Chronique | Suicide Commando - Goddestruktor

Pierre Sopor 8 juillet 2022

Une mélodie simple immédiatement mémorable à laquelle se greffent une rythmique agressive et des paroles sinistres, le tout formant un hit culte inoubliable... On croit connaître la formule du succès de SUICIDE COMMANDO, en tout cas depuis les années 2000. Et pourtant Johan Van Roy replongeait son projet dans des ambiances plus malsaines et cauchemardesques avec Forest of the Impaled, paru en 2017. Goddestruktor suit-il toujours cette voie moins rassurante mais tellement plus satisfaisante ?

Avant de chercher à répondre, posons-nous plutôt la question suivante : à quel moment SUICIDE COMMANDO doit-il être rassurant ? Agréable ? Facile ? Van Roy nous expliquait il y a quelques mois en interview que son nouvel album serait dans la continuité du précédent et contiendrait une frustration, une haine et une peur accumulées pendant la pandémie. Tant mieux ! En effet, Goddestruktor attaque fort avec Kill All Humanity (tout un programme) : on en apprécie la rythmique rapide et poisseuse, les nappes de synthés mélancoliques, les samples anxiogènes et les paroles scandées façon Assimilate de SKINNY PUPPY. SUICIDE COMMANDO se rapproche toujours plus des génies déviants de Vancouver et s'éloigne de la froideur clinique et aseptisée qui cartonnait à l'époque de Bind Torture Kill par exemple.

En 2022, SUICIDE COMMANDO est toujours aussi méchant et flippant qu'en 2017, les mélodies n'incitent plus à se déhancher mais hantent des titres empoisonnés comme la menaçante Jesus Freak. La production est plus sale, plus organique même. On sent que Van Roy préfère mettre en avant l'expression de ses sentiments négatifs plutôt que suivre une formule efficace mais parfois un peu trop automatique. Il choisit les nappes électroniques et la voix torturée plutôt que les hits immédiats en trois notes au refrain imparable (God of Destruction, SIN) mais aussi l'agression pure et dure qui envoie bouler les structures trop prévisibles (Destroyer of Worlds, Bunkerb!tch, final intense et possédé). Comme souvent, l'artiste revisite certains titres plus ou moins anciens, ce sont ici la récente I'd Die For You et la moins récente Sterbehilfe qui ont droit à une mise à jour somme toute très classique.

Est-ce une surprise si c'est finalement sur les singles que SUICIDE COMMANDO nous intéresse moins ? Bang Bang Bang déménage et tape fort, très bien, mais manque d'aspérités pour nous y faire revenir autrement que pour remuer la tête sans poser plus de questions. On préfère la mélodie spooky entêtante de Trick or Treat, presque décalée dans son côté horrifique ironique au milieu de tout ce sérieux. Plus inédit, Land of Roses s'oriente vers un terrain plus pop grâce à la voix de Charlotte Nuytkens, gagnante de The Voice en Belgique, et qui apporte un peu de lumière à un ensemble opaque et oppressant. C'est la première fois qu'un morceau original de SUICIDE COMMANDO est chanté par une femme et ce résultat doux-amer fonctionne très bien.

Goddestruktor poursuit bel et bien la voie de Forest of the Impaled et donne l'impression que Johan Van Roy s'est libéré des impératifs tubesques dans lesquels il paraissait s'embourber. Plus agressifs, l'album est peut-être moins atmosphérique et malade que son prédécesseur pour mettre en avant un visage plus rageur. On prend aussi, et avec plaisir.