Avec Statistic Ego paru en 2021, FauxX nous plongeait dans un univers cauchemardesque, magma sonore dominé par les machines où les influences s'aggloméraient. Darksynth, cyberpunk, industriel... étant donné la lourdeur du propos et le mordant des textures, nous opterons pour l'étiquette "metal industriel", malgré l'absence de guitare. Peu importe, les étiquettes, ça ne tient pas sur les métaux corrodés. Il y avait bel et bien, dans ce goût pour l'expérimentation, un petit côté "Skinny Puppy qui a bouffé des stéroïdes". Pour son second album, le duo composé de Joachim Blanchet (que l'on croise dans un registre très différent au sein de la formation rock Hoa Queen mais qui lançait plus tôt cette année son side-project indus Cephalon 313) et Job (Tagada Jones) annonçait vouloir un truc plus rentre-dedans. Eh bien, à nous d'entrer dedans alors !
En effet, FauxX semble, de prime abord, délaisser les chemins tortueux de son premier album sur Hyperwar, entrée en matière martiale aux airs de rouleau-compresseur avec sa rythmique implacable et son refrain scandé. Il y a de vagues souvenirs de bass music (on pense parfois à Antania pour le mélange, en bien plus riche) mais aussi une méchanceté punk. Cependant, cette approche plus directe ne veut pas pour autant dire que FauxX s'est appauvri ou est devenu paresseux. Au contraire, on retrouve bien vite ce goût pour les ruptures, les atmosphères qui sentent le plomb et le tetanos, les nappes dont le gris profond ne se teinte que d'une couleur rouille, les samples qui ajoutent une touche psychédélique à un ensemble rugueux et corrosif dont l'intensité, déjà, est apocalyptique.
Anteroom a bien un parfum de fin du monde. Pessimiste et même nihiliste, son agressivité se teinte d'un certain mysticisme : Sun of Despair, Burnt Velvet Retinas ou Demiurge Date, par exemple, ralentissent la cadence et nous arrivent comme des révélations funèbres, rituels cyberpunks cryptiques hantés par quelques respirations contemplatives aussi surprenantes que marquantes. Les ambiances ont cette puissance dramaturgique, cette touche cinématographique qui fait naître des images de ruine, entre deux passages à tabac. Si la musique industrielle est souvent associée à la froideur, FauxX vient parasiter les structures binaires avec son jeu de batterie : certes, ça martèle bien comme il faut, mais il y a aussi là-dedans une explosivité, une vivacité, un truc qui s'affranchit de la formule mécanique pour insuffler son énergie. FauxX grogne, FauxX pilonne sans faiblir, FauxX hypnotise (Latch On, au final étonnamment théâtral et poignant, entre menace et mélancolie).
Surtout, le groupe livre sa vision du metal industriel, affranchie d'idées préconçues : loin des schémas un peu faciles voulant que le genre se limite à des beats simplistes greffés à des riffs tout aussi simplistes, le duo essaye, explore. Les sons utilisés n'ont pas tous pour but la musicalité. La musique n'est pas là pour faire danser ou être agréable. Pourtant, FauxX n'est pas dénué d'efficacité : des morceaux comme Dig ou The Revealer, avec Diego de Karras, peuvent filer des courbatures à la nuque. Dans ce climat apocalyptique, la reprise de Here Comes the War par New Model Army prend tout son sens : l'apathie, l'indifférence, voire la complaisance de la population nous mèneront à nouveaux aux horreurs d'un conflit armé. C'est un cycle, l'anéantissement est imminent, et Anteroom nous le rappelle au cours d'une cinquantaine de minutes que l'on traverse comme un se descend un bidon de vitriol. Non, cet album n'est pas là pour réconforter : on n'a que ce qu'on mérite.