Chronique | Ubikande - Mania

Tanz Mitth'Laibach 24 décembre 2017

Pour qui se souvient avec délice des ambiances glacées et des mélodies lancinantes de la coldwave à l'époque où THE CURE faisait ses preuves, il ne peut qu'être enrichissant de s'intéresser à UBIKANDE : ce trio formé à Tours en 2014 se revendique en effet comme "heavy coldwave" et entend renouer avec la créativité du post-punk ; Mania est son deuxième EP, sorti cette année, dont la couverture chimérique révèle le thème, le jeu sur les frontières entre le réel et l'imaginaire.

Et en effet, le sentiment qui se dégage aussitôt de l'écoute est celui de la perdition dans un univers musical hallucinogène : les guitares et la basse se déploient ici en des murs massifs et distordus, où l'on reconnaît la froideur et l'aspect éthéré de la coldwave, mais sous une forme plus lourde et suivant des mélodies plus mécaniques dans lesquelles on discerne aussi l'influence de la musique industrielle ; dans ce monde résonne la voix de la chanteuse Cassandre Azama-Buxton, bien plus présente que sur le premier EP, qui exprime tour à tour rage et désespoir, perdue au milieu des effets de réverbération. On éprouve l'impression de s'être égaré dans quelque rêve aux couleurs grises et le désir mélancolique de s'y laisser noyer ; UBIKANDE réussit non seulement à nous transmettre ces émotions, mais surtout à en faire un album uni, dans lequel on se laisse immerger.

Il n'est pas aisé de distinguer quels morceaux sont les plus marquants tant l'EP se présente comme un tout uni, dans son thème comme dans la qualité de ses morceaux, c'est l'avantage de ce format court. On peut cependant s'attacher en particulier à Blackout pour son désespoir et sa fin brisée, à Panca qui est plus rythmée, comme emportée par la détresse, ou encore à Sable sur laquelle le chant se fait particulièrement troublant sur fond d'un instrumental austère. Il ne manque pas grand chose à ce disque, si ce n'est peut-être un chant davantage encore mis en valeur ou des mélodies un brin plus accrocheuses, mais l'ensemble témoigne déjà d'une grande maîtrise en plus du talent des membres.

Avec Mania, UBIKANDE ne réussit pas seulement à remettre au goût du jour la coldwave, il la renouvelle sous cette forme pesante et mécanique que les membres qualifient de "heavy coldwave" ; cette coldwave aux relents industriels dans laquelle prend place une voix féminine spectrale n'est pas sans évoquer la formule de CRANES à ses débuts, mais dans une version modernisée et plus agressive. UBIKANDE en tire un très beau disque avec son univers propre, et ce n'est pas donné à tout le monde, loin s'en faut ; à n'en point douter, voilà un groupe qu'il faudra tenir à l'œil !