Chronique | Collection d'Arnell-Andréa - Another Winter

Tanz Mitth'Laibach 15 mars 2019

Avouons-le, on ne s'attendait pas à un nouvel album de COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA ; après nous avoir fourni plusieurs chefs d'œuvres entre coldwave, néoclassique et électronique, le groupe français fondé en 1986 paraissait doucement s'éteindre depuis Vernes-Monde, ne revenant plus que pour des concerts rares et merveilleux. Voici pourtant Another Winter, le disque que l'on n'attendait plus, impromptu et excitant comme de se réveiller sous la neige lorsque l'on habite à Nice.

Cette fois, c'est donc à l'hiver que COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA rend hommage, à l'endormissement de la nature, qui pour le claviériste et parolier du groupe Jean-Christophe d'Arnell évoque le passage dans le coma puis la mort, comme il le dit lui-même ; les paroles traitent donc avant tout du deuil, du dépérissement et de la vie en suspens, de tout ce qui se fane et se flétrit. Comme souvent avec CDAA, l'ambiance n'est pas à la fête ! Cependant, le groupe se garde bien d'en faire trop, mettant le sujet en musique avec une retenue d'autant plus touchante : Another Winter est un album dominé par une électronique calme et minimale, qui nous entraîne doucement dans sa mélancolie en compagnie du piano, parfois avec l'appui du violoncelle et de l'alto qui apportent leurs sonorités organiques ou celui de la guitare pour les morceaux les plus rock -fait nouveau, ces instruments ne sont plus systématiquement présents, intervenant ponctuellement. C'est dans cette ambiance à la fois douce et triste qu'intervient la voix somptueuse de Chloé Saint-Liphard, qui est cette fois d'une résignation calme et fascinante, son timbre si aigu allant droit au cœur.

Si le disque s'inscrit dans la lignée des albums les plus électroniques de COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA tels que The Bower of Despair ou Exposition, Eaux-Fortes et Méandres, il est en revanche beaucoup plus posé qu'eux, l'un des plus calmes du groupe, préférant une lente et implacable déréliction aux émotions soudaines. Il se distingue également par la qualité et la modernité du son, extrêmement riche et subtil comme aucun album de CDAA n'en a bénéficié jusqu'à présent, permettant d'affiner notre ressenti ; le groupe tire ici le meilleur parti possible des moyens techniques actuels, et l'on est impressionné de voir qu'à cet égard, l'album pourrait tout aussi bien venir d'un jeune groupe darkwave, d'autant que le renouvellement des sons du synthétiseur est spectaculaire, plus rien n'évoquant les années 80 (ce qui n'est pas le moindre des paradoxes lorsque des jeunes groupes comme LEBANON HANOVER s'acharnent justement à y revenir !).

Another Winter est donc un coup de jeune pour CDAA, qui nous permet de découvrir une nouvelle facette du groupe. Si l'album brille comme ses prédécesseurs par sa cohésion, on en retiendra particulièrement l'amertume désespérée de Pangs of Severance, la fantomatique et entêtante The Grief of Waves, le morceau le plus tubesque de l'album, The Shade of a Flower qui est le plus triste, faisant la part belle au violoncelle et à l'alto avec pour une fois Jean-Christophe d'Arnell au chant, Les Périssoires pour sa magnifique articulation entre la froideur du synthétiseur et la douceur du piano ; chacun des morceaux a de toute façon sa poésie particulière, d'autant que l'instrumental n'a jamais été aussi varié et que les paroles n'ont rien perdu de leur force.

On est certes en droit de regretter les morceaux les plus déchirés du groupe, ce nouvel opus ne fournissant guère de successeurs à Comme un Marbre de Roses ou I Can't See Your Face, mais de toute évidence, cela n'aurait pas été dans l'esprit de l'album, qui est extraordinairement abouti. Ce retour inattendu de COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA est un ravissement, d'une mélancolie calme et saisissante comme une promenade dans une forêt enneigée.