Chronique | Kælan Mikla - Nótt Eftir Nótt

Tanz Mitth'Laibach 18 décembre 2018

2018 est décidément une bonne année pour les jeunes groupes de darkwave : après LEBANON HANOVER et SELOFAN -voir ici et ici- c'est donc KÆLAN MIKLA qui sort un nouvel album, le troisième de ces Islandaises actives depuis 2013. Les deux albums précédents étaient plaisants, mêlant une délicieuse froideur à un chant féminin rageur en islandais, et la couverture de ce nouvel opus annonce le meilleur avec ce visage immergé aux couleurs réfrigérantes.

L'illustration est à l'image de l'album, qui nous plonge dans des ambiances oppressantes dominées par un clavier glacial et minimal empruntant à tout ce que la new wave a produit de plus torturé, secondé par une basse lourde et monotone héritée de la coldwave ; on sent que les Islandaises veulent nous fournir cette fois un album plus travaillé, plus immersif, comme en attestent l'introduction Gandreið et l'unité d'atmosphère du disque. Cela fonctionne à merveille, on se laisse couler dans cette eau froide et inquiétante, on frissonne sous l'assaut de vagues électroniques gelées et on se laisse emporter par le chant féminin, tour à tour cri rageur ou murmure mélancolique, glacial et volcanique comme l'est l'île natale du groupe. Naturellement, on ne comprend pas les paroles sauf à avoir étudié l'islandais, néanmoins le trio nous convainc rapidement des vertus musicales de cette langue, plus rugueuse que l'anglais et plus mélodieuse que l'allemand ; en outre, le fait que les paroles ne nous soient pas compréhensibles fait de la voix un instrument de musique à part entière, dont nous percevons l'émotion sans le filtre des mots, ce qui n'est pas sans intérêt, surtout porté par les voix saisissantes de Laufey Soffía et Sólveig Matthildur.

On se laisse donc aisément charmer par ce court album de trente-six minutes, chacun des neufs morceaux ayant son attrait. Il est à noter, c'est suffisamment rare pour le relever, que le disque finit sur ses meilleurs titres : le furieux Andvaka, qui rappelle Kalt, le sobre morceau-titre Nótt Eftir Nótt, le seul où c'est l'instrumental qui est en retrait par rapport à un chant merveilleusement déchiré, et la ballade Dáið Er Allt Án Drauma qui clôt l'album, belle de douceur pluvieuse.

Peut-être manque-t-il encore quelque chose pour obtenir un chef d'œuvre, quelque grain de folie supplémentaire, peut-être cela viendra-t-il plus tard pour KÆLAN MIKLA, mais toujours est-il que le trio réalise avec Nótt Eftir Nótt un très bel album, qui ne manquera pas de séduire ceux qui aiment cette darkwave glaciale renouant avec la coldwave qui a produit tant de belles choses ces dernières années, notamment autour du label Fabrika Records avec qui a un temps cheminé KÆLAN MIKLA, a fortiori pour ceux comme l'auteur de ces lignes qui apprécient particulièrement les voix féminines ; même si c'est paradoxal, il faut donc bien avouer que ce disque a tout pour nous réchauffer le cœur !