Chronique | Porno Graphic Messiah - Interdit

Pierre Sopor 19 juin 2020

On vous voit, là, écouter en cachette PORNO GRAPHIC MESSIAH, en navigation privée pour pas que votre patron, qui n'a jamais entendu parler de CHRISTIAN DEATH ne se demande ce que c'est que ce bazar. La troupe niçoise n'a pas eu le temps de disparaître depuis longtemps (Terrorize Me n'a que deux ans), mais on ne va pas leur en vouloir de squater le terrain tant qu'ils font remuer nos popotins.

On le sait, on le sent dès cet artwork aux couleurs explosées : Interdit s'autorise tout. Et tant mieux : le mélange décomplexé d'electro, de metal industriel et de gros neo metal bien gras de PORNO GRAPHIC MESSIAH n'est probablement pas à la pointe de l'avant-garde mais c'est justement pour cette raison que ça fonctionne. PORNO GRAPHIC MESSIAH n'a honte de rien : ni de sa pochette criarde, ni de sa grande gueule, ni de ce mix compressé accentuant l'effet rouleau-compresseur, ni de ce chant aux accents Mansoniens sans trop en faire et encore moins de sa musique mêlant tout ce qui agace les ayatollahs intellos de l'indus. Le groupe ne s'excusera pas, et tant mieux : on leur pardonne tout ça, parce que ça fonctionne grave et qu'il y a quelque chose de profondément réjouissant dans toute cette attitude.

C'est comme ça. Il y a des musiques qui font vibrer notre âme. D'autres titillent nos neurones. Il y a celles qui nous atteignent en plein cœur. PORNO GRAPHIC MESSIAH s'adresse directement à nos culs : ça se trémousse dès Statue of Liberty avec ses grosses basses et sa mélodie qui colle aux tympans, les lignes de chant de Lifestyle s'emparent de nos viscères... Interdit est un album cohérent, au point que l'on a parfois l'impression d'un seul long morceau se déclinant au fur et à mesure de l'écoute, avec ses parenthèses mélancoliques (Digital's Bird) et ses gros hits catchy (Ouija, la très neo-metal et bien lourde Video Game). Pourtant, ça et là, un titre vient casser cette impression d'ensemble compact (The Horror Show, Pt. 2 qui laisse l'électronique, pourtant très présente sur les autres morceaux, au placard).

Crâneurs et bruyants, les PORNO GRAPHIC MESSIAH ont réussi leur coup. On sort d'Interdit comme d'une cuite à la Despé : on ne sait pas exactement comment on s'est retrouvé dans cet enfer, notre organisme nous en veut, on a vaguement honte du plaisir qu'on y a pris, mais on doit bien avouer que c'était quand même cool. On y reviendra quand personne ne regarde, qu'on se fera chier en faisant semblant d'écouter le nouveau EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN pour avoir l'air super mature et fréquentable, et qu'on voudra se souvenir de ce que ça fait de ne pas être vieux, terne, pénible et triste, bref, quand on voudra vivre.