Chronique | Ubikande - Ubikande

Tanz Mitth'Laibach 11 février 2018

On avait dit dans une précédente chronique tout le bien que l'on pensait du deuxième EP de UBIKANDE, Mania : avec son atmosphère glacée exprimant la perdition entre réel et imaginaire, le jeune trio français accomplissait un tour de force dans la lignée de la coldwave. Mais avant Mania, en 2015, le groupe avait déjà sorti un premier EP, éponyme, plus court que son successeur. Quand on a pu goûter de la réussite du deuxième disque, difficile de ne pas se demander ce que nous réservait le coup d'essai du groupe !

La première chose qui saute aux oreilles lorsque l'on écoute Ubikande, c'est que cet EP est plus brut que son successeur. On n'y retrouve pas les structures torturées et les impressionnants effets de réverbération de Mania, la chanteuse Cassandre y est plus en retrait ; en revanche, on se retrouve en présence d'un mur de guitares massif et saturé, qui pilonne l'album avec une mécanique implacable. Si les influences industrielles du groupe étaient encore palpables sur Mania, il est ici évident que cet EP doit beaucoup au rock et au metal industriels, un morceau comme Mother sonnant moins comme CRANES que comme THE YOUNG GODS ! Mais après tout, ce n'est pas si surprenant, le bassiste Erwan Ropars venant de DEXY CORP dont nous vous parlions ici. Toute l'originalité de ce disque étant qu'ici, les guitares prennent avec le plus grand naturel leur place au milieu d'un univers coldwave, avec son électronique froide, sa basse pesante et les cris hallucinés de Cassandre, ici en arrière-plan, comme si sa voix n'était qu'un élément parmi d'autres de cet ensemble, un instrument de plus ; dans un tel contexte, la monotonie si industrielle des guitares génère une mélancolie brutale, écrasante.

De ce mariage entre la lourdeur mécanique du rock industriel et la mélancolie coldwave, on retiendra particulièrement deux beaux enfants qui sont Unconcreate et Luseed -c'est à dire de toute évidence lucide, car le thème de la réalité et de ses limites hantait déjà UBIKANDE, et visiblement, la lucidité a pour eux quelque chose de brutal et désespérant ! Mother et Tidal Rave s'inscrivent dans la même veine, mais on se laisse davantage surprendre par le calme Glidescape, où l'on se laisse effectivement glisser dans une atmosphère fantomatique, et plus encore par Jupiter, court et contemplatif, où l'on s'abandonne -la quasi-homonymie combinée à ce sentiment d'abandon face à une puissance supérieure peuvent faire penser, malgré la totale différence d'instrumentation et de longueur, à Jupiter (Or Somewhere Out There) de PROJECT PITCHFORK, à croire que la divinité gréco-romaine et la géante gazeuse homonyme inspirent toujours la même chose dans les musiques sombres !

Ubikande n'est donc pas un simple brouillon de Mania : c'est une variation sur le même thème, celui de la déréalisation, plus brute et plus proche du rock industriel. Et si l'auteur de ces lignes avoue préférer Mania pour ses structures plus développées et la plus grande place prise par le chant, Ubikande est lui aussi digne d'attention. Gageons que la suite de la carrière du groupe le sera au moins autant.