Chronique | Krav Boca - Pirate Party

Pierre Sopor 23 mars 2022

Ne vous laissez pas piéger par les couleurs de la pochette et les masques façon lucha libre : KRAV BOCA ne plaisante pas. Ni avec sa musique, Pirate Party arrive moins d'un an après Barrikade, ni avec le propos : radicaux dans leur démarche, intègres jusqu'au bout des dents, KRAV BOCA enchaîne les concerts illégaux et s'auto-éjecte de plus gros événements proposant des groupes aux valeurs incompatibles avec les leurs. Et pourtant, Pirate Party, en téléchargement gratuit sur bandcamp, est un aussi hommage à la fête, libre, affranchie de règles quand celles-ci n'ont plus de sens.

Collectif punk / rap / metal avec mandoline, KRAV BOCA suinte de rage et d'énergie et nous plonge dans un univers de free-party avec son Intro aux riffs mordants et kicks technos qui réveillent. On se laisse vite séduire par la variété des sonorités issues de la musique DIY contestataire (punk, rap, rave), entre les gros riffs énervés et les flows des divers guests et leurs paroles ciselés et percutantes, les sensibilités du sud de l'Europe et du nord de l'Afrique (marocaines, espagnoles et grecques avec notamment ACAB - pour "Athens Calling Athens Burning", Eclipse et son spleen bien lourd ou Signal et son ambiance menaçante). La petite touche parfois enjouée, parfois mélancolique, qu'apporte la mandoline donne aux titres une saveur méditerranéenne et un supplément de poésie qui permet à KRAV BOCA, une nouvelle fois, de se distinguer. Pirate Party est un album puissant, furibard, bariolé et généreux, le genre de disque qui donne envie de monter le son au fur et à mesure de l'écoute tout en balançant des trucs sur des machins pour faire plus de bruit : l'intense TN punx tabasse fort, la pesante Abyss avec ses guitares écrasantes, ses hurlements viscéraux et ses guitares dissonantes a quelque chose d'apocalyptique... C'est d'ailleurs dans cette veine plus sombre que l'on préfère KRAV BOCA (on ne va pas se réinventer, hein), quand le son nous oppresse et explose. Tant mieux : comme on le disait plus haut, le groupe n'est pas là pour rigoler et le morceau-titre en conclusion renoue avec la tension furieuse héritée des scènes techno et punk, répondant au premier morceau de l'album. Méchant, incisif, tendu, direct : on transpire la mâchoire serrée, le sourcil froncé.

KRAV BOCA a beau mordre, aligner les coups de gueule et gueuler toute son urgence, Pirate Party déborde aussi de vie, d'énergie, de générosité, d'envie de partager toutes ces émotions qui bouillonnent avec un public turbulent. Le groupe passe au cent à l'heure avec son album-tornade et, plutôt que de nous laisser sur le bord de la route, nous donne envie de cavaler à ses côtés.