Der Weg Einer Freiheit + Heretoir @ Petit Bain - Paris (75) - 28 septembre 2025

Live Report | Der Weg Einer Freiheit + Heretoir @ Petit Bain - Paris (75) - 28 septembre 2025

Pierre Sopor 30 septembre 2025 Maxine & Pierre Sopor

Les parisiens ont pu le constater : si comme d'habitude, l'automne s'annonce chargé en concerts, on hésiterait presque à laisser notre brosse à dents à Petit Bain. Après Wiegedood et Die Krupps au cours de la semaine qui vient de s'écouler, et en attendant Witch Club Satan dans quelques jours, nous retournions dans le ventre de la célèbre péniche pour retrouver Der Weg Einer Freiheit et Heretoir le temps d'une soirée organisée par Garmonbozia.

C'est toujours avec beaucoup de bonheur que nous écoutons nos camarades prononcer les noms des groupes en attendant l'ouverture des portes et la palme ira cette fois à ce magnifique "Dère Vègue énèrre friihiite" lâché avec aplomb... Allez savoir ce qui énervait les frites ce soir-là, peut-être était-ce le monde car il faut bien dire qu'on a pris un vrai Petit Bain de foule. C'est blindé, étouffant, il fait une chaleur infernale. Ça tombe bien, on va voir du black metal, l'Enfer c'est cool... et si, finalement, on venait de monter à bord de la barque de Charon ? C'était dimanche, c'était le jour du seigneur, les étoiles s'alignaient sur la Seine et bien que les groupes à l'affiche n'étaient pas plus portés sur le blasphème et le grand guignol que ça, on s'assure d'avoir l'air le plus maussade possible alors que les lumières s'éteignent. C'est pas pour la frime, c'est pour l'in-tros-pec-tion.

HERETOIR

La soirée commence avec Heretoir, qui accompagne Der Weg Einer Freiheit tout au long de cette tournée. Le groupe de blackgaze originaire d'Augsbourg, en Allemagne, a fait bien du chemin depuis son premier album éponyme sorti en 2011, et venait nous présenter sa toute nouvelle création, Solastalgia, sortie le 19 septembre dernier chez AOP records. Ce n'est pas la première fois que ces deux là partagent l'affiche puisqu'en 2013 déjà, ils arpentaient ensemble quelques salles en Allemagne, en Autriche, ainsi qu'en Suisse. Nous sommes donc ravis de pouvoir les croiser de nouveau ensemble, d'autant plus qu'il s'agissait de leur première venue en France !

Le set s'ouvre sur les deux nouveaux morceaux qui introduisent l'album Solastalgia, joués dans l'ordre. L'orientation musicale du groupe s'éloigne ici encore un peu plus du black metal et cela se ressent. Les refrains plus apaisés de The Ashen Falls, tout en voix claire, et l'inclinaison de Season Of Grief qui tend vers une teinte beaucoup plus progressive nous dépayse un peu autant qu'elle éveille notre curiosité et nous fait tendre l'oreille vers une certaine élégance. Les titres sont encore inconnus en live et manquent peut-être un peu de pep's pour une entrée en matière, pas forcément aidés par le son de Petit Bain qui tâtonne à trouver le bon mix et manque un peu de puissance en début de soirée. Nous entendons d'ailleurs certains spectateurs tout de suite happés, très enthousiastes et se prêtant au jeu de l'introspection, tandis que d'autres auront plus de mal à plonger dans la vague. Twilight Of the Machine (nous avions adoré Nightsphere, sorti il y a deux ans) arrive alors à point nommé pour que nous puissions chanter un petit peu avec David, dont le chant est poignant de sincérité, et s'envoler dans cette douce mélancolie aux tons acérés dont Heretoir à le secret.

C'est beau et puissant; à tel point que la trop courte durée du set ne nous permet pas d'avoir le temps nécessaire pour nous plonger dans la richesse de cet univers afin de retrouver l'unité recherchée. Le final sur Golden Dust, hypnotisante du début à la fin, est une bouffée d'émotions intense et envoutante qui offre cependant une clôture magistrale à ce premier chapitre. 

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DER WEG EINER FREIHEIT

"Tu crois qu'ils vont jouer Marter ? C'est la meilleure du nouvel album !"... le suspense pré-concert ne dure pas bien longtemps. Le groupe monte tranquillement sur scène au son de The Host of Seraphim de Dead Can Dance, entrée en matière cinématographique qui instaure déjà le décor contemplatif et mélancolique du set à venir. Et puis ils jouent Marter. Parfait ! On étouffe, on n'y voit rien mais c'est pas grave parce que les ténèbres ambiantes ne seront jamais aussi épaisses que nos ténèbres du dedans. Planqué par la pénombre, la fumée et ses cheveux, Nikita Kamprad rugit ses textes entouré de ses camarades. Petit point line-up, tiens, parce que ça remue pas mal du côté de Der Weg Einer Freiheit ces dernières années : Alan Noruspur, bassiste sur Innern, est à la guitare alors que Vincent Padrutt, guitariste chez Nocturnis, est ici bassiste. Point de Nico Rausch, qui a pourtant travaillé sur Innern, ni de Nico Ziska actuellement en pause. Enfin, vu qu'on n'y voyait rien, ça pouvait aussi bien être à peu près n'importe qui à n'importe quel poste ! 

La dernière fois que Der Weg Einer Freiheit avait joué à Paris, c'était en 2023 à Pleyel avant Amenra et Igorrr et leur concert, trop court pour avoir le temps de respirer, avait surtout mis en valeur le visage plus agressif du groupe (souvenirs). Ce soir, on a enfin le temps. En accord avec l'intention du dernier album (Innern se traduit par "intérieur", notre chronique), on a droit à de vraies parenthèses introspectives poétiques qui permettent d'essayer de respirer, de nous perdre un peu dans nos rêveries, avant de repartir de plus belle et nous faire ratatiner par la lourdeur et l'intensité du prochain assaut. Chaque titre semble être l'apothéose du show : à la conclusion théâtrale de Xibalba succède Immortal et son atmosphère feutrée. On fait sans les lamentations de Dávid Makó (The Devil's Trade), mais ça marche quand même très bien. 

La bonne nouvelle, c'est donc que Der Weg Einer Freiheit a beau avoir sorti un album il y a deux semaines, ils n'en oublient pas pour autant leurs titres plus anciens. Le très beau Noktvrn est généreusement représenté mais on se replonge également dans les deux premiers albums avec Ruhe et Vergängnis dont le choix ne nous semble pas anodin : là encore, le groupe opte pour ses titres plus mélodiques, plus mélancoliques, pour mieux nous maintenir dans cette humeur tout en nuances. 

Cela dit, ça envoie sévèrement, n'allez pas croire qu'on n'a fait que regarder le sol avec un air triste. Les musiciens prennent la pose entre les morceaux en brandissant leurs guitares, le public fait les doigts de metal, les chevelus font le ventilateur (aérant ainsi l'audience suffocante), Einkehr déménage quand même furieusement, les incantations de la crépusculaire Eos également, avec son final pendant lequel on n'oserait même pas respirer (si tant est que la chose fut possible au milieu d'une foule aussi compacte)... Il y a un gars pour brailler "I love you Nikitaaaa" pendant un silence, un autre (ou le même ?) pour gueuler "Je comprends paaaas" pendant le sample parlé (en allemand) servant d'intro à Aufbruch... Il fait noir, il fait chaud, il y a des mots avec plein de syllabes comme "introspection"... on comprend que parfois, les métalleux ont besoin d'être divertis et de laisser échapper un peu de pression ! Heureusement, quand arrive la fin du morceau, avec cette voix claire qui résonne entre les murs de Petit Bain, y'a plus personne pour faire le malin. On aurait pu en rester là, conclusion parfaite, mais Forlorn vient en remettre une couche pour nous abandonner dans le noir, hantés par la tristesse de ses nappes de synthé, la puissance des émotions qui tourbillonnent là-dedans, à la fois contenues et étalées comme on s'arrache les tripes.

Est-ce qu'on aurait pu tenir plus longtemps ? Oh, allez, peut-être un tantinet, mais pas beaucoup. La durée du set était parfaite pour que l'on ait bien le temps de plonger en compagnie du groupe sans que jamais notre attention ne s'égare ou leur puissance ne s'essouffle. Nikita Kamprad donne un médiator, ils s'en vont, les lumières se rallument, on sort de cette parenthèse onirique un peu bizarre où l'on s'est retrouvés dans le noir, face aux tourments d'un mec qui crie en allemand mais qui nous a donné l'impression que c'était aussi les nôtres, de tourments. 

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe