Chronique | Devil-M - Titanomachie

Pierre Sopor 28 novembre 2025

Après une première décennie d'existence ponctuée de sorties fréquentes, Devil-M était plus discret depuis l'album Astharat paru en 2020. Le groupe de metal industriel est de retour avec Titanomachie et, pour anecdote, l'album ne sort pas un vendredi comme la tradition l'exige mais deux jours plus tard, le dimanche 30 novembre, histoire de coïncider avec l'anniversaire du chanteur et fondateur du projet Max Meyer. Si c'est pas tout mignon ! Voilà, ça suffit avec les trucs mignons, on plonge dans Titanomachie.

Devil-M a toujours soigné la narration entourant ses créations, enrobant sa musique d'une dimension mystique voire mythologique. C'est de nouveau le cas ici avec un récit apocalyptique sur fond de mythologie grecque : si la Titanomachie racontait la défaite des Titans, l'album met en scène leur revanche. Tout commence avec Sisyphe qui s'arrête de pousser son rocher. Pierre qui roule n'amasse peut-être pas mousse, mais les événements qui découlent de ce jour off voient Kronos et ses copains reprendre le contrôle de l'Olympe, provoquant la mort du panthéon et plongeant le monde dans la mort, la peur et le silence. Voilà pour le background de Titanomachie.

Pour accompagner un tel récit, il fallait un décor théâtral, ce que pose d'emblée Sisyphos. Guitares menaçantes, passages plus ambiants et cinématographiques... Devil-M installe son atmosphère alors que monte une litanie funèbre. Puis, les ingrédients se mettent en place, immédiatement familiers malgré le délai séparant Titanomachie de son prédécesseur : la langue allemande arrive dès la seconde partie de Gott, le chant alterne entre cris écorchées, borborygmes caverneux sinistres et lamentations expressives et torturées. Les rythmiques sont strictes, les riffs impitoyables, mélangeant une rigueur martiale à une rapidité agressive. Bien qu'allemand, le groupe ne lorgne pas tant du côté de ses compatriotes que des outrances plus obscures et violentes de Psyclon Nine ou Dawn of Ashes, avec un peu de maniérisme mansonien. Notons d'ailleurs que Nero Bellum s'occupe des samples de Gott et Komplex et que Krystof Bathory est au mastering...

Le climat créé par ces cris désespérés et ces atmosphères cauchemardesques est grandiloquent et apocalyptique. Devil-M soigne à la fois son parfum putride de ruine (Tartarus, par exemple, avec ses chuchotements mystérieux, semble hantée par les fantômes des dieux massacrés) sans délaisser pour autant son sens de la formule qui accroche (la lourdeur de Komplex est idéale pour broyer des cranes, Imperium, avec son énergie electro-punk, est idéale pour remuer le popotin.

Des petites touches dark electro (Apocalypto et sa froide mélancolie qui petit à petit s'étoffe et s'alourdit quand les guitares entrent en scène) et des nappes contemplatives imposent leur froideur et quelques touches nostalgiques. C'est d'ailleurs en compagnie des échos de ce sentiment que Titanomachie nous abandonne alors que Heaven vient donner à l'ampleur mythologique une conclusion plus intimiste, nous faisant passer du récit grandiloquent plein de divinités et de destruction au deuil, au vide et à l'abandon des survivants. Voilà un album ambitieux dans sa narration, un monstre hybride où les émotions humaines se greffent à la démesure divine... mais surtout du metal indus mordant qui saura parler aux amateurs d'univers tourmentés et théâtraux.

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Pierre Sopor

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