Chronique | Collection d'Arnell-Andréa - A Forest Inside

Tanz Mitth'Laibach 14 novembre 2023

Nous avions laissé Collection d'Arnell-Andréa au milieu des hivers de l'an 2019, avec l'album Another Winter (chronique) puis sa version remaniée A Recrafted Winter (chronique). On voyait alors la formation historique de la coldwave et de la darkwave néoclassique françaises se diriger vers une musique à la fois plus électronique et plus calme, avec toute la maîtrise dont le groupe a fait la preuve au cours de sa longue carrière. C'est donc avec plaisir et confiance que l'on voit Collection d'Arnell-Andréa sortir un douzième album cette année, intitulé A Forest Inside.

Cette fois, les conditions matérielles sont un peu plus complexes : le label Trisol a bien publié A Forest inside sur les différentes plate-formes (iTunes, Spotify, Deezer...) mais pour une sortie physique en CD et vinyle, il faudra attendre mars 2024, respectivement chez les labels Infrastition et Meidosem Records. Mais enfin, ne différons pas : allons immédiatement écouter à quoi ressemble A Forest Inside !

Eh bien, surprise : si le nouvel album est résolument électronique comme ses prédécesseurs, il est en revanche aussi éloigné que possible de leur calme ! A Forest Inside est un album dansant, mené par la boîte à rythmes et les boucles du clavier, qui nous écrase parfois de sonorités saturées ; on a déjà entendu des morceaux électroniques dansants chez CDAA (le remix de Les Cendres-Lisière, I Can't See Your Face...) mais jamais autant sur un album ! C'est également, contrairement à ce que les couleurs de sa pochette suggèrent, le plus sombre depuis The Bower of Despair -il partage d'ailleurs avec ce dernier des textes entièrement en anglais. La forêt est tourmentée, elle nous immerge dans nos ténèbres intérieures à mesure qu'elle s'étend, férocement invasive ; au milieu d'elle, les sons plus graves et réconfortants du violoncelle et de l'alto nous apportent leur respiration le long de riffs plus longs, plus vivants ; le chant de Chloé, à la fois fantomatique et chargé d'émotions, atteint notre cœur au milieu de la forêt.

Le résultat en est un disque riche et original, mêlant le néoclassique à une électronique parfois très dancefloor. C'est une prise de risque, et il est vrai que l'on est d'abord un peu dubitatif devant un Pieces of Rain, qui pousse très loin le contraste entre le chant éthéré de Chloé Saint-Liphard et une électronique rapide aux accents clubby, toutefois la qualité du refrain fait qu'on finit par s'attacher à cet étrange morceau. Waiting For Meaulnes sonne encore plus électro : cette fois, le groupe nous plonge dans un enchevêtrement de boucles hypnotiques où le chant de Chloé lui-même se déforme, ce à quoi l'on ne s'attendait guère sur ce titre faisant référence au roman d'Alain-Fournier ! À l'exact opposé, on goûte également les morceaux plus calmes Snowdrops In A Grove, My Heart, A Storm qui présente la particularité d'être chanté par Jean-Christophe d'Arnell et A Forest inside, somme toute assez proches d'Another Winter. Le dernier morceau Lichen on My Name -que l'on aime ce titre !- est un cas à part, curieusement léger et entraînant à sa façon serpentine, on se plaît à suivre son cheminement.

Cependant, ce que l'on aime le plus sur A Forest Inside, ce sont ses morceaux qui sonnent les plus electro-indus. L'entrée en matière The Colour of Your Mind, lourde et anxiogène, nous emplit immédiatement de joie, de même que les différents morceaux qui nous dévorent de leurs rythmes mécaniques contrastant avec la mélancolie des instruments classiques -Realm of Memories, Longing For A New Spring, et surtout A Chapel of Rest, puissamment chargé de nostalgie. C'est encore l'ombre de l'electro-indus qui plane sur l'excellente Fading in Time : on croit avoir affaire à une longue perdition douce-amère avant que le morceau ne se fasse brusquement oppressant arrivé au pont. Enfin, un tube se dégage dès la première écoute : A Blackbird in a Dark World. Répétitif, hanté par la guitare agressive et le chant obsessionnel de Chloé sur fond de nappes glaciales et de réverbération, c'est le morceau le plus noir de l'album, comme on s'en doutait à son titre ; on est aussitôt sous le charme.

A Forest inside est donc un régal. Il est souvent difficile de situer un album de Collection d'Arnell-Andréa par rapport aux autres, nombre d'entre eux peuvent être qualifiés de chefs d'œuvres à leurs façons. On se contentera donc de dire que cet album sombre et dansant nous apporte exactement ce dont on avait envie de la part de Collection d'Arnell-Andréa, et qu'on les remercie pour cela. On attend avec impatience le disque, le livret des paroles et de voir ce que tout cela donne en live !