Machinalis Tarantulae - 2017-03-31

Machinalis Tarantulae - 2017-03-31

Pierre Sopor 5 avril 2017 Pierre Sopor

Ce soir vous jouez pour la première fois à Paris, après avoir récemment joué à Prague et ouvert pour CHRISTIAN DEATH à Toulouse. Quel est votre meilleur souvenir de concert avec MACHINALIS TARANTULAE ?
Justine Ribière : Moi, c'est le Bikini !
Miss Z : Bon, on n'a pas encore fait beaucoup de concerts alors forcément... Mais oui, le Bikini, rien que pour la salle qui est mythique... et puis jouer en première partie de CHRISTIAN DEATH, c'est sympa quand même ! Même si c'est Valor... Mais ça faut pas le dire, sinon il va faire la gueule. Plus sérieusement, je l'aime bien : il y a des morceaux que j'adore, et en plus il est beaucoup plus gentil qu'avant !
Justine Ribière : Après, la date à Prague c'était sympa aussi, il y avait une super énergie. Mais ce n'était pas pareil.
Miss Z : De toute façon, on n'a fait que quatre dates pour l'instant, donc on n'a pas beaucoup d'éléments pour comparer.
Justine Ribière : On en a fait cinq en fait, et six même, avec ce soir !

Justine, comment en es-tu venue à mélanger de la viole de gambe avec des sonorités électroniques ?
Justine Ribière : J'ai un parcours musical très classique : j'ai fait du clavecin et de la viole de gambe en conservatoire. J'ai toujours voulu métisser la viole de gambe avec d'autres esthétiques musicales. Déjà à la base, c'est un instrument né d'une hybridation : c'est une espèce de guitare baroque qui a été mélangée à un rebab, dont on joue en Espagne. Au fur et à mesure, ça s'est transformé : les gens ont joué de cette guitare avec un archet, etc, jusqu'à ce que ça devienne la viole de gambe qu'on connaît. Je me suis dit que cet instrument peut continuer à vivre et à évoluer, parce que souvent avec la viole de gambe on se retrouve à jouer le même répertoire de musiques anciennes... que j'adore, hein, c'est super j'aime beaucoup, mais si tu veux c'est quand même poussiéreux. C'est à dire que tu dois absolument jouer comme à l'époque, attention, sinon ça ne va plus ! Par exemple, on est supposé n'utiliser que des cordes en boyaux, même si ça ne tient pas, c'est pas grave : c'est comme ça qu'on faisait à l'époque alors on les garde ! J'ai toujours pensé qu'on pouvait continuer à faire évoluer l'instrument avec des répertoires de musiques actuelles. J'ai donc électrifié ma viole acoustique, jusqu'à réussir à trouver cette viole-là.

On retrouve également un goût pour l'ancien dans les visuels du projet...
Justine Ribière : Oui, j'adore le cinéma muet et toute cette esthétique expressionniste. Je trouve que ça colle assez avec le projet. Je ne sais pas comment tout ça va évoluer, mais j'aimerais garder cette ambiance visuelle, même si sur une photo récente avec Miss Z on a fait un peu de couleurs.
Miss Z : Oui, mais cette photo fait cabinet de curiosité, donc on reste dans cette ambiance ancienne, d'hybridation. Il faut se forcer parfois à sortir du noir et blanc, parce que c'est quand même un peu facile. Beau, mais facile. Alors de temps en temps, il faut se forcer un peu. C'est ce qu'on s'était dit d'ailleurs à cette séance photo.

En parlant de cinéma muet, tu utilises des gestes qui évoquent la langue des signes dans le clip de Melanocetus...
Justine Ribière : Pour le langage des signes dont je me suis servie dans le clip de Melanocetus, c'est en fait un croisement entre le vrai langage des signes et puis un geste plus chorégraphique, un peu comme la chorégraphie de Philippe Découflé dans Au Petit Bal Perdu. Le rapport à la chorégraphie est quelque chose qui me plaît, je suis une inconditionnelle de Pina Bausch et consorts... J'aimerais m'y arrêter: comment, en tant que musicienne, prolonger mon geste spécifique, en faire quelque chose de chorégraphique ? Sans pour autant être trop figée et "carton pâte"... J'ai encore du boulot, du coup ! Voilà, ce sont des envies...

Est-ce que cette hybridation entre moderne et ancien est un moyen de rester hors du temps, et donc de préserver un certain mystère, en n'abordant pas frontalement des choses actuelles ?
Justine Ribière : Si tu veux, quand j'ai décidé de lancer le projet, j'avais envie de mettre tout ce qui me plaît dedans : que ce soit de la musique ancienne ou industrielle, ou des esthétiques variées. Je voulais créer une sorte de fourre-tout avec tout ce que j'aime bien. Par exemple, il y a une pizzica sur l'album : quand j'ai découvert les danses des Pouilles en Italie, j'ai trouvé ce côté ethno-musicologique assez fascinant. Le premier morceau est un extrait d'un morceau de Schenck, qui est un compositeur de musique ancienne pour la viole de gambe. Utiliser ces compositions a été un point de départ pour finalement composer des choses qui n'ont plus aucun lien avec ce qui existe déjà. Parmi les compositions présentes sur le nouvel album, il n'y a quasiment aucun thème musical pré-existant. Mais oui, aller piocher dans des influences aussi diverses, ça nous garde hors du temps.
Miss Z : Rien que cet instrument, la viole de gambe, même s'il est électrique, ce n'est pas vraiment actuel !

Après avoir été un projet solo, MACHINALIS TARANTULAE est désormais un duo. Comment ça s'est fait ?
Miss Z : Justine m'a contactée tout d'abord pour savoir si je voulais bien faire un remix. J'ai donc fait ce remix...
Justine Ribière : ... Et là, je t'ai dit que si tu voulais revenir, fallait pas hésiter !
Miss Z : Voilà, très vite j'ai posé une guitare sur un morceau, et puis deux guitares, et puis trois guitares... et puis on va faire un album, quoi.


Et qu'est ce que ça a changé à vos façons de travailler ?
Justine Ribière :  Au niveau de la composition, ça n'a pas énormément changé. On travaille beaucoup à distance, via internet. Je compose, et elle ajoute ce qu'elle veut en choeurs, en guitares ou en tom, je lui fais confiance. On se fait quelques échanges comme ça jusqu'à ce qu'on ait tout validé. C'est surtout pour le live que c'est chouette de faire ça à deux, humainement. Je trouve que ça marche bien.
Miss Z : Par rapport à PUNISH YOURSELF, ça me fait une sacrée différence ! Avec PUNISH on est plein, on saute dans tous les sens, on est peints... Là, avec Justine on est deux et on est assises. Je pense que Justine est plutôt la cérébrale, et moi je suis plutôt là pour essayer d'amener de l'énergie. C'est donc un challenge de savoir se taire en tant que musicien, c'est à dire que si j'apporte de la guitare, je ne viens pas non plus pour faire de la guitare partout, tout le temps. Je veux juste apporter à un certain moment un peu d'instrument qui donne de l'énergie, de manière assez basique. Comme avec le tom, je ne vais pas chercher à faire des trucs compliqués, on n'est pas au jazz ! 

Vous êtes venues avec vos lumières pour le concert de ce soir. En quoi consiste votre show visuellement ?
Miss Z : Alors ça dépend, en fait. Mais tout d'abord, on trouve qu'avoir des techniciens avec nous est super important pour retranscrire l'univers. Il nous faut quelqu'un à la lumière et il nous faut quelqu'un au son. Donc en fait, on est quatre dans le groupe. On a deux projets pour l'ambiance : un pour les plus grandes scènes, avec des projections sur nous, et un autre pour les plus petits lieux comme ce soir au Klub. On utilise le même matériel, mais comme on ne peut pas projeter sur nous parce que c'est trop petit, on met tout derrière nous. Cet aspect visuel est super important pour retranscrire notre univers.
Justine Ribière : Dans cette configuration, les projections se retrouvent sur le public, donc le spectacle est pour nous aussi !  

Et où en êtes-vous de ce deuxième album ?
Justine Ribière : Et bien, il est fini ! Il ne manque plus que le mastering en fait, et c'est bon.
Miss Z : On reçoit ce week-end un remix par les DEAD SEXY INC, qu'ils sont en train de finir. Donc après ça part au master, il y a le temps de fabrication et ça nous amènera à juin. Si tout va bien. 

Vous jouerez des nouveaux morceaux ce soir ? 
Justine Ribière : Oui, il y en a, bien sûr. On en joue combien ? Deux, trois ?
Miss Z : Oui, quelque-chose comme ça.
Justine Ribière : They Said, HB,... Attends, il y'en a carrément plein, en fait ! 
Miss Z : Ah oui on en est bien à quatre,  ça fait presque la moitié de l'album, hé-ho ! 

Et à quoi doit-on s'attendre sur cet album ?
Justine Ribière : Comme je te disais tout à l'heure, c'est moins inspiré de thèmes qui existent que j'ai pu rebidouiller. Dans Tabularium, sur Se L'Aura Freeze par exemple, j'avais pris un air d'une musique de la Renaissance et j'ai utilisé les paroles de L'Air du Froid de Purcell. Là, ça sera peut-être un peu plus indus aussi, un peu plus énergique.
Miss Z : Forcément, la guitare amène ce côté plus rentre-dedans. Pas metal non plus, mais plus indus, oui. 

On n'y retrouvera donc plus de morceaux plus légers, ou ethniques, comme La Pizzica ?
Justine Ribière : Ethniques, non. Mais il reste des morceaux planants, comme Verre par exemple.
Miss Z : Et puis la viole sonne baroque, quand même. Même sur des morceaux très indus comme They Said, la sonorité de l'instrument fait que ça reste un peu... comment dire ? Un peu vieillot ?
Justine Ribière : Comment ça, un peu vieillot ? 
Miss Z : J'allais dire "trad", mais j'ai résisté !
Justine Ribière : Ah non, pitié ne dis pas "trad" ! On s'est retrouvées dans un truc, où on nous annonce comme concert "electro-indus-trad", quelle horreur ! J'aimerais vraiment arriver à détacher l'instrument de cette image "vieillote", c'est pour ça que mes compositions évoluent, et que je me nourris de tout ce que je peux écouter ici ou là.

Indus-trad, ça sonne vachement "manif pour tous"...
Miss Z : C'est vrai, c'est horrible ! La mode en ce moment c'est de te coller une dizaine de genres... Après, même si le nouvel album n'aura pas de morceaux légers comme La Pizzica, rien n'est fermé. On a plus joué sur les tempos ici. Parce qu'à un moment on se mettait à vouloir accélerer, accélerer et ne faire que ça mais il faut quand même savoir se calmer aussi et faire des choses à mid-tempo.

Très bien. Merci à vous deux, et bon concert !
Merci à toi !