Chronique | Dawn of Ashes - Infecting the Scars

Pierre Sopor 3 juin 2025

On le sait : l'histoire aime se répéter et il n'est pas rare que la carrière d'un artiste connaisse des phases cycliques. Commencé en 2000 comme un projet aggrotech bien dans l'air du temps, Dawn of Ashes a muté au cours de ses vingt-cinq années d'existence, passant par le death metal symphonique avant de revenir à un mélange entre metal industriel et black metal. Le troisième album de la série des "Scars", initiée avec Scars of the Broken en 2022, marque un nouveau tournant dans la carrière de Kristof Bathory... ou plutôt un demi-tour : Dawn of Ashes annonce revenir à l'aggrotech avec Infecting the Scars ! Vous êtes prêts à retrouver vos looks cyber d'il y a vingt ans et dont il reste quelques photos que vous essayiez jusque-là de cacher ?

S'il n'est pas exclu que le genre, qui n'a jamais réellement disparu, connaisse un revival dans les années à venir dû à la nostalgie, entre retours de vétérans (Unter Null et sa sensibilité unique qui reprend du service, Aesthetic Perfection qui y revient pour fêter les 20 ans de son album Close to Human après avoir longtemps cherché à s'en éloigner) et jeunes artistes influencés par ces vétérans, très vite Infecting the Scars ne semble pas infecté par cette nostalgie. Toujours en mouvement, Bathory n'aime pas la stagnation et les premiers instants de l'album le confirment : en 2025, Dawn of Ashes ne sonne pas comme en 2006. On sent dès la longue introduction que Bathory maîtrise désormais bien plus les subtilités de la construction des morceaux, sait jouer avec la durée et les textures pour créer des atmosphères sinistres. Ses expérimentations dark ambient profitent à Dawn of Ashes et c'est tant mieux !

Plutôt qu'une sorte d'eurodance avec distorsion ou de tecktonik sous stéroïdes, comme le genre peut parfois se caricaturer dans ses pires clichés, Infecting the Scars opte pour une approche sale et méchante où l'intention de l'artiste passe avant les formules dansantes : le morceau-titre, sinistre, prend le temps de nous glacer le sang pour mieux nous chauffer. Dawn of Ashes soigne ses effets et garde cette touche viscérale, ce désespoir poisseux qui donnait à ses derniers albums sa saveur cauchemardesque. Ainsi, même quand les choses s'accélèrent sur Bone Saw, avec Alien Vampires en guest, on ne perd jamais de vue le travail sur les atmosphères glaciales, l'attention portée aux émotions (négatives, bien sûr) insufflées à la musique ou le soin avec lequel les samples viennent étoffer la musique plutôt que de servir d'introduction routinière avant de balancer des gros beats réchauffés.

Si l'étiquette aggrotech vous attirait jusqu'ici, rassurez-vous : les codes du genre sont pourtant bien présents. Dawn of Ashes l'a promis et n'a pas menti, vous trouverez vos nappes de synthés futuristes et théâtrales, vos ambiances infernales, vos mélodies minimalistes creepy, du gros boum-boum agressif piqué à la techno hardcore et des textes scandés avec rage. L'album ne manque pas de moments rentre-dedans (Hypertensive Crisis, Faith Desecration, etc) mais ne perd jamais de vue ses parties plus mélancoliques, plus atmosphériques ou plus menaçantes (Masochism, intense et cinématographique)... comme, finalement, savent le faire les meilleurs. On y danse, mais le son reste dense, affiné, approfondi : l'époque des clones de Suicide Commando et Hocico qui pullulaient sur MySpace est loin !

Il y a plusieurs raisons de trouver satisfaction avec Infecting the Scars : non seulement Dawn of Ashes refuse toute stagnation tout en continuant d'explorer son univers et ses thématiques avec cohérence, mais en plus le projet de Bathory le fait avec intelligence. De la sauvagerie dansante, oui, mais avec panache, soin et personnalité. De la nostalgie ? Bien sûr. Mais sans passéisme figé dans le temps. Vous vous êtes déjà dits que votre vous actuel serait plus apte à faire face à certaines situations passées ? C'est finalement ce que propose Dawn of Ashes avec Infecting the Scars, plutôt que de se complaire d'un paresseux et illusoire "c'était mieux avant", Kristof Bathory mélange la fougue de la jeunesse à son savoir-faire actuel pour, eh bien, rendre sa grandeur à l'aggrotech !

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe