Chronique | Collection d'Arnell-Andréa - The Bower of Despair

Tanz Mitth'Laibach 19 décembre 2017

C'est peu dire, que COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA est une curiosité. Entre ses titres à la poésie bucolique et sa musique mêlant d'authentiques instruments classiques à un rock mélancolique d'inspiration coldwave et goth-rock, ce groupe orléanais détonne au milieu de la scène gothique ! Depuis sa création en 1986 par le claviériste Jean-Christophe d'Arnell et la chanteuse Chloé Saint-Liphard, il s'est affirmé comme une valeur sûre du néoclassique gothique, dans un style plus terrestre et plus incisif que ses compatriotes de DARK SANCTUARY, au fil d'albums dont les plus remarqués furent les magnifiques Les Marronniers (1992) et Villers-aux-Vents (1994). L'album The Bower of Despair, paru en 2004, est lui-même une curiosité au sein de la discographie de COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA, et à sa façon, un chef d'œuvre.

Car comme l'indique sa pochette noire, The Bower of Despair est le plus sombre des albums de COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA. Axé sur le thème de la mort et des regrets (oui, c'est gai), le disque est hanté par des atmosphères oppressantes, où des nappes de synthétiseur glaciales ainsi qu'une basse lourde et menaçante jouent désormais les premiers rôles tandis que le violoncelle et l'alto sont en retrait, formant un arrière-plan grinçant ; la voix fantomatique de Chloé s'inscrit à merveille dans cette ambiance lugubre, une voix qui va droit au cœur, presque aussi aigüe que celle d'Alison Shaw de CRANES mais avec plus de maîtrise dans le chant, délicieusement inquiétant.

Ainsi, la formation orléanaise distille l'angoisse avec une douceur perverse sur des titres dont les plus saisissants sont Before I die, porté par le chant hypnotique de Chloé, et Dark is veiling my dawn avec son électronique glauque dont la montée en puissance nous donne l'impression de sombrer dans les ténèbres tandis que Chloé murmure son envie de se noyer (je vous avais dit que c'était gai) ; on ne manque pas de frissonner, ces morceaux nous plongent subtilement dans un monde sinistre où leur musique fait écho à nos propres peurs et regrets. Mais ce n'est pas tout ! Car, on le découvre dès la deuxième piste, The Bower of Despair n'est pas seulement un album de tristesse et d'angoisse, c'est aussi un album violemment tourmenté ; en effet, on découvre avec stupeur des morceaux entraînants, tout aussi noirs que ceux précités mais bien plus rapides et agressifs que ce que l'on connaissait de COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA, la guitare et surtout la basse prenant le pas sur le clavier et les instruments classiques. Les exemples les plus frappants en sont The spirits of the dead, Doomed to memories et Because your soul -on tutoie le metal gothique sur ce dernier ! Et à ce jeu-là, The spirits of the dead s'avère une merveille : chanté par une Chloé en proie à la terreur et à la folie, servi par un instrumental où le violoncelle et l'alto se mêlent diaboliquement à un rock sombre, le morceau est cauchemardesque, fidèle à son thème fantastique. C'est probablement le chef d'œuvre de l'album et l'un des meilleurs de COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA, doublé d'une véritable tuerie en concert !

Il y a de quoi rester estomaqué : qui aurait cru que COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA, qui a commencé sa carrière par la coldwave neurasthénique de Un automne à Loroy, recelait le potentiel d'une musique si sombre et énergique ? Seuls quelques morceaux tels que l'imparable Comme un marbre de roses ou Les cendre-lisières le laissaient présager ! Le groupe nous offre un disque inclassable mais génial, plus proche de SIOUXSIE AND THE BANSHEES que de DEAD CAN DANCE à qui les Français ont été abusivement comparés (et ce n'est pas faute d'en avoir le talent !). On préférera ici l'étiquette plus plastique de darkwave à celle de néoclassique gothique. S'il est difficile de comparer cet album à ses prédécesseurs tant son style est différent, ce disque est assurément une perle noire, subtilement et merveilleusement inquiétant comme une nouvelle de Joseph Sheridan le Fanu. Une seule chose fait défaut : où est donc passé le français ? Nous ne sommes certes pas privés de paroles touchantes comme Dark is veiling my dawn, mais on ne retrouve plus la poésie de À l'aurore assassine ou Au sacre des nuits, qui jusque-là faisait partie du charme du groupe -cela ne gênera évidemment pas ceux qui le découvrent.

Après cet opus, COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA poursuivit dans la veine darkwave avec un autre excellent album, Exposition, eaux-fortes et méandres (2007), suivi d'un retour aux sources avec Vernes-monde (2010). Depuis, le groupe ne se manifeste plus que par des concerts occasionnels (et formidables), et, quiconque aura entendu ce disque le comprendra, ils nous manquent.