Chronique | Lebanon Hanover - Asylum Lullabies

Tanz Mitth'Laibach 17 août 2025

Mine de rien, cela fait déjà cinq ans que Lebanon Hanover nous avait laissé avec l'album Sci-Fi Sky, sorti à la sombre époque des confinements. À l'époque, on avait été surpris de voir l'esprit blasé que le duo anglo-suisse a hérité de la coldwave s'incarner sur un instrumental plus électronique et plus saturé (chronique). Le monde ne va pas mieux depuis et Lebanon Hanover en a conscience : sorti cet été, son septième album Asylum Lullabies traite selon ses dires de problèmes de santé mentale dans un monde où tout s'effondre en même temps !

Et en effet, Lebanon Hanover quitte sur Asylum Lullabies le rivage de la mélancolie pour sombrer dans le désespoir pur et simple, où les gestes rageurs par lesquels nous essayons de remonter à la surface ne font que nous enfoncer davantage. Sur le plan des sonorités, l'album poursuit l'évolution amorcée avec Sci-Fi Sky en utilisant abondamment l'électronique et surtout en recourant davantage encore à la saturation mais il le fait cette fois avec des morceaux bien plus lourds et grinçants, la réverbération menaçante, la voix douloureuse, la guitare allant parfois jusqu'à nous lacérer férocement. Asylum Lullabies est le disque le plus violent de Lebanon Hanover à ce jour et ce nouveau style lui va bien, l'amertume que l'on connaît au groupe depuis toujours lui permettant de trouver une voie singulière.

Le morceau le plus emblématique de ce virage est bien sûr l'introduction Pagan Ways, fantasme obnubilant de fuite hors du monde, écrasé par la pesanteur implacable de la guitare et la vitesse de ses assauts. On aime davantage encore Sleep, où la voix de Larissa, lourde de menace comme comme l'est cette mélodie traînante, nous conseille de nous assoupir pour oublier que rien ne va ou presque. Le disque culmine dès son troisième morceau Torture Rack, sur lequel le chant écorché de Larissa et un sample métallique dissonant semblent prêts à mourir de solitude sous le poids écrasant de la guitare et de la basse. Ces trois premiers morceaux sont un sans-faute, qui nous laissent avec une légère envie de nous vider de notre sang puisqu'il n'y a apparemment plus rien d'autre à attendre en ce monde.

Cela dit, la métamorphose de Lebanon Hanover sur ce disque n'est pas complète : on trouve ensuite des titres plus traditionnels pour le groupe tels que Frosty Life qui s'inscrit dans une longue lignée de titres neurasthéniques chantés par William Maybelline, l'électronique brumeuse de Waiting List et surtout My Love sur lequel on ne manquera pas danser dans la pénombre. Cela s'articule plutôt bien avec le début de l'album car les trois morceaux semblent être à la recherche de repères auxquels se raccrocher, toutefois il y a quelque chose d'étrange à voir le disque se faire ainsi moins lourd en son milieu. I'm Doing This For You renoue ensuite avec la violence de Pagan Ways en un peu moins rugueux. Et puis surtout, l'album nous surprend une fois de plus par Parrots : grave et solennelle, ce dernier morceau a une ambiance rituelle qui rappelle Come Kali Come sur l'album précédent ; les paroles d'attachement n'effacent pas l'ambiance lugubre, non plus que le rythme binaire qui s'instaure, nous entraînant dans une danse malsaine, assoiffé de quelqu'un à qui se raccrocher... Non seulement les wagons sont raccrochés avec le début de l'album mais c'est un délice.

La seule chose que l'on regrette un peu à propos de cet excellent Asylum Lullabies est donc un léger manque de cohésion en milieu d'album. Du reste, le disque est plus abouti que Sci-Fi Sky, notamment parce qu'il nous offre des tubes qui nous manquaient un peu sur son prédécesseur, Torture Rack et Parrots sont particulièrement réussis. Lebanon Hanover a réussi à changer de style tout en gardant la même force. On savoure cet album et on a hâte d'entendre la suite !

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Tanz Mitth'Laibach

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