Chronique | GosT - Possessor

Pierre Sopor 12 avril 2018

Et si on commençait par enfoncer bien fort des portes grandes ouvertes ? GosT divise. Entre ceux qui y voient un clône de PERTURBATOR, ceux qui trouvent les frasques de l'auto-proclamé "maître de la slasherwave" brouillonnes et bruyantes et ceux qui, au contraire, adhèrent à son univers, il faut bien admettre que le poulain du label Blood Music polarise les avis. Avec Possessor, il annonçait avoir composé son album le plus brutal. Très bien : voilà qui promet un disque plus clivant encore, alors que les derniers CARPENTER BRUT et PERTURBATOR ont également surpris leurs fans et qu'un paquet de nouveaux projets prometteurs apportent un vent de fraîcheur à la scène synthwave (ELEVN, HOLLYWOOD BURNS, etc...). 

C'est donc dans ce contexte de remise en question d'un mouvement en quête de second souffle que GosT débarque avec ses gros sabots pour affirmer son identité. L'intro est lugubre : avec ses témoignages, ses cris de possédés, ses cloches sinistres et ses dissonances parasites, le morceau-titre s'éloigne déjà bien des couleurs criardes qu'on associe d'habitude au genre. Pas de synthé légèrement kitch ici, mais une odeur de mort et une ambiance démoniaque planent d'emblée. La surprise la plus radicale intervient au moment de lancer Garruth : avec ses borborygmes et sa boite à rythme façon marteau-piqueur, le morceau lorgne plus vers le black-metal que KAVINSKY. Tant mieux. Une fois le choc initial passé, une mélodie menaçante se met en place avant un final à nouveau chaotique. Le morceau n'a pas duré trois minutes et on se demande déjà ce qu'on vient d'entendre. On ne sait pas si c'est original ou juste arbitraire, si c'est fou ou pénible, mais l'énergie dégagée est indéniable. Sur The Prowler, on se dit qu'une vraie batterie en live apporterait sûrement un gros impact au morceau : bien que plus classique, ça reste très énervé, à la limite du bruitiste pendant deux minutes et demi avant de devenir plus léger et qu'une tendance se dessine : sur Possessor, GosT compte nous surprendre perpétuellement et secouer son auditoire pour le garder en état de curiosité perpétuel. Ou bien vous en avez eu assez et, agacés, vous avez déjà arrêté d'écouter.

Sigil confirme que l'album est plein de surprises : il y a du chant et ce n'est pas un guest. James Lollar donne de sa voix grave et claire, ça sonne très goth et on regrette presque qu'une guitare ne vienne pas accentuer le côté batcave du morceau. Après la frénésie des titres précédents, ça fait du bien, surtout avec ce refrain tubesque qui reste en tête. Un tiers de l'album est passé et il faut bien admettre que jusque là GosT se tient loin des sentiers battus. Beliar en remet d'ailleurs une couche dans l'influence black-metal et l'énergie chaotique. L'intro et la conclusion du morceau sont des invocations démoniaques sauvages et violentes dignes d'EMPEROR, dont l'intensité est malheureusement atténuée par une accalmie en plein milieu pas forcément des plus heureuses. L'ambiance infernale et poisseuse de Possessor, entre les samples, les cris, les gros blasts et la folle frénésie de morceaux comme Shiloh's Lament est indéniablement son point fort. Hélas, l'ensemble est souvent flingué par cette tendance à changer de registre brutalement. On est surpris la première fois, mais sur la durée Possessor semble parfois manquer de cohérence et s'apparente à un collage arbitraire d'idées (n'est pas IGORRR qui veut en matière de patchwork), comme si son auteur avait voulu tout mettre dedans d'un coup, sans se canaliser... Ou pire, n'avait pas osé aller au bout de sa démarche en proposant un album réellement sauvage de bout en bout, plus sale et organique. Malum, faisant écho à Sigil en début de disque, en est d'ailleurs une belle illustration : ce chant clair et cette ambiance plus posée qui débarque entre des titres particulièrement violents ne sont pas désagréables en soi, mais cassent un peu le rythme et la cohésion d'ensemble. Heureusement, Commandment est plus radical dans ses choix et conclue l'album en beauté, avec un son de cloche renvoyant à son introduction.

Alors que la messe noire promise par GosT touche à sa fin, on ne sait pas trop quoi penser de ce voyage mouvementé. Dans toutes ces turbulences, le projet semble s'être enfin trouvé une identité forte en tendant vers une musique toujours plus extrême. Et pourtant, trop souvent, Possessor reste le cul entre deux chaises ou donne l'impression d'avoir été fait de manière impulsive, sans prendre de recul. Ce qui n'est pas forcément un défaut : l'énergie qu'il dégage est réelle, malgré l'impression d'écouter des morceaux parfois finis à la va-vite en y balançant des sonorités contradictoires. Néanmoins, Possessor est largement l'album le plus intrigant de GosT, le plus intéressant aussi. On espère voir l'artiste poursuivre dans cette voie, car jamais jusqu'à présent sa musique s'était autant démarquée.