Chronique | Antania - 3 AM 666

Pierre Sopor 21 juin 2025

Antania semble ne jamais s'arrêter, donnant l'impression que le duo californien existe depuis bien plus longtemps que simplement deux ans... Formé sur les cendres de Luna 13, Antania a multiplié les concerts (et notamment les tournées avec Psyclon Nine) et sorti déjà deux albums, Lividity et The God Complex. 3AM 666 est donc leur troisième et la formule, qui a fait ses preuves, reste inchangée : en s'inspirant de faits divers sordides et de tueurs en série, Antania mélange bass music et metal extrême pour un résultat lourd et cradingue à la croisée des genres.

C'est donc avec une satisfaction carnassière que l'on retrouve les beats hypnotiques et poids lourds de Doc Luna avant que la voix sinistre de Kali Mortem ne se mette à déclamer à la manière d'une comptine les paroles de Fishtro : "it's time to celebrate Albert Fish" récite-t-elle, évoquant le souvenir du sinistre tueur en série cannibale (entre autres joyeusetés). Sentiment de menace permanent, assauts synthétiques écrasants et ce chant rauque, sec, comme si Kali Mortem sortait de la tombe après un long sommeil et que ses cordes vocales étaient plus sèches que la plus poussiéreuse des momies : Antania pue la mort et sa musique cauchemardesque est particulièrement glauque.

3AM 666 enchaîne alors les incantations putrides, l'association des basses épaisses et des paroles scandées accentuant cette impression de messe noire. La lente déclamation des textes et sa lourdeur théâtrale donne une saveur grand-guignol à cet ensemble poisseux, d'autant plus que les paroles sont facilement intelligibles. On profite alors des sympathiques messages qu'Antania a pour nous : les "I want your blood" croassés sur Pigz ou le "Hail Satan" très Richard Ramirez de Stalker rampent dans nos conduits auditifs pour nous se loger dans les ténèbres de notre cerveau. Si la recette évolue peu, Antania se fait plaisir avec des transitions bruitistes industrielles, Void et Abysmal qui confirment la démarche : même si parfois un certain groove nous donne envie de remuer (Blood Love,  les rengaines de Dahm), on n'est pas là pour faire la fête. C'est noir, dégueulasse, étouffant.

Parmi toutes ces atrocités, la reprise de Cold de Static-X ferait presque office de bouffée d'air frais : allez, on oublie que ce morceau se trouve sur la bande-son de l'insupportable nanar qu'était La Reine des Damnés pour mieux apprécier ses synthés lugubres et son refrain entêtant : voilà ce qui ressemblerait presque à un hymne pour Antania ! 3AM 666 affirme l'univers si unique du duo de Joshua Tree : pas de révolution en vue de leur côté, mais la confirmation d'une approche personnelle des musiques électroniques, continuant de redéfinir les "musiques lourdes" et les hybridations ténébreuses... et une vraie radicalité, un refus de l'easy-listening malgré un vrai potentiel dansant. C'est sordide, d'un noir opaque, grinçant, hanté, salissant et ça fait plaisir. 

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe