Chronique | Vigilante - Opacities

Pierre Sopor 22 mars 2022

VIGILANTE agit sous les radars depuis 2009, sans réseaux sociaux, sans label. Ce one-man band basé dans la région de Lyon préfère l'ombre, les dessous de pont glauques et odorants, les sorties de route oubliées, les carrousels qui pourrissent sous la pluie : c'est là que les "déchets industriels" de ce projet inspiré par le metal indus et le thrash fleurissent le mieux, dans la fange, les ténèbres et les recoins les moins glorieux de notre âme.

Opacities fait suite à Zero Summons sorti en 2019. Dans sa version physique, il contient huit morceaux de plus que ceux proposés sur bandcamp : de quoi se pencher vers l'édition concrète pour prolonger le cauchemar proposé, car c'est bien de ça qu'il s'agit. Les boucles répétitives aliénantes nous tirent vers un univers infernal et dément qui pue la maladie, la folie, le malsain. La production homemade rend d'ailleurs tout à fait justice à cet univers sale, effrayant et suintant où l'humain ne se manifeste que sous la forme de borborygmes bestiaux. La petite touche si spéciale de VIGILANTE vient de cet orgue qui apporte tantôt une touche théâtrale (l'intro de Used Condom Parks, The Gemini Split), tantôt l’ambiguïté malsaine de l'orgue de barbarie, entre peurs enfantines et cirque infernal (Not Human). Ses notes haut perchées donnent un aspect frénétique, un supplément de folie et de malaise et viennent se heurter à la rugosité du chant, des guitares, de cette basse épaisse (Death Tempo at Bleach Café, pas loin du doom / death).

Opacities n'est pas là pour vous faire danser, Opacities est un album flippant et dégueulasse aux mains sales, au sourire grimaçant, aux ricanements déments. VIGILANTE est d'une cohérence dans sa démarche, pertinente, de proposer une œuvre qui n'est pas là pour luire ou briller et nous plonge dans un labyrinthe nauséabond de délires hallucinés et d'angoisse. Nous, on ne va pas s'en plaindre.