Chronique | Carach Angren - Franckensteina Strataemontanus

Pierre Sopor 20 juin 2020

Avec son univers horrifique et théâtral, CARACH ANGREN s'est vite imposé comme un des groupes de black-metal symphoniques les plus intéressants, poussant toujours plus loin son mélange entre grotesque et terreur gothique, flirtant avec la comédie musicale grandiloquente quand son chanteur Seregor se lâche pour surjouer certains passages. Au point, peut-être, d'agacer certains fans, grognons de voir CARACH ANGREN trop en faire et presque flirter avec un second degré mégalo pourtant jouissif.

Franckensteina Strataemontanus arrive trois ans après les cruels fantômes de Dance and Laugh Amongst the Rotten et nous raconte l'histoire de Johann Conrad Dippel, théologien et alchimiste du XVIIème siècle né dans un certain château Frankenstein, près de Darmstadt en Allemagne. Accusé d'hérésie et forcer de changer de pays, il a inspiré le personnage du célèbre baron Victor Frankenstein à Mary Shelley.  Un alchimiste aux idées défiant l'ordre établi, un sombre château germanique, des cadavres qui reviennent à la vie : le décor est planté.

L'album, lui, commence de manière assez classique. Une introduction théâtrale et un narrateur de conte ouvrent le chemin pour Scourged Ghoul Undead et son rythme effréné. Les parties orchestrales sont réussies, une constante chez CARACH ANGREN, intensifiant la portée dramatique d'un morceau agressif aux riffs rapides. C'est pourtant avec le morceau-titre que l'on entre vraiment dans ce Franckensteina Strataemontanus : des sonorités électroniques et industrielles vienne se greffer au mélange black / death. Le choix surprend, fonctionne, et se justifie : pourquoi ne pas faire quelques expériences avec des machines quand on parle de savant fou ? Chant clair mégalo, refrains scandés d'une voix folle : Seregor s'éclate comme jamais dans son rôle de Mr Loyal démoniaque. CARACH ANGREN sait être réjouissant, et The Necromancer, avec toute sa démesure, est irrésistible. Les orchestrations synthétiques sont épiques, Ardek triturant chaque note à loisir. Ainsi, Monster, lente, pesante, étrangement ambiante, est hantée par des violons torturés, des ricanements fous, des hurlements de terreur et le jeu d'acteur menaçant de Seregor, déchaîné. Il faut l'entendre vociférer sur Der Vampir von Nürnberg ou se lamenter, en voix claire, sur Sewn for Solitude  : Franckensteina Stratemontanus est une démonstration de ses qualités, des registres qu'il maîtrise et de l'expressivité qu'il peut injecter à un morceau.

Certes, l'album peut dérouter. Avec ses titres qui peuvent donner l'impression de partir dans tous les sens, sa richesse foisonnante et son histoire de savant fou qui réanime des cadavres. C'est surtout un album riche, où la folle démesure n'empêche pas une certaine mélancolie et quelques fantômes (Like A Conscious Parasite et ses orchestrations est particulièrement prenante). CARACH ANGREN soigne le fond et la forme et propose une comédie musicale gothique, horrifique et déviante grandiloquente. C'est aussi jouissif qu'intelligemment fichu.