Chronique | Project Pitchfork - Akkretion

Tanz Mitth'Laibach 2 avril 2018

Qu'on se le dise : l'énergie de PROJECT PITCHFORK est inépuisable. Le trio fondé à Hambourg autour du chanteur Peter Spilles il y a presque trente ans est aujourd'hui l'une des formations les plus vénérables de la darkwave, et non content de continuer à sortir des albums très régulièrement, il semble depuis quelques années se refaire de plus en plus vigoureux plutôt que de s'assagir avec l'âge, enchaînant les albums pêchus et de qualité -voir par exemple notre chronique de l'excellent Look Up, I'm Down There. Et voilà qu'avec Akkretion, sorti cette année, le groupe se lance même dans une trilogie d'albums ! Ce premier volet augure-t-il bien les choses ?

Ce qui est certain, c'est que ce n'est pas avec cet album que PROJECT PITCHFORK va revenir au calme ! Akkretion reprend la formule employée par le groupe depuis Black, à savoir des structures dansantes typiques de l'EBM et de la techno associées à des sonorités plus douces et plus claires qui rappellent plutôt la synthpop, mais il la pousse à son paroxysme : l'album est est construit autour de rythmes imparables, avec cette répétitivité mécanique que l'on aime tant dans l'EBM et la dark electro. Sur ce plan, l'album va encore plus loin que ses trois plus récents prédécesseurs, on n'avait plus entendu un album de PROJECT PITCHFORK aussi musclé depuis Alpha Omega ! Mais il y a mieux : l'album n'est pas seulement très efficacement rythmé, il est aussi très riche sur le plan sonore ; on retrouve avec plaisir des sons industriels plus présents que sur les deux derniers albums, mais qui n'effacent pas pour autant les sons électroniques moins froids auxquels recourt le groupe depuis les années 2000, l'ensemble s'articule parfaitement. Enfin, comme le suggère l'austère pochette noir et argent, cet album connaît aussi un regain de sobriété, moins onirique et plus minimal que les précédents. Bref, Akkretion est l'album qui parachève la réindustrialisation de PROJECT PITCHFORK, que l'on sentait déjà de plus en plus prégnante depuis Black. Et c'est jouissif.

Il est vrai que, passée une introduction angoissante qui n'est autre que le morceau-titre, Good Night Death peut nous induire en erreur avec ses sonorités aigües, mais il fait exception au sein de l'album. On se laissera davantage séduire par l'irrésistible Gravity Waves, petit bijou qui allie à merveille minimalisme industriel, structure dansante technoïde et douceur synthpop, ainsi qu'au redoutable trio formé en deuxième partie d'album par Circulation et son rythme de marteau-piqueur, Ascension dont la rugosité rappelle Titânes et la désabusée The New Day ; c'est imparable et on a hâte de voir ce que ces morceaux donneront en concert !

Mais, si plaisant soit-il, il manque tout de même quelque chose sur cet album. Là où Black avait pour lui deux très belles ballades, Rain et Acid Ocean, on est obligé de constater que les morceaux les plus calmes de Akkretion ne sont pas à la hauteur de leurs prédécesseurs : And The Sky Was Blue et Crossfire comportent certes de belles sonorités, mais ils pèchent tous deux par excès de linéarité, ce qui semble devenir un défaut récurrent des milieux d'albums chez PROJECT PITCHFORK... D'une manière générale, les mélodies sont moins à l'honneur que sur Look Up, I'm Down There ou Blood. Il faut également noter que les paroles donnent l'impression d'être moins soignées et moins intéressantes que d'habitude -c'est accessoire, mais Peter Spilles nous avait habitués à mieux.

Mais ne boudons pas notre plaisir : on a là un album terriblement efficace, où l'EBM et la techno mettent en mouvement une immense richesse de sons, des plus doux au plus âpres, nous entraînant dans leur univers sombre et fascinant. On a hâte d'entendre la suite de cette trilogie !