Chronique | Laibach - Also Sprach Zarathustra

Tanz Mitth'Laibach 25 juillet 2017

La seule chose sûre avec LAIBACH, c'est que quoi qu'il advienne, on sera toujours surpris. Figurant parmi les formations les plus vénérables et vénérés de la musique industrielle, le groupe slovène n'a cessé de s'éloigner de son industriel des années 80, proche de TEST DEPT, pour s'adonner à des musiques plus accessibles comme l'EBM ou le metal industriel, sans jamais rien perdre de son génie ; le dernier album, Spectre, en 2014, avait parachevé cette évolution en mêlant EBM et sonorités pop pour en tirer une musique déconcertante, faite d'hymnes et de morceaux dansants à l'atmosphère fantomatique !

Attention, Also Sprach Zarathustra est un changement radical de direction, un virage à 180° non seulement par rapport à Spectre mais aussi par rapport à toute l'évolution du groupe ! Ou plutôt un virage à 360° : car les sonorités de Also Sprach Zarathustra évoqueront d'agréables souvenirs aux nostalgiques des années 80, faites de sifflements, de grincements, de coups sourds, de quelques sobres touches d'électronique, entrecoupées de piano et de passages orchestraux... Envolés les mélodies et les rythmes implacables, Also Sprach Zarathustra est un album bruitiste qui ne manquera pas de décontenancer ceux qui ont connu LAIBACH par ses derniers albums ! Pour autant, les fans de Laibach et Nova Akropola, dont certains ont continuellement grincé des dents pendant que le groupe s'éloignait de ce style, risquent de ne pas être pleinement satisfaits non plus : où sont donc passés les morceaux énergiques à la Die Liebe ? L'album reste très calme -effroyablement calme, même. Quant au chant, vous l'entendrez peu, présent sur seulement la moitié des morceaux et le plus souvent réduit à quelques interventions de la voix caverneuse de Milan Fras.

C'est que Also Sprach Zarathustra doit être pris pour ce qu'il est : une bande originale. Plus précisément, la BO composée pour la pièce de théâtre du même nom, hommage au livre éponyme de Friedrich Nietzsche. Et par voie de conséquence, l'album se montre très contemplatif -il est d'ailleurs proche de Krst Pod Triglavom, autre BO réalisée pour une pièce de théâtre par LAIBACH en 1986 (par charité, on oubliera la BO très passable du film Iron Sky...). Une fois le malentendu dissipé, on pourra apprécier Also Sprach Zarathustra, son atmosphère oppressante, bien plus intimiste que dans les années 80 ; la pesanteur d'un Ein Verkündiger ou de Die Unschuld, les sons évoquant le tribal-indus de groupes comme TZOLK'IN sur des morceaux tels que Von Gipfel Zu Gipfel, le piano au calme inquiétant sur les deux morceaux Nachtlied, la joyeuse déstructuration de Als Geist... Chaque morceau est un voyage à lui seul, apportant une richesse de sons peu commune. Les admirateurs de Mina Špiler, dont l'auteur de ces lignes fait partie, seront peut-être déçus de ne l'entendre que sur un seul morceau alors qu'elle s'était imposée comme véritable frontwoman du groupe avec Spectre ; on se consolera en pensant que c'est le plus beau qui lui a été réservé, Vor Sonnen-Aufgang avec son orchestration de fin du monde, sur lequel Mina chante avec une douceur glaçante... C'est peut-être le plus beau morceau qu'elle ait jamais chanté (notez qu'on peut la retrouver dans le groupe synthpop MELODROM). Les fans de RAMMSTEIN ne manqueront pas de sourire en entendant "Hier kommt die Sonne" ! L'album se termine sur Von Den Drei Verwandlungen, fait de bruits notamment d'avions, qui évoque plus THROBBING GRISTLE que LAIBACH -allez comprendre !

On le voit, comme avec Spectre, LAIBACH ne craint pas de prendre de court ses fans, de la façon exactement inverse ! Il décevra immanquablement certaines attentes, mais le groupe nous livre ici un album très abouti à sa manière, un univers étouffant d'une rare richesse.