Chronique | Project Pitchfork - Look Up, I'm Down There

Tanz Mitth'Laibach 29 avril 2017

PROJECT PITCHFORK est un groupe qui a eu plusieurs vies. Depuis 1989, ce trio de Hambourg mené par le chanteur Peter Spilles s'est imposé comme l'une des figures majeures de la darkwave, cette scène née en Allemagne qui rapprochait musiques gothiques et électroniques dans les années 90 sous l'impulsion de GIRLS UNDER GLASS ; à cette époque, on a connu un PROJECT PITCHFORK mêlant musique industrielle dansante héritée de l'EBM et atmosphères gothiques, le tout saupoudré d'une pincée de techno. Puis, au cours des années 2000, on l'a vu adoucir sa musique et recourir à des sons moins industriels, se rapprochant de la synthpop. Enfin, depuis l'album Black de 2013, le groupe semble réaliser une synthèse de ses deux périodes précédentes, réintroduisant des rythmes violents techno et EBM dans un univers sonore plus riche et moins froid que dans les années 90 !

On comprend vite que c'est dans cette lignée que s'inscrit Look Up, I'm Down There. Passée l'introduction douce et onirique qu'est Into Orbit, on enchaîne en effet sur des morceaux répétitifs et dansants, martelés, sur lesquels le chant de Peter Spilles se fait à la fois accusateur et désabusé, les sonorités industrielles forment le cœur de la musique mais quelques sons électroniques plus doux viennent les suppléer, incarnant ce qui se meurt dans un monde fondé sur l'exploitation ; ce sont le rugueux Titânes, le cynique Propaganda Child, le désespéré Blind Eye, Pandora qui fait la part belle au chant, l'instrumental restant quant à lui comme glacé dans ses sonorités industrielles (rassurez-vous, le titre n'est pas une référence à Avatar mais à la première femme de la mythologie grecque !).

Comme souvent, le milieu du disque est plus calme : Look Up, I'm Down There et Volcano sont deux ballades, la première très dépouillée sur l'instrumental, la seconde très pop, marquée par le piano. Ça passe grâce au chant, mais avouons que ce ne sont pas les morceaux les plus intéressants de l'album, Volcano en particulier est trop proche de beaucoup de ballades précédentes du groupe dans les années 2000. Sunset Devastation se veut quant à elle l'héritière d'une longue lignée de morceaux révoltés du groupe depuis Conjure, combinant un rythme rapide et agressif à des sons plus organiques pour donner de l'ampleur au morceau, hélas elle peine à prendre son envol. Fort heureusement, l'album retrouve son souffle avec Open With Caution, Furious Numbers et Exile, trois morceaux légers et entêtants qui lui apportent leur esprit déjanté ! La ballade Sky Eye conclut l'album sur une touche à la fois douce et grave, le chant de Peter Spilles, tout en nuances, faisant une fois encore des merveilles.

Look Up, I'm Down Here s'avère ainsi un album à la fois onirique et vigoureux ; il n'a pas la froideur que l'on aimait dans le PROJECT PITCHFORK des années 90, mais il est aussi plus riche et plus immersif, on se plonge avec plaisir dans cet univers sombre et étonnant. Plus fouillé que Black et Blood qui étaient un peu simplistes, c'est à mes yeux le meilleur album du groupe depuis Daimonion. On n'oubliera pas de jeter un œil au livret des paroles où l'on retrouve les thématiques habituelles du groupe, écologie, pacifisme, féminisme, amour, solitude, toujours écrites avec soin s'agissant de PROJECT PITCHFORK, qui donnent sens à sa musique, celui d'une défense passionnée de la vie. Don't give up your empathy, never stop to ask why, voilà ce qu'on a envie de dire au groupe !