Suicide Commando est passé par bien des phases depuis ses débuts dans les années quatre-vingt-dix. Après deux très bons album ces dernières années sur une note plus lugubre que d'ordinaire (chroniqués dans nos colonnes ici et ici), celui qui a s'est imposé comme l'un des projets les plus populaires et les plus durables de la dark electro nous présente cette année un EP intitulé Final Stage, nom qui renvoie naturellement à son premier album Critical Stage de 1994 ; et en effet, on reconnaît cinq des titres du premier opus, mais ici retravaillés par l'artiste belge, désireux de revenir au noyau de sa musique mais à l'étape de son évolution qu'il a atteinte aujourd'hui.
La recette, pour autant, ne varie pas de ce qui a fait le succès de Suicide Commando : on reconnaît les mélodies simples qui nous obnubilent, les battements inspirés de la techno qui rythment savamment le cauchemar, le chant saturé de Johann Van Roy qui distille lentement ses refrains inquiétants, l'univers mécanique sans échappatoire. Ce qui a changé, en revanche, c'est l'épaisseur sonore : si le son des nouvelles versions est sans surprise de meilleure qualité, ce qui va très bien aux morceaux, il a surtout été largement enrichi en nappes de synthétiseur qui rendent les morceaux plus fluides, parfois aussi en sonorités plus organiques, et le chant devient nettement plus audible que sur les versions d'origine.
Est-ce mieux comme cela ? La réponse est que cela dépend bien évidemment des goûts mais aussi des morceaux. On apprécie Where do we go from here ? [Final stage] pour son efficacité dansante et anxiogène, les coups de poignard qu'elle nous inflige, de même que la version alternative qui figure à la fin de l'EP, De Weg, cette fois sur un texte en flamand -c'est d'ailleurs le premier morceau de Suicide Commando dans sa langue natale ; et pourtant on a tout de même le sentiment d'avoir perdu quelque chose par rapport à la version de 1994, où l'angoisse montait de façon plus lente et sournoise, s'insinuant en périphérie de notre conscience, l'instrumental au premier plan donnant un dimension plus déshumanisée. Suicide Commando réussit en revanche l'exploit de rendre Fate meilleure encore que la version d'origine : très proche de l'originale, Fate [Death is coming ... again!] nous fait retrouver cette menace se rapprochant inexorablement mais en lui ajoutant des samples qui rendent le titre plus vivant, nous donnant l'impression d'être perdu et écrasé par la mécanique implacable. D'une manière générale, l'univers sonore de Final Stage se révèle plus ténébreux et plus poisseux ; les titres gagnent en fluidité et n'en transpirent que davantage la folie. Le sommet est fatteint sur Necrophilia [Body to Body] : là où l'originale restait trop brouillonne, la version Final Stage devient un tube imparable, monstrueusement dansant ; les sonorités aigües ajoutées et l'échantillon de voix en arrière-plan sont glauques et désirables.
Final Stage n'est certes pas un disque où l'on aura été très surpris : on connaît déjà les morceaux et les nouvelles versions s'ajustent au style développé par Suicide Commando ces dernières années. Il n'empêche que la transformation est habile et plaisante.