Oh, mais regardez qui re-voilà ! Agony & the Middle Class a beau n'être apparu qu'il y a quelques mois avec un premier EP, Pig Cheese, on n'est pas totalement perdus puisqu'on a le plaisir d'y retrouver Antoine Kerbérénès (Null Split, Dague de Marbre, Chrome Corpse, Marble Dagger). Cet artiste singulier hyperactif, créatif et toujours étrangement sous les radars malgré la qualité de son travail est cette fois-ci accompagné de Dana Mukanova. Ensemble, ils se partagent aussi bien la composition que l'artwork, à l'image de cette pochette cauchemardesque mais non dénuée d'une forme de poésie macabre. Crystal Understudy prolonge leur démarche découverte sur l'EP précédent : des samples, des références digital hardcore, EBM et industrielles... et une rage ardente pour donner vie à un univers cyberpunk à vif.
Agony & the Middle Class semble avoir assimilé, consciemment ou non, la saturation de stimulations audiovisuelles de notre monde : les écrans sont partout et nous abreuvent de contenu divers en permanence dans une cacophonie angoissante où se mélangent pubs, informations, cinéma, etc... C'est dans ce chaos constant de surconsommation qu'ils piochent une matière première, des samples que le duo associe à ses machines, torture, boucle, brise, refaçonne dans une démarche quasi alchimique. C'est d'ailleurs sur une citation du Showgirls de Paul Verhoeven que commence l'EP avant qu'un assaut de beats ne nous saute à la gorge. Le résultat est à la fois psychédélique, anxiogène et furieux, la voix de Kerbérénès insufflant comme toujours la hargne typique à ses projets.
Agony & the Middle Class pique à l'industriel ce goût pour la corruption des sons sortis de leur contexte jusqu'à les transformer en musique et régurgite généreusement avec une énergie qui rappelle les avalanches sonores d'Atari Teenage Riot et le goût pour le saccage viscéral de la musique à la Nine Inch Nails des années 90. Dans cet univers sombre à l'ironie cinglante, on devine aussi un plaisir ludique, alors que le duo s'amuse à casser ses jouets pour les réassembler et créer de nouveaux monstres mutants. Par exemple, Tas de paysans adieu paris mélange curieusement un refrain au potentiel hymnique et un travail de déconstruction acharnée qui éclate la structure du morceau. Le résultat est à la fois fun et méchant, Agony & The Middle Class a le mordant de deux sales gosses mais aussi une envie d'expérimenter et de nous trimballer dans tous les sens. C'est intense, plutôt zinzin, et très rafraichissant.