Bienvenue en 1666, une époque joviale où l'on savait encore s'amuser ! Avec son nouvel EP, Carach Angren sort de cinq ans de silence pour nous ramener à l'histoire de son premier album, Lammendam (sorti en 2008). Le duo composé de Seregor (chant, guitares) et Ardek (claviers, orchestre) revient à son histoire de Dame Blanche inspirée par le folklore local, l'occultisme, de vrais poèmes et des pièces de théâtre oubliées. Vous allez donc faire la connaissance de Kariba la sorcière ("pourquoi est-tu méchante ?" demanderaient d'innocents jeunes garçons, pas grands mais vaillants), soupçonnée d'être également une empoisonneuse.
Des cultes menaçants, des symboles mystiques, des mélanges entre mythes et folklore :Carach Angren manie toujours les faits et les fantasmes avec habileté et passion pour donner vie à son univers. Le décor grandiloquent et cinématographique imposé par l'intro A Malevolent Stirs nous plonge directement dans l'ambiance nocturne idéale, conte de fée macabre dont on savoure déjà les sévices raffinés que les mots récités par Tim Wells nous promettent. Draw Blood, des chœurs fantomatiques, des riffs méchants, les croassements secs de Seregor, bête grimaçante : Carach Angren n'a pas son pareil pour le théâtre grotesque et horrifique. On aime l'énergie et le mystère qui s'en dégagent, la tension dramatique que notre narrateur déviant instaure et cette petite pause lugubre où résonne le violon de Nikos Mavridis (fidèle collaborateur de Carach Angren mais qui a aussi travaillé avec Sopor Aeternus et Rome, en voilà un qui sait extirper des spectres de ses cordes !).
Sur son précédent album, Franckensteina Strataemontanus (chronique), Carach Angren surprenait avec quelques expérimentations inhabituelles, plus proches de l'industriel. Bonne nouvelle : malgré un nombre limité de titres, The Cult of Kariba n'en oublie pas ces pas de côté avec Ik Kom Uit Het Graf ("je sors de la tombe") qui n'est pas sans rappeler la pesanteur de Monster : c'est grinçant, inquiétant, difforme... et donc forcément jouissif, avec ses incantations et ses "ouuuh lalala" ! Que se rassurent les puristes : The Resurrection of Kariba et Venomous 1666 satisferont vos envies de Carach Angren plus "traditionnel".
Lamentations de violon et un solo de guitare étrangement déplacé : Venomous 1666 est le bouquet final décomplexé de l'EP. On en savoure la grandiloquence maléfique tout en rêvant de voir un jour une comédie musicale signée Carach Angren, un truc complètement zinzin avec des cadavres ranimés, des silhouettes encapuchonnées qui sacrifient des trucs en psalmodiant, des corps pourrissant dans la terre et d'anciens rituels oubliés. Vivement leur prochaine tournée !
Le sound-design, la variété d'instruments, les vociférations sinistres de Seregor, ce mélange entre grand-guignol gore et poème gothique accompagné d'orchestrations possédées : le duo fait dans le flamboyant et le putride. Chaque élément ajoute à l'intrigue, développant la narration peut-être plus encore que par le passé (on apprécie la multiplicité de points de vue que l'on ressent dans le chant, entre borborygmes et voix claire, notamment quand le groupe se place du côté d'un cadavre dans Ik Kom Uit Het Graf). C'est du grand spectacle, fait avec talent et passion. The Cult of Kariba est bien sûr trop court après une telle attente, mais cela permet justement de mieux condenser ses idées, mieux mettre en valeur son histoire. Oui, tout cela est ornemental, mais c'est de là que vient le plaisir !