Chronique | Dirty Shirt - Letchology

Pierre Sopor 27 février 2019

Album après album, les roumains de DIRTY SHIRT continuent de peaufiner leur son, irrésistible tornade faite d'un goût prononcé pour le gros metal qui envoie et la fiesta à la sauce balkanique. Mais limiter DIRTY SHIRT à du folk-metal Roumain serait d'une tristesse criminelle. Avec Letchology, la bande compte bien prouver une fois encore toute la démesure de sa soif de vivre et de sa folie et confirmer tout le bien que l'on pensait du précédent effort, le dément Dirtylicious.

C'est d'ailleurs à la manière de son illustre prédécesseur que démarre Letchology : avec une instrumentale balancée au 300 à l'heure, frénétique et festive. DIRTY SHIRT, c'est une troupe officiellement composée de huit musiciens, qui s'est agrandie de deux nouvelles voix depuis le dernier album, mais à laquelle il faut encore ajouter le Transylvanian FolkCore Orchestra qui se joint à la fête quand la situation le permet. Plus on est de fous, plus on rit. Les cordes du violon nous plongent instantanément dans cette ambiance à la Chat Noir Chat Blanc de Kusturica, où l'on pousse les tables pour jongler avec des grenades. Stéréotype ? Allez écouter Pălinca, ses exclamations enjoués, sa rythmique frétillante et ses gros blasts assassins et venez nous dire qu'on a tort. Vous avez déjà fait la fête dans les balkans ? Épargnez-nous vos bobards : si c'était le cas, vous seriez mort d'épuisement. La démesure qui nourrit Letchology n'a d'égal que sa folle énergie qui possède littéralement chaque morceau.

Cet album est un cirque fou et ce n'est pas pour rien si Put it On ou Killing Spree ont des petits relents de Danny Elfman dans leurs couplets bondissants. On vous disait que les influences étaient variées, et entre les côtés jazzy de Fake ou les couplets rappés de Starea Naţiei, DIRTY SHIRT fait voler en éclats les clichés du folk-metal et ses binious de tavernes. Les ruptures de rythme, les nombreuses voix et chœurs, les gros coups derrière la tête que nous collent au bon moment des guitares bien méchantes : tout cela contribue à l'efficacité de Letchology et son côté fédérateur, inclusif : tout le monde est invité à la fête. Les morceaux sont courts, pour augmenter plus encore leur impact, l'album défile sans qu'on n'arrive à suivre et surtout, sans qu'on ne puisse s'en lasser. Il n'y a guère que le sample de Donald Trump sur l'intro plus angoissante de Hora Lentă, quelques sublimes chants plus mélancoliques ou riffs particulièrement lourds pour assombrir un tableau globalement rigolard et solaire, garantissant la variété de l'ensemble.

DIRTY SHIRT continue sa route, s'affranchissant toujours plus de toute forme de règles chiantes, motivé par une envie dévorante de se lâcher : Letchology a beau partir dans tous le sens, il est un album d'une cohérence irréprochable et à la production impeccable. Surtout, c'est une oeuvre d'une originalité folle et d'une générosité incroyable. Put it on !