Chronique | Opera Multi Steel - D'une Pierre Deux Tombes

Tanz Mitth'Laibach 12 septembre 2021

OPERA MULTI STEEL a toujours été une bizarrerie. Survivant de la new wave française, le groupe fondé en 1983 par Catherine Marie, Franck Lopez et Patrick L. Robin associe depuis toujours la modernité de ses sonorités électroniques à une touche médiévale apportée par les flûtes, les chœurs et le chant en français. Il en résulte une synthpop aux ambiances troubadouresques, entraînante et fascinante, à laquelle se mêle le plaisir du kitsch sur ses clips les plus datés !

C'est donc avec plaisir que l'on voit la formation revenir avec un douzième album. On est d'autant plus curieux que l'on devine que ce disque ne sera pas simplement un album de plus : le premier clip L'Après-Mort nous a beaucoup surpris, bien plus sombre que d'ordinaire, et le groupe précise que l'album a été composé après que Catherine Marie, Franck Lopez et Patrick L. Robin aient perdu leurs mères respectives en 2018, d'où le titre ; D'une Pierre Deux Tombes s'annonçait donc nettement moins enjoué que ses prédécesseurs.

Le douzième opus s'avère toutefois moins triste qu'on ne s'y attendait. Il est vrai que l'album est hanté par des nappes de synthétiseur graves, des chœurs fantomatiques et même de l'orgue sur Saint-Siège, que le rythme se fige parfois, comme s'il lui fallait retrouver la force de continuer ; l'atmosphère est lourde. Cela est toutefois tempéré par les rythmes dansants, par le chant qui n'a rien perdu de son énergie, la dérision et le cynisme ou la passion suivant les cas paraissant lui donner la force de continuer envers et contre tout, ou encore par les interventions de la flûte, mélancoliques mais douces et vivantes. Ici, il faut continuer à vivre malgré tout, d'une façon ou d'une autre. Le bruit obsédant d'une pendule à coucou à la fin de chaque morceau, succédant parfois à divers extraits de dialogues, nous rappelle tout de même que le temps passe.

On explore ainsi ce nouvel univers musical, dont les morceaux nous enveloppent agréablement pour un moment. Certains nous marquent davantage : c'est le cas de L'Annonce, entrée en matière dansante à l'énumération pince-sans-rire mêlant "baptême" et "blasphème", mais surtout de Ainsi de Suite avec son rythme brisé et sa superposition progressive de couches de synthétiseur oppressantes et d'une flûte pour une fois bien implacable, ou, donc, de L'Après-Mort que l'on connaissait déjà. Celui-ci est finalement le seul morceau véritablement lugubre de l'album : le chant se brise, les paroles sont amères, le morceau reste figé sur une nappe grave et rugueuse, la boîte à rythme erre sans but. Il faut bien dire que, malgré le nombre de fois que nous avons déjà écouté cette chanson avant la sortie de l'album, elle ne rate jamais son effet, triste et qui pourtant suscite en nous une étrange affection. L'album s'achève sur une citation du Nom de la Rose avant que le coucou ne revienne pour sonner dans le vide, à jamais.

D'une Pierre Deux Tombes aura été un album plus léger qu'on ne s'y attendait et c'est précisément là que réside une part de son intérêt, dans sa capacité à jouer et danser même au milieu de l'atmosphère funèbre ; il apporte ainsi une nouvelle pierre originale et intéressante à la discographie du groupe.