Chronique | Rammstein - Rammstein 7

Tanz Mitth'Laibach 22 mai 2019

Disons les choses franchement : on était en droit d'être inquiets pour ce septième album de RAMMSTEIN que, faute de titre, nous appellerons simplement Rammstein 7. Car si les quatre premiers albums du sextet l'ont fait connaître du grand public, ce qui n'est pas un mince exploit pour un groupe de metal industriel chantant en allemand, il y a depuis eu un album Rosenrot en demi-teinte, un album Liebe Ist Für Alle Da manquant cruellement de clavier dans une tentative contestable de sonner plus metal, et puis... plus rien, plus rien sur le plan des albums depuis pas moins de dix ans. Avaient-ils peur de se remettre à composer ? Que l'on se rassure, toutefois : si ce septième album n'est pas un chef d'œuvre comme les quatre premiers du groupe, il réserve de bonnes surprises à ceux qui aiment RAMMSTEIN. Mais à quoi ressemble-t-il exactement ?

Il ne ressemble en tout cas pas à LIFAD : la réduction drastique de l'électronique et le renforcement de la batterie que l'on pouvait constater sur l'album précédent ont ici disparu et tant mieux. On retrouve donc cette fois un RAMMSTEIN beaucoup plus traditionnel, avec des riffs de guitares saturées simples et pesants qui alternent avec un clavier inspiré de l'électronique des années 70-80, le chant en allemand porté par la formidable voix de basse de Till Lindemann, un son très net -ceux qui n'ont pas aimé ces éléments sur les albums précédents n'aimeront pas non plus celui-là. Pour autant, on ne peut pas parler de retour aux sources, car RAMMSTEIN emploie beaucoup moins les sonorités et les structures répétitives de la musique industrielle qui le rendaient si froid dans les années 90 ; reste donc un album d'electro-metal, suivant la formule bien connue de la formation teutonique.

On se retrouve ainsi en terre connue avec le morceau d'ouverture Deutschland, hymne où les guitares et le chant de Till chargé d'amertume vis-à-vis de l'histoire de son pays se trouvent propulsés par un arpégiateur classique des années 80 -le morceau Our Darkness de ANNE CLARK en est un célèbre exemple. Le morceau ne réinvente pas la poudre à canon, mais il est tellement efficace et entêtant qu'on a tôt fait de lui pardonner. Radio, le deuxième single, se situe dans la même veine "classique mais efficace", cette fois c'est à une électronique inspirée de KRAFTWERK que les guitares apportent leur force tandis que Till chante avec une nostalgie paradoxale des paroles sur l'interdiction des musiques de l'ouest dans son Allemagne de l'est natale. Sans être tout à fait surpris par ces deux morceaux qui se situent dans la continuité logique du groupe, on a plaisir à les entendre. On ne peut hélas pas en dire autant de certains autres... Car Sex et Tattoo n'apportent quant à eux absolument rien, tant les riffs que l'électronique et même le chant de Till donnent l'impression d'avoir déjà été entendus cent fois dans le metal industriel et ses dérivés, c'est tellement fade et prévisible qu'ils auraient pu figurer sur le dernier album de OOMPH !. Les paroles de Sex sont en plus effroyablement plates. Et la seule vraie ballade de l'album, Diamant, ne fait pas vraiment mieux, sorte de version discount de Ein Lied... Autant LIFAD se montrait téméraire en tentant d'évoluer vers un style qui ne réussissait guère au groupe, autant cet album souffre d'un manque de prise de risques. Même un Was Ich Liebe qui semble au début prometteur se voit gâché par le retour du groupe à ses vieux réflexes arrivé au refrain. Le cas de Ausländer est à part, sorte de parodie de dance-metal dont l'intérêt est plus trollesque que musical.

Fort heureusement, le groupe se montre plus surprenant sur d'autres morceaux. On s'en rend compte dès la troisième chanson Zeig Dich, fille illégitime de la passion destructrice de Zerstören et du riff martelé de Bück Dich où le chant de Till merveilleusement noir et l'instrumental brutal et jouissif nous entraînent dans une passion névrosée, même les chœurs pourtant clichesques sont ici bien employés. Mieux encore, l'album comprend des morceaux à l'atmosphère électronique soignée, témoins Weit Weg et surtout la très glauque Hallomann qui conclut le disque, rompant avec la tradition établie depuis Mutter de finir par une ballade ; c'est froid, la voix de Till chante la perversion avec douceur, c'est ce qu'on attend de R+. Et puis, et puis il y a Puppe ! Puppe, cette semi-ballade aux paroles meurtrières d'abord délicatement énoncées par Till sur fond d'un instrumental subtilement inquiétant avant qu'il ne perde la tête pour basculer dans des cris rauques et que le morceau ne sombre dans l'horreur... Le chant de Till nous touche comme un coup de poignard asséné par un être aimé, tant les guitares rugueuses que le clavier hanté sont dignes des morceaux les plus sombres du groupe, les Spieluhr, Dalai-Lama ou Alter Mann, même la construction du morceau échappe un peu à la structure qui corsète depuis trop longtemps ce que fait le groupe. Le seul point de comparaison qui vienne à l'esprit est ce que faisait OOMPH ! sur l'un de ses meilleurs albums, Unrein, mais le chant de Till rend ce morceau meilleur encore. Puppe est le morceau pour lequel on retiendra ce septième album, et pour cela, vraiment, on remercie RAMMSTEIN d'être revenu.

Une fois de plus, ce nouvel album nous laisse donc avec un constat mitigé. On est rassuré de voir que le groupe est toujours capable de nous abreuver de morceaux efficaces et parfois même poignants, et dans l'ensemble, ce septième album fait mieux que LIFAD ; mais on aimerait que RAMMSTEIN se lâche une fois pour toutes et ne nous serve plus que des Puppe et des Hallomann plutôt que de nous faire perdre notre temps avec des Tattoo.