Chronique | Combichrist - CMBCRST

Pierre Sopor 14 mai 2024

Combichrist s'est rarement autant fait désirer : One Fire date déjà de cinq ans, cinq années pendant lesquelles la bande d'Andy LaPlegua nous a fait mariner avec des singles émiettés depuis 2021. Les sales gosses sont enfin de retour pour de bon avec CMBCRST qui devraît, comme il est d'usage, agacer bon nombre d'esprits chagrins qui l'écouteront en cachette quand même. Combichrist a toujours divisé, que ce soit par son approche musicale de gros bourrins un peu préhistoriques ou son évolution vers un son plus metal qui a perdu quelques anciens en route pour gagner de nouvelles cohortes prêtes à pogoter frénétiquement.

One Fire réussissait cependant à unir les divers facettes de Combichrist tout en ouvrant quelques portes surprenantes. Si Children of Violence donne momentanément l'illusion que son successeur sera plus électronique et surprenant, malgré des riffs d'une lourdeur pachydermique, il n'en est rien. CMBCRST est un album sauvage, sûrement le plus agressif de Combichrist. On s'en rend vite compte avec D is for Demonic : un sample parlant de cultes adorateurs de Satan qui sacrifie des bébés, une orientation thrash / punk à la Ministry et un final qui lorgne même vers le black metal, pas de doute, Combi ne fait toujours pas dans l'avant-garde et la sur-intellectualisation.

Il faudra probablement à CMBCRST quelques temps pour être apprivoisé : ses singles, déjà familiers, font plus facilement mouche. Not my Enemy et ses auto-citations qui brassent large dans la discographie du groupe, la déjà indispensable Compliance et ses sinistres menaces sur une rythmique martiale qui fait toujours son effet, le rouleau-compresseur Heads Off, Planet Doom et son rythme effréné ou les beats de Modern Demon appellent à nos instincts les plus bestiaux et fonctionnent très bien, mais on a eu le temps de les assimiler et, surtout, de les voir en live. C'est là que Combichrist s'apprécie finalement le plus et des titres comme Only Death is Eternal, Through the Raven Eyes et ses refrains venus des abysses, Wolves Eating Wolves ou Sonic Witch et son groove lugubre nous chopent déjà immédiatement par la nuque, faisant miroiter de belles promesses de fiesta en concert. Andy beugle comme un possédé, c'est très énervé et cette violence cathartique totalement outrancière et débridée est forcément très fun.

Il se dégage cependant une drôle d'impression à l'écoute de CMBCRST : on ne s'y amuse pas autant qu'on l'espérait. On a beau apprécier les fréquents clins d’œil horrifiques que fait le groupe, présentant son album comme un grand exorcisme démoniaque dont l'ambiance de série B est souvent appréciable, et on ne peut que constater que leurs penchants plus metal sont bien mieux maîtrisés que sur les trop brouillons No Redemption et This is Where Death Begins, il nous manque une étincelle de folie. Les idées sont là, rappelant que Combichrist peut aussi expérimenter vers des directions inédites (on adorerait les voir assumer cette bizarrerie plus souvent, comme par exemple la psychédélique Children of Violence ou cette mélancolie qui s'incruste dans Violence Solves Everything), mais peut-être diluées dans des morceaux trop longs, ou qui donnent l'impression de redites (l'accalmie Northern Path surprend moins après Bottle of Pain sur le précédent album et dont les accents épiques étaient plus étonnants). On a connu Combichrist à la fois plus bizarre et plus fédérateur. On a parfois l'impression que c'est en nous matraquant la gueule que Combichrist a prévu de nous faire danser et tout ce tapage, toute cette fureur, toutes ces guitares et cette noirceur étouffent finalement un peu l'impact des percussions : on y perd la simplicité jouissive du gimmick identifiable. Il manque peut-être juste à l'album un hymne supplémentaire, simple mais imparable, à brailler en chœurs comme des zombies lobotomisés.

Cependant cette impression est peut-être biaisée par le fait que presque la moitié de l'album était sorti en singles, dont la plupart sont d'une efficacité redoutable. Là encore, c'est sur scène qu'il faudra juger : avec le charisme assez unique de ses musiciens, Combichrist réussira sûrement à nous communiquer cette petite touche de pur fun qui, pour l'instant, semble moins présente. On ne peut cependant pas reprocher à la troupe de retenir ses coups ni de stagner : son metal industriel évolue, se modernise, emprunte aussi bien au metalcore qu'au metal extrême et est techniquement plus abouti que par le passé. Oui, CMBCRST contient son lot de gros parpaings et oui il a du potentiel : on attend désormais de le voir exploser sur scène !