Machinalis Tarantulae + Kloahk @ Atomic Cat - Paris (75) - 29 novembre 2025

Live Report | Machinalis Tarantulae + Kloahk @ Atomic Cat - Paris (75) - 29 novembre 2025

Pierre Sopor 2 décembre 2025

Depuis la reprise des concerts à l'Atomic Cat, on a pu y retrouver tout un tas de projets qui nous tiennent à cœur (Null Split, Supershotgun, Une Vraie Gothique, etc), autant de petits secrets de la scène dark / goth / electro / indus à apprécier dans ce cadre post-apo / cyberpunk. L'entrée est gratuite (et les consos légèrement majorées), incitant forcément à la découverte. Certes, Corpus Delicti jouait le même soir à Paris et il fallait donc choisir les ténèbres dans lesquelles se plonger, mais Machinalis Tarantulae et Kloahk étant deux des plus beaux secrets de la musique industrielle française (notez les précautions que l'on prend, alors que l'on sait très bien que ce sont les deux plus beaux, point barre), deux projets uniques et fascinants, il était impossible pour nous de passer à côté !

KLOAHK

Kloahk, le projet rock industriel de Paul Prevel (qui sévit également chez les plus turbulents Shaârghot), nous met face à la mystérieuse figure fantomatique piégé sur bande analogique qu'il incarne avec son maquillage blafard. Un parallèle se fait rapidement avec la musique enregistrée : un morceau est un peu comme un spectre qui revient nous hanter quand on l'écoute, éternellement figé dans l'instant de sa captation. Le live reste alors l'occasion de faire vivre la musique et c'est particulièrement vrai avec Kloahk ce soir-là, puisque le projet se présente dans une configuration inédite. Point de batterie à l'Atomic Cat, c'est donc dans une version plus douce et électronique que l'on va redécouvrir les titres des trois VERSO, Paul Prevel étant juste accompagné de Mila au piano.

No One Will Miss You When You're Gone en intro, dont le texte en français surprend toujours par sa sobriété et sa musicalité, puis en vrac, des relectures plus intimistes de Trash, Memory of Light, Blowtea ou encore Once Upon a Story s'enchaînent et on se retrouve particulièrement embarqués par une interprétation aussi minimaliste qu'incarnée de Lullaby. Le résultat est bluffant : une des grandes forces de Kloahk résidait déjà dans sa mélancolie, son âme tourmentée qui s'exprime via un chant en voix claire sans artifice, ce qui est rare pour le genre, et vecteur à la fois d'émotions, de nuances et de poésie. Dans cette version plus lo-fi, on fait d'autant plus attention à cette voix, à laquelle répond celle de Mila, expressions de cette sensibilité humaine au cœur des machines. C'est là qu'on le retrouve, ce fantôme piégé sur bande.

On l'a déjà dit à plusieurs reprises, Kloahk est un diamant noir, rare et précieux. Quelques instants avant le concert, il nous accordait une interview que l'on vous partagera prochainement et expliquait ne pas être forcément fan de reprises : sa récente version d'Army of Me n'est pas jouée... en revanche, surprise, le set s’achève sur une chouette appropriation de Closer de Nine Inch Nails. En comptant les tee-shirts Shaârghot dans la foule, on se dit que la popularité de "son autre groupe" commence enfin à attirer à l'artiste l'attention qu'il mérite. On a également pu constater sa capacité d'adaptation, pouvant proposer une version alternative de Kloahk qui marche très bien, moins contraignante d'un point de vue logistique... en espérant que cela ne l'empêche pas de trouver des dates sous sa forme habituelle, avec batteur et bassiste ! En attendant, il fallait profiter de cette occasion exceptionnelle de redécouvrir sous une forme nouvelle cet univers à la personnalité forte qui nous est si cher. Peut-être qu'on en aura à nouveau la chance, peut-être pas. Peu importe, quel que soit l'avenir du côté de Kloahk, on sait que ce sera beau.

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MACHINALIS TARANTULAE

Imaginez un peu : la dernière fois que Machinalis Tarantulae jouait à Paris, c'était en 2018. On attendait leur retour de pied ferme. En plus, le duo composé de Justine Ribière et Miss Z se retrouvait récemment au centre d'une polémique absurde puisqu'à l'occasion de leur concert à Montpellier des intégristes religieux et des néo-nazis se retrouvaient à manifester devant la salle pour dénoncer... des corps nus dansant ensanglantés sur des tombes et des organes humains dévorés ! Bon sang, alors là, dites-donc, depuis 2018, ça a bien changé Machinalis Tarantulae

Heureusement, on avait quand même prévu de venir en pantalon parce que, comme souvent quand on écoute les intégristes et les néo-nazis (on a tendance à les confondre), on se rend compte qu'ils ne racontent que des conneries. Un brin déçus quand même, on aurait bien dévoré quelques organes et sacrifié quelques bébés. Enfin, y'a pas de tombe à l'Atomic Cat, donc on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.

Trêve de bêtises. Comme on vous le racontait l'an dernier, le jeu de scène de Machinalis Tarantulae a changé depuis 2018 : fini les deux filles assises, une nouvelle présentation en cohésion avec les morceaux récents, plus rentre-dedans. Pourtant, c'est avec un petit voyage dans le temps que l'on commence la soirée, dans la pénombre et la fumée, alors que la viole de gambe arrête les conversations et nous joue le début d'Obsolete. Petit à petit, la tension monte, Miss Z se met à frapper son tom. Cadence de métronome, des mots scandés comme une incantation, Machinalis Tarantulae plonge son public en transe. On a rarement vu autant de monde pour un concert à l'Atomic Cat et ça remue sacrément dans les premiers rangs.

De l'élégance, de la poésie, du mystère, mais aussi une nervosité palpable. Les mots récités deviennent des cris que l'on lance comme des malédictions. La beauté de la mélodie de Se L'aura Freeze, la frénésie de Melanocetus, les rugissements de Miss Z sur They Said, le mélange de puissance et de fragilité de Sable, l'entrain La Pizzica... L'ardeur va crescendo, l'ambiance associe mystique et modernité, la musique est intemporelle. On se souvient d'une interview avec les deux artistes en 2017, Miss Z plaisantait alors en disant "vachement moins sauter dans tous les sens" que dans son ancien groupe. Retirez-lui sa chaise, donnez-lui une guitare et voyez comme le naturel revient au galop : ce soir-là, elle ne pouvait pas en dire autant ! Laid In Earth, puis les riffs fiévreux de Traum : on transpire.

Machinalis Tarantulae sur scène, c'est magique. Un sort qui s'empare de notre âme et nous remue le popotin, un truc à la fois viscéral et éthéré, une énergie bien physique associée à des spectres intangibles. C'est aussi beau que jouissif. Alors forcément, une telle soirée passe bien trop vite. On s'extirpe de l'Atomic Cat comme on sort d'un rêve agréable, avec la joie d'avoir pu les revoir mais, déjà, un petit pincement au cœur : pourvu que la prochaine fois ne soit pas dans sept ans... Avec tout ça, on n'a même pas eu le temps de regretter l'absence de sacrifices humains, c'est dire comme c'était bien !

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe