VERSATILE : L'Envers des masques

VERSATILE : L'Envers des masques

Pierre Sopor 9 septembre 2025 Maxine & Pierre Sopor

Avec son univers foisonnant, ses visuels forts et ses concerts théâtraux qui donnent vie à son mélange grandiloquent de black metal et d'industriel, Versatile marque les esprits. Petit à petit, cette monstrueuse parade noircit les cœurs d'adeptes de plus en plus nombreux qui découvrent les cauchemars de l'Envers, monde fictif servant de théâtre horrifique du groupe originaire de Genève.

Alors que leur premier album Les Litanies du Vide sortait plus tôt cette année (chronique), nous avons profité du passage de Versatile au Motocultor (on vous racontait ça par ici) pour interroger Hatred Salander (chant), Famine (guitare), Cinis (guitare) et Morphée (batterie). Ils nous parlent de leur relation à leurs personnages, tracent les contours difforment d'un monde qui n'a pas fini de muter et nous laissent jeter un œil (celui du voisin, par exemple) sous le voile dissimulant leurs projets futurs.

Votre univers est très prononcé et narratif. Quelle est la part d'émotions personnelles dans Versatile ? Est-ce vous qui vous exprimez, ou toujours les personnages de l'univers ?
Hatred : Ça dépend pas mal des morceaux, certains sont beaucoup plus personnels. Je dirais que les deux plus personnels sont Graisse présent sur l’album et Versatile présent sur l’EP. Graisse parle de surpoids et de modifications corporelles, il y a un lien entre-autres avec ma grand-mère qui a des problèmes de surpoids. Versatile parle de personnes manipulatrices. Ayant eu affaire à ce genre de personne cela m’a énormément marqué, je déteste ça. Les autres sont plutôt des histoires, comme des contes de Grimm. Je me mets dans l’émotion des personnages et leur état d’esprit quand j’écris les paroles, mais ce n’est pas forcément ultra personnel tout le temps.

Versatile est le nom d’un personnage dans votre univers. A quel point les personnages que vous incarnez sont inspirés de qui vous êtes dans la vie?
Famine : Pas trop j’espère ! Pour Famine par exemple c’est très opposé même si on est en même temps très authentiques. Dans ma personnalité de tous les jours et en société je suis quelqu’un de très serein et chill, je n’aime pas du tout le conflit. Tout ce qui est en lien avec la colère, pour moi c’est non, je suis plutôt du genre à prendre sur moi. Famine lui est totalement l’inverse, il explose, il frappe, il mord, il tue. C’est un contraste intéressant qui me demande une énergie très authentique et qui me vient naturellement. Je ne m’identifie pas à Famine mais en même temps il est une partie de moi.

C’est la partie que tu n’es pas tous les jours !
Famine : Exactement, c’est celle que je cache.

Cinis : Avec Versatile, j’incarne une prêtresse nommée Cinis, un personnage sans cœur fort, presque inhumain. Ce rôle est très éloigné de ce que je suis dans la vie : au quotidien, je suis plutôt calme, sensible et empathique. Cinis, c’est un exutoire. Elle me permet de me libérer, de me défouler, de dire et de faire des choses que je ne pourrais pas me permettre en tant que moi-même. C’est une sorte de purge émotionnelle

Comment sont nés ces personnages ? Est-ce toi Hatred qui les as écrit, ou chacun d'entre vous a eu son mot à dire sur qui il allait être ? 
Hatred : Pour la création des personnages que l'on n'incarne pas nous même, c'est moi. Pour Morphée également, puisqu'il a été créé avant l'arrivée du batteur et ce dernier a choisi parmi plusieurs personnages préexistants. Pour Cinis et Famine, le look et l'idée se sont construits un peu en parallèle. Soit je proposais un bout d'idée pour l'archétype du personnage, soit l'idée était inspirée par un élément de costume qui plaisait à l'une ou à l'autre. Ensuite, chaque personnage n'étant qu'une idée centrale, j'écris le reste via les paroles ou en discutant avec la personne concernée. Mais là aussi, c'est encore très fragmentaire en réalité et ça va se compléter au fil des morceaux.

Cinis est la première à avoir investi autant dès le départ pour avoir un costume aussi crédible. Au moment où elle nous montrait les éléments de costume qu'elle pensait prendre, un peu en parallèle, je lui ai proposé l'idée d'être une sorte de prêtresse maléfique. L'idée s'est précisée par la suite lorsque j'ai écrit les paroles d'un ancien morceau, sur les cendres duquel nous avons plus tard réécrit Ieshara. Le côté déesse incarnée, offrande d'utérus, etc, est venu à ce moment là, par l'écriture des paroles. Le personnage de Cinis représente l'ordre, contrairement au chaos du mien. Je dirais que ça colle pas mal avec nos personnalités. Notre guitariste est beaucoup plus organisée que moi ! En revanche, elle n'est heureusement pas aussi cruelle que le personnage qu'elle joue !

Morphée n'était au tout début qu'un nom dans les paroles d'Ad Nauseam. Au départ je l'ai placé là sans trop savoir pourquoi. Ce n'est que plus tard que j'ai eu l'idée de reprendre ce nom et d'en faire un personnage. J'étais embêté parce que je ne voulais pas inclure de dieu connu dans l'univers de Versatile. J'ai donc fini par en faire un personnage humain. Notre batteur a choisi d'incarner ce personnage parmi d'autres, mais il a cherché lui même les éléments de son look. Il était également intéressé par le personnage du Mal Nécessaire au départ et il y avait aussi l'option de lui créer un personnage sur mesure, mais il a finalement opté pour Morphée. Notre batteur est quelqu'un d'assez dynamique, sain, et pas particulièrement mystérieux alors... je ne saurais pas dire s'il y trouve un lien avec sa personnalité. Ce qui est certain pour moi c'est qu'il a su l'incarner à merveille. L'idée initiale était qu'il soit uniquement batteur de session mais il s'est si bien prêté au jeu qu'il est devenu un membre à part entière.

Morphée : J’ai choisi le personnage justement pour son côté obscur, dans l’ombre, en retrait comme un dealer dans une ruelle sombre ! Ça colle bien avec le rôle de batteur. 

Justement, comment faire exister un personnage en étant en fond de scène ?
Morphée
: J’essaie d’avoir un peu plus d’interactions avec le public, par exemple en ne restant pas assis tout le long du set. Souvent je me lève à la fin des morceaux ou je reste debout sur certaines intros durant lesquelles je ne joue pas. Il y a évidemment aussi les deux morceaux ou je joue sur le tonneau qui aident beaucoup. Là, je peux venir devant pendant tout un morceau et interagir directement avec le public.

Est-ce que, finalement, les batteurs ne sont pas des gens qui aiment se cacher un peu, aussi ?
Morphée
: C'était toujours une petite frustration pour moi en tant que batteur de ne pas pouvoir être plus sur le devant de la scène, mon ego surdimensionné en souffrait ! Avec Versatile je peux profiter à fond de ces moments ou je suis devant. Plus généralement, je ne suis pas sûr que les batteurs aiment se cacher. Surtout dans le metal où la batterie est beaucoup mise en avant. Le batteur a souvent la lourde responsabilité de tenir le tempo et la structure parfois complexe des morceaux. Avec le son qui évolue toujours plus vers quelque chose de précis et tranché, on se sent plutôt mis à nu car chaque imprécision ou erreur va s’entendre. Difficile de se cacher dans cette situation ! 

D’ailleurs, de manière générale est-ce que vos personnages vous permettent de vous “cacher” un peu derrière les masques ? Est-ce plus facile pour vous de monter sur scène avec vos déguisements plutôt que sans ?
Hatred : Oui, totalement. Le costume me permet de me lâcher beaucoup plus facilement, d'être plus confiant et plus exubérant. Paradoxalement, me cacher me permet de me montrer beaucoup plus facilement. Après, la scène et la musique aident aussi en grande partie, il est d'ailleurs plus facile d'entrer sur scène alors que l'intro est déjà lancée. Quand je descends de scène, que la musique s'arrête mais que les gens viennent me parler alors que je suis encore en costume, je suis dans un entre-deux. Ça crée un contraste étrange où je suis à moitié timide et gêné sous les éloges... je ne sais parfois plus quoi répondre.

Cinis : J’ai fait partie de plusieurs groupes, avec et sans masque, et j’apprécie vraiment les deux approches. Porter un masque ou incarner un personnage n’est pas forcément une façon de me cacher, mais plutôt une manière différente de m’exprimer. C’est un outil artistique puissant qui permet de pousser certaines émotions ou intentions à l’extrême. Ce n’est pas plus facile ou plus difficile avec un déguisement ou un masque, c’est juste une autre manière d’aborder la scène. Quand je monte sur scène “à visage découvert”, je me connecte directement avec le public, dans quelque chose de plus vulnérable, plus brut. Avec un personnage comme Cinis, je me transforme, je prends de la distance avec moi-même, et ça me donne une forme de puissance différente. 

Famine : Pour ma part, c’est exactement l’inverse. C’est le masque qui me permet de libérer toute mon authenticité primitive, sans filtre, sans avoir la crainte de gêner ou d’enfreindre les normes sociales qui emprisonnent ma nature profonde. En société, c’est là où je me cache. Comme je le disais, je suis une personne qui n’aime pas les conflits, souvent conciliante avec tout le monde pour ne pas bousculer. Donc forcément, ma colère est une émotion qui reste enfouie et ne s’exprime que très peu. L’essence de Famine, c’est justement cette émotion colérique qui se libère dans toute sa pureté, une émotion qui m’appartient.

Ce qui est drôle, c’est qu’en ayant l’image de me “cacher” face à un public, je me découvre pleinement à eux, tout en me redécouvrant moi-même dans mon monde intérieur. L’expérience est toujours intense. Ayant déjà joué sur scène sans masque, je ne dirais pas que cela est plus difficile, mais l’expérience reste très différente aujourd’hui. Trop lisse, emmerdante et ennuyeuse. Je sais que je ferais plus attention à mon apparence et à ma gestuelle, avec la manière dont je vais interagir avec le public et mes collègues sur scène... Je serais à nouveau enfermé dans une norme codifiée où je suis “le guitariste d’un groupe”, un outil au service des compositions que je joue, une carapace vide sous les spots lumineux. Je sais que je jouerais dans un cadre festif, mais sans laisser mon enthousiasme et ma joie devenir aussi vrais.

Morphée : J’ai aussi expérimenté avec et sans masque. Je préfère avec ! J’ai du plaisir à incarner un personnage, à apporter une dimension théâtrale aux concerts. Le masque m'apporte l’avantage de ne pas avoir pas à me concentrer sur mes expressions faciales pour rester dans le personnage ! 

Quels liens unissent vos personnages dans cet univers ?
Hatred : Ça reste encore à construire. Ils coexistent dans la même ville, même si Famine vit en fait dans les marais alentours. Cinis dirige sa secte, Morphée est solitaire mais peut collaborer avec d'autres personnages, Hatred vit dans sa Cour des Miracles. J'imagine qu'ils pourraient se confronter ou s'unir en fonction du moment. Ils ont la particularité également, sauf pour Morphée, d'être présents au moment de l'Hiver de Cendre, donc loin dans le passé. Ils ont donc le point commun d'avoir une immortalité, ou une grande longévité, et éventuellement des souvenirs du monde qui précède l'Envers. Mais tout ça est encore en construction.

Dans Atra Bilis, j'aimais bien l'idée que la bile noire, la "mélancolie" transforme les gens en monstre. Penses-tu que dans la vraie vie, la mélancolie fait de nous des monstres, ou au contraire qu'elle nous en protège ?
Hatred : Je ne sais pas si c’est la mélancolie que je citerais en premier. Avec l’idée des quatre humeurs, j’avais vraiment détourné tout ça. Ce serait plutôt d’autres sentiments qui pourraient nous transformer en monstre comme l’arrogance par exemple. Si tu es mélancolique, je suppose que tu es une personne qui se pose pas mal de questions, qui prend du recul sur les choses. Ça peut peut-être te préserver de devenir un monstre... Je ne sais pas !

Quel est ton rapport à la mélancolie ? Comment cela résonne en toi ? 
Hatred : Personnellement c'est un sentiment qui a énormément habité mes vingt-cinq premières années, je dirais. Avec des nuances évidemment, mais c'était très présent chez moi. J'ai eu tendance à beaucoup me tourner vers le passé ou à souvent avoir un sentiment de vide. Mais je dirais que ça ne correspond plus vraiment à ma réalité actuelle parce que j'ai dû opérer quelques changements internes à un moment de ma vie qui m'ont permis d'avancer.

Tu as mentionné la théorie des quatre humeurs. As-tu pensé à incorporer, d'une manière ou d'une autre, les autres à l'univers de Versatile (le sang, ou la bile jaune associée à la violence, par exemple) ? 
Hatred : Pour les quatre humeurs, c'était uniquement une inspiration de départ. Comme beaucoup de choses que je prends, je l'ai totalement détournée. À la base, l'humeur noire représente la mélancolie... Mais en réalité, j'ai choisi celle-ci uniquement pour sa couleur noire. Ça peut paraitre bête, mais l'idée n'était pas centrée sur la mélancolie, plutôt sur l'aspect d'un liquide noir, comme le symbiote de Venom dans Spider-Man. Du coup, non, il n'y aura pas d'autres humeurs. Dans notre univers fictif, l'atrabile agit sur tout type d'émotions, vices, et autres particularités à exacerber.

Les Litanies du Vide est-il une suite à Atra Bilis ?
Hatred : Ce n’est pas une suite chronologique, plutôt un complément qui s’inscrit dans le même univers, ce qui sera aussi le cas des prochains albums. Il y a des liens entres certains morceaux et certaines histoires mais ce n’est pas dans l’ordre. Ce sont vraiment des bribes et à toi d’essayer de deviner si elles s’assemblent et comment. Par exemple sur l'album, le savant fou dans Monstre et l’apprenti chirurgien dans Graisse sont le même personnage. Dans Graisse il apprend, puis s’améliore et crée le monstre ensuite.

Qu'est ce qui arrive en premier : l'histoire d'un morceau, ou la musique ?
Hatred : Il y a l’idée, puis la musique, puis les paroles.

Vous avez collaboré avec Shaârghot sur votre premier album, qui a lui aussi un univers très marqué. Quelle astuce avez-vous trouvé pour mélanger vos deux narrations et faire coïncider vos univers de manière cohérente ?
Hatred : Nous avons triché un peu dans le sens ou nous avons fait comme si c’était onirique. C’est notre clip le moins narratif. L’histoire est celle d’un drogué qui prend la drogue de Morphée, il y a donc un lien entre les morceaux Alter Ego et Morphée, nous avons pu jouer un peu avec ça. La prise de cette drogue lui développe une seconde personnalité, celle de sa drogue personnifiée, avec qui il discute. Nous avons donc fait comme si nous étions avec Étienne, ces deux parties là, même si concrètement ce n’est pas le Shaârghot qui est dans l’univers. Dans le clip, nous avons fait en sorte que les interactions soient un peu ambiguës, nous ne sommes jamais face à face en train de combattre, il vient et susurre plutôt à notre oreille comme la drogue qui vient te parler. C’est vrai que c’est difficile d’allier deux univers si différents, chez lui il y a de la technologie chez moi il n’y en a pas…

Famine : C’est la dark fantasy contre le cyberpunk !

D’autres collaborations de ce type sont-elles envisageables ?
Hatred : Faire des feat au niveau purement musical serait intéressant, pourquoi pas, mais pas systématiquement dans un clip avec un personnage très marqué comme le Shaârghot par exemple parce que c’est délicat d’associer des univers très définis visuellement.

Famine : Je suis un petit sauvageons pour la composition et je me verrais bien travailler avec Igorrr !

Dans les Litanies du Vide, y a-t-il une trame globale ou chaque morceaux a son histoire?
Hatred : Chaque morceau a son histoire mais ça s’inscrit dans un univers et il y a des liens entre tous. Le nom de cet univers est l’Envers. C’est un univers dans lequel il n’y a pas de lumière, ce qui laisse une ambiguïté... Le ciel est-il complètement obscurci ou tout se passe t-il sous terre ? Le début de l’album correspond au début de l’univers mais bien avant que l’Envers soit l’Envers, avec la petite fille du morceau Enfant Zero qui est une expérience et qui est transformée en arme bactériologique. C’est comme une bombe atomique mais dans une petite fille, sauf qu’elle devient une arme incontrôlable qui explose et de laquelle s’échappent tout un tas de miasmes et de maladies qui obscurcissent le ciel et détruisent l’humanité. La trame de tout le reste des morceaux se situe bien après même si je ne saurais pas dire exactement quand car tout cet univers est encore en construction, mais c’est bien après tout ça. Il y a donc Enfant Zero, Univers de Cendres qui est dans Atra Bilis, puis les autres qui sont une sorte de présent dans lequel il y a cet Atra Bile, qui découle des miasmes de la petite fille qui ont donné des cendres qui, en s’agglomérant, ont créé un liquide qui a transformé tous les personnages de l’Envers.

Il y a pas mal d’expérimentations nouvelles dans Les Litanies du Vide, notamment symphonique par exemple. Est-ce que ça vous a donné, à titre individuel, envie de composer des choses très différentes du black metal, que ce soit dans le cadre de ce projet ou chacun de votre côté ?
Hatred : Je sais que Morphée avait composé tout une symphonie avec de la batterie avant d'intégrer Versatile. Ce n'est pas nouveau pour moi non plus. En fait c'est le côté indus qui est nouveau pour moi, et ce côté symphonique est plutôt le naturel qui revient au galop ! Concernant le black metal, je crois que c'est encré dans mes influences. En particulier la lourdeur que l'on retrouve chez Behemoth ou Hate par exemple, au point que je n'en ai parfois même plus conscience. En tout cas, on a tous clairement envie d'accentuer le côté indus/electro mais également ce côté symphonique. Sur l'écriture du prochain album, pour accentuer cet aspect là, nous allons collaborer avec Arthur Mérat, mon meilleur ami, qui a composé et mixé Géhenne. Il a notamment des compétences en arrangements et en théorie de la musique, qui me font défaut. On a déjà beaucoup travaillé ensemble par le passé sur d'autres projets... donc vous pouvez vous attendre à encore plus d'orchestrations puissantes pour la suite ! J'aurais adoré avoir d'autres projets, à la batterie ou à la guitare. J'aurais aimé faire du melodeath ou même du hardcore sombre et bourrin... mais je n'ai malheureusement ni le temps, ni l'énergie, ni l'argent pour m'investir dans un autre projet que Versatile .

Famine : L'idée n'a jamais été de nous enfermer dans une catégorie exclusive, mais plutôt de laisser nos inspirations exploser en fonction du thème choisi. Le principal défi est ensuite d’assembler les différentes pièces du puzzle pour qu'elles s'harmonisent. C'est pourquoi nous avons toujours effectué un travail approfondi, en gardant ou en écartant les parties qui nous semblaient les plus pertinentes. Pour Les Litanies du Vide, nous avons composé sous la forme de trois piliers qui regroupent aujourd’hui notre musique : du black metal, de l’indus et de la musique symphonique. A la base, je ne suis pas très musique symphonique. Mais puisque Hatred et moi-même avons cette nécessité de décrire des atmosphères chaotiques en musique, autant dans le thème que dans la structure des compositions, on se rencontre dans ce monde. Lorsque la nouvelle composition est terminée et enregistrée en format démo, Cinis et Morphée sont un excellent soutien pour les réécoutes en identifiant si la structure fonctionne ou non, car ce n’est jamais évident d’avoir un aperçu concret lorsque tu passes sept heures de suite sur un seul morceau.

Qu'est ce qui t'inspire le plus ? Cinéma, livres, jeux vidéos, jeux de rôle...
Hatred : Un peu tout ! Les choses qui m’inspirent ne sont pas nécessairement des choses qui ressemblent à Versatile, ça peut être vraiment très différent et après c’est complément détourné. Par exemple, mes idées de départ venaient des dessins animés Disney. Pour mon personnage j’ai pensé à Scar du Roi Lion, au Joker de Batman. Il y a Le Bossu de Notre Dame pour la Cour des Miracles, des livres de fantasy aussi : j’ai adoré Eragon, Les Chroniques du monde émergé… Un peu moins les jeux vidéos pour moi, c'est plutôt le truc de Famine.

Famine : Je joue surtout aux jeux vidéos pendant mon temps libre, mais je n’associe pas ce que je joue à ma manière de composer dans ce projet de musique. Par contre c’est mon kif, je joue tous les jours. J’y ai beaucoup réfléchi, j’adorais par exemple sur mon ancien projet me mettre du sang sur tout le corps, c’est quelque chose qui m’est resté... Je me suis demandé quel personnage pouvait porter autant de sang sur lui, voire plus, que dans cet ancien projet. J’adore les contrastes et je me suis finalement imaginé une bête carnassière très maigre qui n’arrête pas de bouffer.

Hatred : J’ai vu un film il n’y a pas longtemps et je me suis dit que ça aurait pu m’inspirer, tu vois, c’est La Cité Des Enfants Perdus. Je me suis dit "tiens, on dirait Versatile" ! Je ne l’avais jamais vu.

On sait que les gens consomment surtout de la musique de façon dématérialisée... Avec votre univers, si vous aviez les moyens, aimeriez-vous faire vivre l'univers de Versatile sous une autre forme ?
Hatred : Bien sûr ! Des films, des jeux vidéos… tout ! Mais on essaye de le faire à notre échelle. Par exemple nos t-shirts représentent souvent les personnages des morceaux. Je réfléchis également avec des amis à élaborer un sorte de livre de jeu de rôle autour de ça, mais c’est juste un projet pour l’instant. Il y a un système de jeu et le début de la conception de l’univers mais ce n’est pas pour demain. Ça m'aide notamment à solidifier les liens entre les personnages dont nous parlions tout à l'heure.

Morphée : J’apprends beaucoup de choses, là !

Famine : On a toujours cette volonté d’assumer cette identité, à la fois au niveau musicale mais aussi au niveau visuel, donc si on peut l’assumer par d’autres biais c’est à 300% que l’on fonce.

Hatred : Avec les clips, la sortie de l’album... en ce moment on se concentre surtout sur les lives. 

Il y a un contraste que j'aime beaucoup dans Versatile, c'est le mélange entre le côté un peu grimaçant / festif / cour des miracles carnavalesque qui pourrait presque être fun et au contraire l'humeur très pesante, très sombre. Est-ce que vous trouvez une forme d'humour, ou au moins de tendresse pour les monstres que vous incarnez et auxquels vous donnez vie ?
Hatred : Pour ma part, de l’humour... non, pas dans Versatile. De la tendresse oui, parce que j’aime tout ce qui est différent, je pense que ça se sent dans la musique.

Du coup, quand tu nous dis qu’on est laids pendant le set…?
Hatred : C’est un compliment ! Et pour vous faire mettre un masque !

Famine : Pour répondre concernant Famine, qui est un personnage dans lequel il y a de la rage de la colère et de la haine, pour moi c’est de l’énergie, et cette énergie je la retranscris autant dans mes danses que dans la musique. Je pense que c’est ça, le point culminant qui réunit tout ça.

Entre le concert et la séance dédicace, avez-vous quand même un peu de temps pour profiter du festival ? Hatred, on sait que tu avais prévu de venir en tant que festivalier au Motocultor avant d'apprendre que tu allais y jouer ! N'est-ce pas un peu frustrant ?
Hatred : Non car je vais profiter des autres jours ! La plupart des groupes que je veux voir ne jouent pas aujourd’hui comme Fleshgod Apocalypse, Dimmu Borgir ou Lacuna Coil.

Famine : J’aurai adoré voir Carpenter Brut mais je dois repartir ce soir ! Je n’ai pas eu le choix, c’est le monde corporate qui m’attire dans ses filets.

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Pierre Sopor

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