avec "l'autre quasi-chauve barbu" du groupe, l'indéboulonnable bassiste Marco Coti Zelati, alias Maki. Premier arrivé, premier servi !

Après leur passage au dernier Motocultor (report), on est ravis d'enfin pouvoir apprécier le set actuel dans sa version complète, en salle. Lacuna Coil nous loge ses refrains en tête. Les titres se succèdent, on les connaît tous, même ceux qu'on ne connait finalement pas si bien : tout est accrocheur, tout est familier, tout est immédiatement séduisant. Les lignes de chant de Scabbia résonnent avec puissance, elle est impressionnante de maîtrise. On remarque, un brin amusé, que le groupe présente toujours aussi maladroitement Hosting the Shadows en annonçant avoir un "invité spécial pour la prochaine chanson, Randy Blythe" : ça ne loupe pas, comme au Motoc', une partie du public s'excite avant de comprendre que non, le chanteur de Lamb of God n'est pas vraiment là ce soir ! 

Aucun titre n'est plus faible, aucun morceau n'est chiant ou dispensable. L'alchimie entre les riffs méchants et le chant plus mélancolique a quelque chose de galvanisant. Lacuna Coil rassemble avec son talent mais aussi sa bonne humeur. Généreuse en échanges, Christina Scabbia remercie régulièrement le public et nous promet que si on ne les avait pas vus depuis si longtemps, ce n'était pas de leur fait mais plutôt parce qu'ils semblent toujours être les derniers sur la liste des promoteurs... On en revient à ce que l'on disait plus haut : Lacuna Coil semble étrangement sous les radars. Ah, et c'était l'anniversaire d'une fille au premier rang, qui suit le groupe sur sa tournée. Christina et toute la salle ont chanté pour elle, elle s'en souviendra longtemps !

En toute logique, la setlist est dominée par les morceaux de Sleepless Empire : Gravity, I Wish You Were Dead, Never Dawn, Oxygen, In Nomine Patris... elles n'ont pas un an qu'on a l'impression de les écouter depuis toujours. En live, Lacuna Coil soigne ses transitions, donnant par exemple plus de place à l'électronique. On y gagne en dramaturgie : entendez donc la fosse bouillir alors que, petit à petit, progressivement, se construit la mélodie de Heaven's a Lie, théâtrale et intense ! Plus tard, Swamped nous rappellera à nouveau les heures les plus gothiques de Lacuna Coil, dont le sombre romantisme et l'élégance boostés aux refrains fédérateurs fonctionne toujours si bien. Avec Spellbound, ce sont finalement les trois seuls titres des années 2000 joués ce soir (et encore, ceux de Comalies le sont dans leur version actualisée de 2023). 

Quand arrive le généreux rappel de quatre titres, Richard Meiz reprend la pose, debout derrière ses fûts. Scabbia revient avec la capuche sur la tête. On se croirait revenus au début mais ce sont bel et bien les derniers moments d'un concert d'une heure et demi, théâtral et fédérateur, passé en un clin d’œil. Du charisme, de la générosité, des échanges avec le public, un plaisir réciproque, une interprétation sans failles et qui donne aux morceaux un supplément d'impact et Andrea Ferro qui passe la soirée à faire les gros yeux en pointant ses doigts sur ses tempes : Lacuna Coil assure comme une machine que rien ne vient enrayer, mais avec une âme. Alors maintenant, les métalleux snobs, vous arrêtez de vous la péter en faisant la gueule, vous assumez de kiffer en cachette et vous venez vous éclater en live. Vous inquiétez pas, on ne vous verra pas dans le noir, on regardera la scène. Il serait temps d'assimiler que Lacuna Coil est devenu incontournable et cette soirée bien remplie nous laisse confiants : ils semblent sur le point de commencer une partie de leur carrière où on leur accorde enfin la place qu'ils méritent, en haut de l'affiche !

Cliquez sur une photo pour la voir en haute définition

à propos de l'auteur
Author Avatar

Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe