Chronique | Dawn of Ashes - Reopening the Scars

Pierre Sopor 17 avril 2024

Il y a deux ans, Dawn of Ashes présentait avec Scars of the Broken une facette plus amère et dépressive de sa musique mélangeant industriel, metal extrême et sens du théâtral. Du côté du projet de Kristof Bathory, le changement de label (il est passé d'Artoffact à Metropolis) ne s'est pas accompagné d'un nouvel état d'esprit : il est désormais temps de rouvrir les cicatrices, Reopening the Scars s'annonçant d'emblée comme la suite directe de son prédécesseur.

Doit-on cependant vraiment parler de continuité ? Il est vrai que Dawn of Ashes n'a pas franchement retrouvé le sourire en deux ans, il suffit d'écouter ce chant guttural, grave, suintant de désespoir pour s'en rendre compte. Pourtant, il est à noter dès l'introduction que l'accent a toujours plus été mis sur les nappes atmosphériques. Kristof Bathory s'est lancé dans des expérimentations dark ambient en parallèle de Dawn of Ashes et ça s'entend : la grandiloquence théâtrale est toujours de la partie mais les ambiances sont plus fantomatiques que jamais, des plages de désolation brumeuse venant apporter au morceau toute leur mélancolie (Anhedonia, Reflection of the Damned) ou hanter des transitions instrumentales lugubres (Lifeless in Misanthropy, The Grey Light). Après avoir touché à de nombreux genres, de l'aggrotech au death metal symphonique, Dawn of Ashes ajoute une corde à son arc et apporte au son une profondeur nouvelle, une touche cinématographique plus soulignée qui crée appuie ce sentiment d'être perdu parmi les ruines d'un monde brisé.

Les synthétiseurs occupent de nouveau plus de place chez Dawn of Ashes : poursuivant la démarche de Scars of the Broken, Reopening the Scars est un album où l'électronique prend le dessus sur les guitares et vient imposer sa froideur clinique implacable. N'allez cependant pas imaginer que DoA fait dans la sobriété et le minimalisme : il y a toujours ce sens de l'épique et du grandiose (Exsanguination), ces borborygmes grimaçants grotesques (How Dead is Your Hope et ses beats hypnotiques poisseux), ces ténèbres rampantes (The Hollowing et ses huit minutes de cauchemar, impressionnant). Dawn of Ashes a toujours le sens du spectacle et de l'orchestration gothique, mais c'est un peu comme si Cradle of Filth, Dimmu Borgir ou Carach Angren s'étaient mis à l'indus et enchainaient dépressions et crises d'angoisse tout en étant perdu dans la froideur du cosmos.

Avec Reopneing the Scars, Kristof Bathory mêle ses souffrances intimes à la démesure d'un décorum fait de science-fiction horrifique et de pures terreurs. Plein d'amertume et de détresse, l'album se pare d'ornements et d'emphase qui, plutôt que de détourner l'attention de la catharsis, ne la rende que plus flamboyante dans sa noirceur opaque.