Chronique | Ghostemane - ANTI-ICON

Pierre Sopor 17 novembre 2020

Il n'a pas encore trente ans mais a déjà sorti une bonne dizaine d'albums en moins de sept ans : Eric Whitney, alias GHOSTEMANE, est un artiste difficile à suivre. Il y a quelques mois, il sortait un EP de black metal atmosphérique et aurait dû jouer au Hellfest l'été dernier. On peut désormais jeter une oreille à ANTI-ICON, successeur du très violent N/O/I/S/E, dont on ne savait pas trop quoi attendre.

Productivité et remise en question ne sont pas incompatibles : celui que l'on étiquette encore comme "rappeur" ne tient pas en place et ne stagne jamais. ANTI-ICON en est la preuve et n'est ni une redite de son EP de black metal ni de son précédent album. GHOSTEMANE pousse toujours plus loin le mélange entre rap, trap, metal et industriel se rapprochant désormais plus de MINISTRY à grands coups de riffs crasseux ou des délires bruitistes de NINE INCH NAILS (hurlements d'écorchés en prime sur Hydrochloride) que des $UICIDEBOY$. Un peu à la manière d'un autre dadais se planquant derrière des tartines de maquillage et une aura sinistre (il emprunte d'ailleurs à Marilyn Manson quelques postures et croassements so dark), Whitney mélange les influences et décloisonne tout ça en un joyeux foutoir ultra-violent particulièrement glauque sans oublier de faire résonner quelques grosses basses (AI).

Parce que GHOSTEMANE, ça ne rigole pas. Certes, en associant son flow rapide et ses beats accrocheurs à des guitares particulièrement agressives (Sacrilege et ses riffs doom qui viennent tout casser), il pourrait donner l'impression de rendre un genre accessible à un autre. Ne soyez pas dupes, ANTI-ICON ne fait pas dans l'easy-listening. Les titres s'enchaînent à toute allure, l'ambiance y est malsaine de bout en bout (Anti-Social Masochistic Rage associe mélodie lugubre, rythmique industriel, black metal et immondes bruits de gorge) et si l'album est plus mélodique que son prédécesseur, c'est pour en décupler la puissance et les rares accalmies y sont déprimantes et lugubres (Melanchoholic, avec son clin d'oeil à MAYHEM, ou encore Falling Down).

Bien plus méchant que DEATH GRIPS et plus effrayant que les punks de HO99O9, GHOSTEMANE a parfaitement su mélanger son rap sudiste à ses influences occultes, gothiques, metal et industrielles, assumant pleinement son goût pour les machines cauchemardesques et les guitares qui font mal. ANTI-ICON est un album noir et sauvage, bruyant, dérangé, dégueulasse et particulièrement jouissif dans ses excès crasseux et ses postures outrancières.