Avec son premier album, Opus I, Violence nous balançait en pleine poire un univers ultra-énervé, mélange de bass music et de metal corrosif, un truc furieux qui cognait très fort. Pour son second, le projet initié par Frédéric Garcia, alias Niveau Zero, change un peu ses habitudes : non, ce deuxième album n'a pas pour titre un facile Opus II mais The Block, une note d'intention en elle-même... mais surtout, contrairement au premier, il s'agit bien moins d'un album collaboratif. Comme si Violence s'était recentré pour mieux dessiner les contours de son identité, à grands coups de parpaings dans la gueule.
L'air sent l'essence. Il y a un parfum de révolte omniprésent chez Violence, qui s'ancre d'emblée dans un univers actuel, réaliste. Post Truth, Nothing is Real : les repères disparaissent, des notions comme la décence oubliées, la vérité même est devenue un truc avec lequel on joue et la réalité, justement, n'est plus qu'une opinion comme une autre. La musique jaillit alors comme un pavé balancé sur la vitrine de l'artificialité, ce qui est beaucoup trop de mots et de syllabes pour dire que ça méga-poutre sa race. Le son est massif, apocalyptique, la parfaite bande-son pour tout péter. En se recentrant, Violence sonne peut-être un poil moins metal (un poil épais et bien velu, mais un poil quand même), les basses électroniques imposant leur toute-puissance et leurs cadences. Ça respire mieux, mais ce n'est que pour mieux nous cogner, mon enfant.
Côté efficacité, rien à dire, The Block est un modèle de passage à tabac. Moins d'une demi-heure, du boum-boum, du tagda-tagada, du bleuargh, c'est jouissif et méchant. On pense parfois aux morceaux relativement récents de Combichrist pour cette envie de mélanger sauvagerie, formules accrocheuses et quelques pulsions plus bizarroïdes, mais avec une folie moins martiale, moins cadrée. Violence pique aux années 2010 le dubstep pour en faire un boulet de démolition accompagné de riffs assoiffés de sang. La tête passée par Horskh le temps de Wide Shut permet d'avoir des textures et émotions différentes, entre les synthés aggrotech de l'intro, la guitare grinçante et le chant de Bastien Hennaut, c'est irrésistible.
The Block : est-ce le pâté de maison servant de décor, ancrant Violence dans un univers urbain faite de béton et de grisaille ? Est-ce un bloc de pierre que l'on catapulte en geste de rébellion ? Un monolithe obscur autour duquel danser comme des fous la nuit au son de No Matter What, avec Graphyt en guest, qui commence comme un hymne à circle pit puis nous ratatine ensuite avec ses basses des abysses ? Comme ils le disent, Silence is Violence, alors on prend tout ça et on monte le son jusqu'à ce que les murs tombent en poussière. Il est là aussi, l'âme de Violence : ne pas fermer sa gueule, ne pas rester aveugle, faire voler en éclat les barrières. Blind Enough pilonne avec rigueur, ça devrait le faire pour fracasser n'importe quelles fondations. Y'a des messages qui se hurlent, parce que faut les faire entendre mais aussi parce que ça fait du bien en sortant, ça nettoie l'intérieur tout en assainissant l'extérieur. On ressort de The Block comme d'un tour en essoreuse, mais avec l'envie d'y retourner. Ce second album de Violence, en gagnant en clarté, gagne aussi en impact. Le résultat est massif.