Chronique | Antania - Avidity

Pierre Sopor 10 juin 2023

Antania est né sous le soleil californien dont les puissants rayons ne suffisent pas à dissiper les ombres... On retrouve aux machines Doc Luna, déjà responsable des l'électronique chez Luna 13 et son mélange entre black metal et dark electro. Ici, la recette est assez semblable mais en plus d'un univers plus inspiré par les faits divers sordides et autres meurtres crapuleux que les démons, le casting diffère un peu : au chant, l'inquiétante Kali Mortem a la tâche de nous raconter ses sinistres histoires. Avidity est le premier album du duo.

L'intro pose l'ambiance : samples anxiogènes, quelques mots grognés avec haine, des grosses basses et une batterie empruntée au black metal (bien que Doc Luna n'utilise que synthétiseurs et pédales de distorsions) : Antania aime le glauque et le sale. C'est lourd, on apprécie les notes aiguës qui grincent sur le morceau-titre et contrastent avec les sonorités d'un grave profond, ces petites mélodies sinistres qui accentuent l'ambiance horrifique (les premières secondes de Hello Gloomsday, fête foraine lugubre). L'aspect répétitif donne à l'ensemble un air de rituel, un truc hypnotique au rythme lent comme un destin funeste auquel on ne peut de toute façon pas échapper, propice aux incantations. Cette approche de l'electro dark dépoussière les habituels poncifs des musiques industrielles en les modernisant : les influences bass music, dubstep et metal extrême donnent une texture nouvelle au son, loin de l'aggrotech et ses accents eurodance parfois un peu trop proprets. Il suffit ici d'écouter des titres comme In the Fire ou Angels and Demons et sa touche grandiloquente quais épique pour constater que les ténèbres y sont réellement inquiétantes et intimidantes grâce à une approche massive, monumentale même, et sans complexe : c'est lourd, méchant et le chant tient plus de malédictions qu'un corbeau nous cracherait au visage. On apprécie néanmoins en fin d'album la petite bouffée d'air frais qu'apporte d'autres voix, en l’occurrence Erk Aicrag (Hocico, Rabia Sorda) dans un registre plus guttural encore que ce que l'on connaissait, assez impressionnant, et le timbre moins rauque et brutal de Razakel, icône rap / horrorcore sur des versions alternatives de Angels and Demons et Today is Your Day.

Assumant pleinement une électronique pachydermique et des ténèbres écrasantes, Antania sort avec Avidity un premier album aussi réjouissant que terrifiant. Décidément, bien que le travail de Doc Luna d'un projet à l'autre soit assez similaire, voilà un artiste avec un univers atypique qui ne fait dans la demi mesure. Cet air putride a quelque chose de rafraichissant !